Portrait de diplômé·es / Golnaz Payani

Golnaz Payani est née à Téhéran en 1986. Après une Licence en peinture obtenue à la Faculté d’art et d’architecture de Téhéran, elle entre à l’ÉSACM où elle obtient le DNSEP en 2013. Elle participe à des expositions personnelles ou collectives depuis 2011, en France (Paris, Clermont-Ferrand, Thiers, Toulouse, Châteauroux, Annemasse, Chanonat, Grenoble) et à l’étranger (Téhéran, Londres, New York, Turin).

Installée en France depuis 2009, elle développe une pratique ouverte où des médiums variés sont sollicités : film, vidéo, travaux sur tissus, installation, céramique, poésie.

Vue de l’exposition L’ombre des oasis, de Golnaz Payani à la galerie Praz-Delavallade Paris, du 14 novembre 2019 au 11 janvier 2020.

Quels sont vos projets ?

Ma première exposition personnelle à la galerie Praz-Delavallade à Paris s’est terminée début janvier. Cette galerie me représente depuis 2019. Je participe à une exposition collective en ce moment à la Manufacture, le musée de la broderie à Roubaix. Les autres projets sont suspendus à cause de la situation sanitaire actuelle.

Que vous a apporté cette première exposition personnelle ?

C’était une superbe expérience à plusieurs points de vue. J’ai bénéficié d’un vrai soutien de la part de presse, avec des articles dans Le Quotidien de l’art, Artforum, La République de l’art etc. J’aurais aimé faire plus de rencontres et avoir l’occasion d’échanger davantage avec les visiteurs, mais malheureusement cela n’a pas été possible à cause de la grève des transports qui a eu lieu pendant mon exposition.

Comment avez-vous été approchée par la galerie Praz-Delavallade ? À quelle occasion ces professionnels ont-ils découvert votre travail ?

En 2016, j’ai été sélectionnée pour participer au Salon de Montrouge, au Beffroi. Une exposition annuelle collective qui présente de jeunes artistes. C’est une exposition très importante, car elle est visitée par des professionnels du milieu de l’art contemporain, des galeristes et des collectionneurs. J’ai rencontré René-Julien Praz et Bruno Delavallade pour la première fois lors du vernissage de cette exposition. Nous avons échangé quelques mots et nos coordonnées.
Suite à cette rencontre, ils sont venus visiter mon atelier, et ils ont apprécié mon travail. Nous avons gardé contact et pendant deux ans ils m’ont régulièrement invitée aux vernissages des expositions organisées dans leur galerie. De mon côté je les invitais également à mes expositions. Puis en 2018 ils m’ont proposé de participer à une exposition collective dans leur galerie. Depuis nous travaillons ensemble.


Pouvez-vous nous parler de la relation entre un artiste et sa galerie ?

Comme dans beaucoup d’autres activités artistiques, ces types de coopération ne sont pas basées sur des lois écrites. Donc la relation d’un artiste avec sa galerie dépend avant tout des personnes. J’ai participé à quatre expositions avec cette galerie : deux collectives à Paris, une à Los Angeles, et une exposition personnelle à Paris. À chaque fois nous nous sommes très bien entendus, avec René-Julien Praz, Bruno Delavallade, et toute l’équipe de la galerie. Nous avons une belle relation professionnelle, amicale et courtoise.

Golnaz Payani à la galerie Praz-Delavallde en novembre 2019, en train de préparer l’exposition.
Oasis, 40 x 30 x 5 cm, papier, 2015.

À quoi ressemble votre quotidien de travail ?

Mon quotidien de travail ressemble exactement au confinement. Ce n’est sans doute pas le cas de tout le monde, mais pour moi c’est un métier solitaire. Parfois je ne vois personnes pendant plusieurs jours.
Je vais presque tous les jours à l’atelier, qui est en face de mon appartement, et j’y passe 7 à 8 heures par jour. À l’atelier, je travaille parfois à la mise en forme d’une idée, à des projets personnels pour lesquels je n’ai pas de date de présentation, mais qui font partie de mes recherches. Il y a donc souvent une part d’expérimentation dans ces projets. Parfois, je travaille sur un projet précis et concret, comme pour préparer une exposition. Mais il arrive aussi que pendant plusieurs jours je ne fasse qu’écrire des projets, des lettres de motivation et des dossiers de candidature.

L’atelier actuel de Golnaz Payani à Torcy

Pouvez-vous nous parler de l’après-école ? 

La transition pour moi s’est très bien passée.  J’ai eu la chance d’être soutenue par quatre organismes qui proposaient des appels à participation pour des expositions collectives réservées aux diplômés. Ces expositions ont été organisées à l’ÉSACM (Les  XV de France, Clermont-Ferrand, 2013), au BBB (Première, Toulouse, 2014), au Creux de L’enfer (Les enfants du Sabbat n°15, Thiers, 2014) et à Chanonat (Tropisme(S) #5, 2014).

Ces expositions m’ont permis de rencontrer des gens et de développer mon réseau professionnel. Mais ce qui m’a le plus accompagné dans cette progression, c’est ma motivation. Car il y a eu aussi des périodes creuses. Mais cela ne m’a pas empêché de continuer mon travail et de postuler à des projets d’expositions. C’est ce qui m’a permis de garder le moteur toujours allumé !
Bien entendu, même la meilleure volonté du monde ne suffit pas à payer les loyers parisiens ! J’ai aussi eu des jobs alimentaires.

Quels sont les liens entre votre pratique actuelle et votre parcours d’étudiante à l’école ?

Mon parcours est très cohérent avec la pratique que je développais à l’école. Je travaille sur les mêmes thématiques, je suis la même personne, avec la même volonté, les mêmes centres d’intérêts, les mêmes interrogations, mais avec sept ans d’expériences supplémentaires.

À mon avis, faire une école d’art est très important, voir primordial lorsque l’on a réellement la volonté d’exercer le métier d’artiste. Il y a beaucoup de débats à ce sujet, pour certains l’art ne s’apprend pas ! Mais selon moi, dans une école d’art nous apprenons surtout deux choses : à se situer dans l’histoire de l’art, et à se connaître, c’est-à-dire à comprendre de quoi nous avons besoin dans notre atelier, ce que nous pouvons faire lorsque nous n’avons plus d’idée, comment gérer le stress face aux présentations, etc. L’école est un plus, qui nous maintient sur les rails en même temps qu’elle accélère notre carrière.

Paysage avec du violet, vidéo, 15’27 », 2018. ( Conteur : Michel Cegarra. Musique : Nicolas Laferrerie)

Qu’est-ce qu’être artiste ?

Être artiste pour moi est un mode de vie. Celui qui me permet de rester curieuse. C’est comme un livre ouvert qui ne se ferme jamais. Mais cette ouverture à l’infini, si elle n’est pas pleinement consciente, peut devenir douloureuse. Pour la majorité des métiers, les gens candidatent pour un poste. Ils écrivent une lettre de motivation et un curriculum, et au bout de plusieurs essais, ils décrochent un travail. Le métier d’artiste ne permet pas de s’arrêter au bout de quelques essais. Le rapport au travail ne tend pas vers l’obtention d’un emploi, vers la stabilité. Il se renouvelle en permanence. C’est comme préparer une grande fête. C’est génial, excitant, enthousiasmant, mais il faut beaucoup d’énergie, de courage et d’ambition, avec le risque d’organiser beaucoup de fêtes ratées avant d’en réussir vraiment une.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Travailler à l’atelier, répondre à des appels à projets, agrandir mon réseau, changer l’échelle de mon travail, trouver une résidence aux Etat-Unis, lire les livres de Didi-Huberman, connaitre mieux Derrida et son idée de la « déconstruction » … continuer à être curieuse!

Golnazpayani.com

Le cercle et la forêt, 90 x 64 cm, Tissu et bois, 2019