Portrait ancien étudiant / Hugo Livet

Hugo Livet a été diplômé d’un DNSEP en 2012 à l’ÉSACM. Artiste plasticien, il vit et travaille à Paris.

Dessin, objets, installations, ses propositions explorent le langage universel de la nature. Il est aussi à l’origine du projet numérique DMT vision qui croise les univers de la science-fiction et de la bande dessinée. Il a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives, en France comme à l’étranger.

-Qu’est-ce qui a motivé votre projet d’intégrer une école d’art ? Quelles étaient vos attentes ?

Si je remonte suffisamment loin, ce sont probablement les Lego et les bandes dessinées qui m’ont permis d’envisager une école d’art. Je ne connaissais rien à l’art, mais je dessinais depuis longtemps, et j’ai choisi les seules études qui pouvaient me permettre d’exercer ma pratique. J’ai participé au concours d’entrée une première fois, sans succès. J’ai passé plusieurs mois enfermé dans une chambre de Cité U à remplir les murs de dessins et j’ai réessayé l’année suivante. Il se trouve que j’ai été reçu par le même jury que l’année précédente. Ils et elles se sont souvenu·es de moi et je pense que ça a joué en ma faveur, parce que mes connaissances en art étaient très limitées. J’avais peu d’attentes précises. Je voulais simplement pouvoir dessiner et échapper au cursus classique.

-Finalement qu’y avez-vous trouvé ?

Des ami·es. Je pense que c’est le plus important car c’est avec elles et eux que j’ai appris et que j’apprends encore. Mais l’environnement de l’école était idéal et très stimulant. J’y ai construit une pensée artistique et les bases d’une éthique personnelle, acquis des connaissances en histoire de l’art et expérimenté de nombreuses techniques.

Mon parcours à l’école correspond à une période de découverte fantastique, pleine de candeur. J’étais très stimulé par l’ambiance générale, par le travail de mes camarades et par les conseils des enseignant·es, par les espaces et équipements. On avait une salle de musique avec un accès à beaucoup d’instruments, par exemple. On jouait ensemble quotidiennement, et on pouvait participer ou organiser de nombreux évènements. Ça nous a aidé à tisser des liens forts, et a commencer à former un réseau. En ce moment, par exemple, je prépare une œuvre en duo avec l’artiste Plume Ribout Martini, pour une exposition collective à Anvers sur une invitation de Luc Avargues (DNSEP 2010). 

-Comment s’est passée votre sortie de l’école ?

J’ai été assez privilégié sur ce point. J’ai reçu les félicitations et j’ai été sélectionné pour plusieurs expositions dès ma sortie. Ça m’a permis de vivre de ma pratique les premières années. Mais la réalité du monde de l’art est bien loin de ce que j’imaginais à l’école. On a découvert par nous même que Clermont-Ferrand était un microcosme protecteur et que la vie d’artiste, dans la plupart des cas, c’est aussi jongler entre le RSA et un travail alimentaire. J’ai eu de la chance au début, puis j’ai dû m’adapter. Mais à postériori je pense que c’était une bonne chose. On a été préservés et ça nous a permis de développer une démarche sans penser à la finalité, de façon sincère et désintéressée.

Peu après ma sortie de l’école, j’ai été invité à participer à quelques expositions importantes pour moi, comme la biennale de Saint Flour ou «Echo(s)))», inscrite dans le programme Résonance de la Biennale d’art contemporain de Lyon. Le salon de Montrouge m’a aussi apporté de la visibilité dans les années qui ont suivi, et j’y ai rencontré quelques ami·es.

Mais les expositions qui ont le plus fait évoluer ma pratique sont sans doute celles qui m’ont contraint à m’adapter totalement à un espace. C’était le cas par exemple de ma première exposition personnelle au centre culturel de Mulhouse. Je devais produire une pièce in situ pour un espace composé de plusieurs couloirs aux murs recouverts de lino orange. J’ai utilisé cette particularité, et j’ai fabriqué des centaines de feuilles mortes en argile rouge que j’ai disséminées dans les coins des couloirs. 

D’où viennent les porosités de votre travail avec l’univers scientifique ?

Les artistes sont des chercheur·euses, au même titre que les scientifiques. Et les processus de recherche que nous menons sont souvent très semblables. Je pense que créer, c’est une manière de participer à la complexification de l’univers. La science permet de comprendre le processus, et l’art permet de le détourner.

Quel rapport votre travail entretient avec la nature ?

Je vois ma pratique comme une exploration du langage universel de la nature à travers différents outils et matériaux. J’essaye de découvrir de nouvelles formes, comme de nouveaux mots. Je considère la création artistique comme un processus darwinien auquel nous participons collectivement, une idée ou une forme pouvant en engendrer une autre. La « nature », c’est un concept occidental qui sert à décrire le monde de façon logique. C’est un mot ambigu. Pour moi la nature traverse tout. Un algorithme ou une intelligence artificielle peuvent être naturelles au même titre qu’un organisme. Je vois la culture comme une continuation de la nature et j’essaye d’appliquer ces idées dans mon travail. Je suis aussi très attaché à ce qu’on appelle « l’environnement naturel ». J’ai grandi dans une campagne isolée et foisonnante qui nourrit encore mon imaginaire.

-Qu’est-ce que DMT Vision ?

DMT vision est un projet d’illustration et d’art numérique assez complexe que j’ai lancé il y a deux ans de façon anonyme et qui présente aujourd’hui des formes multiples. Les thèmes principaux sont les substances psychédéliques et les états modifiés de conscience. J’ai toujours aimé le dessin et l’illustration mais j’avais laissé de côté toute forme d’art représentatif car il me semblait que ça n’avait pas sa place dans mon parcours à l’école. Mes recherches dans le domaine des plantes psychotropes m’ont amené à m’intéresser à la DMT, ou Diméthyltryptamine, une molécule naturellement présente dans l’organisme et dans d’innombrables plantes. Son contact provoque des visions courtes et intenses et un état qu’on apparente souvent à celui de mort imminente. C’est en m’intéressant à ces visions que j’ai repris le dessin sous la forme d’illustrations, et plus tard sous la forme d’animations 2D et 3D. Aujourd’hui, DMT Vision réunit plusieurs projets, dont une sorte de bande dessinée animée, The Adventures of Ego, qui raconte de façon muette et en noir et blanc le voyage d’un « ego » virtuel dans un monde numérique. DMT Vision m’a permis de toucher un public plus large et d’en dégager un revenu. Ce projet me permet d’explorer des formes d’art qui trouvent difficilement leur place dans le milieu de l’art contemporain.

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