Portrait diplomée / Niloufar Basiri

Niloufar Basiri est née à Isaphan, en Iran. Après des études en architecture et un apprentissage en peinture en Iran, Niloufar a obtenu son visa pour la France et intégré l’ÉSACM en 2016. Elle a obtenu un DNSEP en 2020. Depuis, elle a intégré les ateliers du GrandLarge à Lyon.

Peux-tu revenir sur ton parcours avant l’école ?

Avant d’arriver en France, j’avais étudié l’architecture en Iran. Après les études j’ai intégré le monde du travail quelques temps, mais l’art et la création me manquaient beaucoup. J’ai alors quitté le travail et repris des cours de peinture chez un maitre de la miniature persane pendant 5 ans. Je suis devenue son assistante. En parallèle, je donnais des cours de peinture, suivant différentes techniques. L’apprentissage était très académique, et concernait la peinture figurative, réaliste. J’étudiais à partir de modèles vivants ou de photos la plupart du temps, mais j’avais envie de créer mon propre art, trouver un langage à travers lequel je pourrais m’exprimer. C’est avec ce projet que j’ai décidé de poursuivre mes études en France, pour avoir plus de liberté et échapper à la censure dans mon pays. Apres deux ans d’apprentissage de la langue française j’ai obtenu mon visa, et en septembre 2016 j’ai intégré la 2eme année à l’ÉSACM.

Jusqu’à là je n’avais appris que la technique, et l’école m’a accompagné dans un processus de création plus libre, plus porté sur les idées et la réflexion. Le monde de l’art contemporain était pour moi un tout nouveau territoire. Au début, je me sentais perdue, surtout avec la barrière de la langue et de la culture. L’aide des professeurs et des autres étudiants a été très rassurante pour que je puisse traverser cette phase, et trouver progressivement ma voie.
À l’école nous apprenons à développer nos idées, à les transcrire sous forme plastique, à présenter notre travail, et à appréhender les aspects administratifs liés à la création.

Comment s’est passée ta sortie de l’école ?

Après mon diplôme, j’ai déménagé à Lyon. Pour des raisons personnelles mais aussi pour changer d’environnement et découvrir un nouveau réseau dans une grande ville. La première année après l’obtention du diplôme était pour moi un temps de transition entre les études et la vie professionnelle, entre Clermont-Ferrand et Lyon. J’avais lancé un projet collaboratif qui m’a apporté beaucoup de choses mais qui n’a pas abouti. En parallèle je travaillais chez moi, dans des conditions parfois compliquées selon le format du projet, les matériaux choisis, et au vu de la taille de mon appartement.

Cette année-là, j’ai participé à l’exposition collective « Les une et mille nuits » dans le cadre du festival C’Mouvoir à Champs-sur-Tarentaine et « AIMANT, AIMANT » dans le cadre du festival des Arts en Balade à Clermont-Ferrand.  J’ai également accompagné un groupe d’étudiant·es de l’école pour une résidence d’un mois au PAF (Performing Art Forum) à St-Erme.

J’ai ensuite postulé pour un atelier au Grand Large, l’association pour la jeune création en Auvergne-Rhône-Alpes à Lyon où je suis résidente depuis. Nous sommes 33 artistes dont la plupart sont diplômé·es des écoles de la région. Il y a des évènements et des visites organisées qui permettent de rencontrer des professionnelles du milieu de l’art et élargir son réseau. Grâce à cet atelier j’ai participé à des expositions collectives dont « Paysages, grands formats » à Saint Gervais-les-Bains, ainsi qu’à « Exposition d’art urbain » et « Chemin de traverse » à Lyon, dans le cadre du programme « Résonance » de la Biennale de Lyon.

Peux-tu développer sur ta pratique et de ta méthodologie de travail ?

Ma pratique est beaucoup inspirée de mon expérience de vie en France en tant qu’étrangère. Elle est centrée autour des questions de l’identité culturelle et linguistique, de la dislocation et la transculturation.

J’aborde des aspects communs à chaque nation, comme la langue, les traditions ou encore la géographie, et j’en explore les différences. Ma pratique explore deux types d’identité, comme l’énonce le théoricien de la culture, Stuart Hall : l’une fondée sur des similitudes, une unité qui vient de l’appartenance à une culture commune ; et l’autre basée sur un processus actif d’identification, qui répond aux points de différence évoluant toujours à travers un jeu continu d’histoire, de culture et de pouvoir.

Je ne me limite pas à un medium ou une technique. Je choisi la forme qui sert le mieux mon idée. Ça peut être la broderie, le dessin, la vidéo ou la performance.
Par exemple, dans une de mes performances j’ai utilisé des mots persans qui ont été empruntés par la langue française. Une répétition, un amalgame, des mots qui, accompagnés par mon corps en mouvement, installent une ambiance ambigüe et équivoque.
Depuis mon diplôme je travaille sur une série de broderies sur les toiles de Jouy, où des éléments de miniatures persanes s’intègrent dans cette étoffe typiquement française. Ces éléments cohabitent alors dans les scènes de la vie quotidienne, de la faune et la flore.
Une autre série de broderies et de dessin représente une carte mentale, un « ailleurs » qui n’est pas forcément un lieu géographique réel, mais un endroit imaginaire.
Dans mon travail, le choix des mediums et des techniques implique un processus lent. Cela fait écho à la lenteur et à l’effort du processus d’intégration, qui sous-tend l’ensemble de mon travail : comment s’assimiler au pays d’accueil en conservant une conscience identitaire liée à la mémoire collective du territoire, de la société d’origine et de son histoire ?

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?

Je travaille sur une installation textile pour le festival de l’Art et la Matière en Drôme des Collines pour le mois juin 2023. L’objectif du festival est de mettre en résonance des œuvres contemporaines et des lieux chargés d’histoire. Le projet s’inspire de la chapelle Saint-Roch et du paysage qui l’entoure.
En parallèle je travaille à un projet avec « l’envers des pentes », un programme de recherche, d’expérimentation et de création en territoire de montagne, qui me permettra de participer à une résidence en refuge de montagne cet été.
En automne 2023, je présenterai une exposition personnelle à MAPRAA (Maison des Arts Plastiques et visuels Auvergne Rhône-Alpes) et une exposition collective à l’espace d’art contemporain H2M à Bourg-en-Bresse.

https://www.legrandlarge.org/les-artistes/niloufar-basiri

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