Charlène Bogani

FILM
n.m. (mot angl.).
1. “ -On m’avait dit que je devais faire du cinéma.
Alors on m’a posé là. Je devais être à l’origine d’une “oeuvre”.
Je vois des gens passer devant moi, ils s’affairent à gauche et à droite sans me prêter aucune attention.
L’endroit n’est pas très agréable en plus, la vue est bouchée et la lumière ne me convient pas.
2. Ils pensent sûrement en savoir plus que moi sur le sujet. Sans me faire de film je pense n’être qu’un instrument pour eux.
Et pourtant, j’ai vu tellement de choses, je me souviens de tout, je pourrais tout leur montrer encore et encore.
Sans moi ils ne pourraient rien faire, ils gesticuleraient pour eux-mêmes, sans public, sans intérêt.
Il n’y aurait plus de cadre, plus de perspective, plus de mouvement, plus de troisième oeil.
3. Mais je ne suis qu’un appareil dans cette industrie, je n’ai qu’une valeur technique.
Je suis une invention qui fait ce qu’on lui demande.
Ce n’est pas moi qui crée le rêve.
4. Ah, ça s’agite autour de moi, je vais entrer en piste.
“ -Moteur…”,
on actionne mon mécanisme,
c’est à moi,
je fais ce que j’ai à faire.”

SCENARIO
n.m. (ital. scenario, de scena, scène).
1. EXT / NUIT : Une rue dont les lampadaires sont allumés. Un chat sur le trottoir se faufile le long d’un mur.
Une fenêtre laisse découvrir une pièce. A l’intérieur, une lampe de chevet sur une table où sont éparpillées de nombreuses feuilles. Un homme est assis devant, de dos.
2. INT / NUIT : Une main saisit un stylo sur la table. Elle le fait bouger dans tous les sens
par de petits gestes rapides, et le tapote sur la table. Elle le porte jusqu’à une bouche qui le mâchouille.
Les yeux regardant en contre-bas semblent lire quelque chose.
Sur la table, l’autre main tient une feuille sur laquelle est écrit
“A tourner : Scène 1 : EXT / NUIT :” .
La main au stylo vient rajouter
“Une rue dont les lampadaires sont allumés.
Un chat sur le trottoir se..”

MEMOIRE
n.f (lat. memoria). n.m.
1. Je me souviens avoir voulu parler de cinéma.
Non, ce n’est pas ça.
2. Je me souviens avoir voulu comprendre les images.
Non.
3. Je ne me souviens plus très bien, mais il était question d’histoires, ou peut-être juste de
vérité.
Je crois que ce n’est toujours pas ça.
4. J’ai voulu rentrer dans le grain, vivre son mouvement.
A moins qu’il n’eût s’agit que d’oublier.
5. J’ai voulu partager, ça je m’en rappelle.
Enfin je crois.
6. Je voulais parler de moi pour qu’ils se voient eux. Je voulais me souvenir de cette envie.
Il fallait la faire vivre.
7. J’ai mis des mots les uns après les autres, mais je ne voyais que des sensations.
Et des images surtout.
Chaque mot est une image, chaque mémoire est un film.
Je crois qu’il est préférable d’oublier pour mieux se souvenir.

Extraits de L’image rêvée, 2014, mémoire de fin d’étude