Matthieu Dussol

Matthieu Dussol est diplômé de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole en 2016.

C’est après s’être formé aux techniques d’enregistrement de l’image, la photographie et la vidéo, que Matthieu Dussol a décidé d’inscrire leurs limites, voire leur dépassement, au sein même de ces médiums. Comment, en effet, rendre compte de l’empreinte que laisse sur le paysage les frontières géographiques, politiques ou religieuses, tracées sur une représentation du paysage qui n’a initialement que peu de rapport avec la chose même, mais qui pourtant, par les comportements qu’elles induisent, finissent par s’y inscrire physiquement ? D’un intérêt personnel pour la montagne et les paysages sauvages naît alors une réflexion incarnée autour de la résurgence des frontières dans un monde que l’on pensait définitivement décloisonné, tentant d’apprivoiser le réel à travers les ressources de la fiction (…). Adoptant une progression narrative dont le sujet principal est une île, l’île Hans, enceinte naturelle située non loin du Groenland, entre les frontières étatiques du Danemark et du Canada – ou plus précisément, pile au centre de la frontière, n’appartenant de fait ni à l’un ni à l’autre pays. Rocher d’à peine plus d’un kilomètre carré pris dans les glaces, il est de fait impossible de se rendre sur l’île, dont on ne trouve de surcroît que peu d’images. À partir de ces prémisses, l’artiste invente une intrigue autour de Hans, prénom masculin glissant de la désignation d’un rocher à un personnage multiple, point de départ d’un périple passant de Hans Lucas, le pseudonyme dont Jean-Luc Godard signait quelques critiques dans Les Cahiers du Cinéma ; à une excursion rocheuse située dans le Puy de Dôme, sur lequel apparaît un visage pétrifié, figé et forgé par les années d’érosion ; aux rencontres avec des personnalités scientifiques et des explorateurs. Démontrant combien, dans l’appréhension d’un paysage, l’acte de percevoir n’est jamais vierge mais toujours précédé par les projections que lui surimposent les hommes et qui finissent par en changer la nature concrète. À l’image de certains explorateurs tels que Robert Peary, Fridtjord Nansen ou Thor Heyerdahl, il construit ce qu’il appelle une « cordée », composée de plusieurs personnes devenants tour à tour acteurs, narrateurs, cadreurs, preneurs de son ou scénaristes et construisent ensemble les différents fragments de cette tentative d’exploration.

Ingrid Luquet-Gad