Salma Mochtari

Curatrice

« Ce que les Black Studies nous font faire »
Chercheuse et curatrice basée entre Marseille et la région parisienne.
Membre du collectif éditorial et curatorial Qalqalah قلقلة.

Ma formation académique en philosophie contemporaine m’a amenée à naviguer entre les modes d’écriture et de raisonnement qu’exige l’université, d’un côté, et ceux moins canonisés, mais tout aussi cadrés, qu’exige le travail au sein des institutions artistiques. En philosophie, je me suis intéressée à la question de l’archive en partant de l’intérêt qu’elle suscite dans les milieux artistiques, par le biais des pensées de Jacques Derrida et de Michel Foucault. Cela m’a ensuite mené vers une exploration de l’histoire du sujet chez Foucault, que je lis avec Saidiya Hartman en la traduisant. Le travail de Hartman est devenu incontournable en ce qu’il trace les lignes d’un possible dépassement de l’absence de récit par la fiction, tout en critiquant la scientificité et l’objectivité présumés de toute archive scientifique.
C’est à partir de ce travail que je voudrais porter un regard sur les déplacements de certaines questions qui viennent du canon philosophique classique et interroger par le biais de l’archive, sujet récurrent et souvent renouvelé dans les pratiques artistiques et curatoriales, nos modalités de travailler la question théorique dans l’art. Spécifiquement, la question théorique noire, et des usages stricts ou moins stricts de concepts comme la fabulation critique de Saidiya Hartman.

En prenant l’usage de ces théories au sérieux, je voudrais explorer la capacité de ces déplacements théoriques — que fait la citation décontextualisée, au milieu d’un texte d’exposition, à un travail de study laborieux et dialectique ? Que fait le name-dropping d’un·e auteurice à la potentialité critique d’un raisonnement ? Autrement dit, y a-t-il des manières de travailler les études noires qui ne seraient pas des esthétisations apolitiques ?
A contrario, l’approche universitaire est-elle suffisamment accessible, suffisamment inclusive pour permettre à des voix autres que celles des Groupes Subalternes universitaires, institués, de dire quelque chose d’elleux-mêmes ?
Sans la romantiser, la pratique artistique telle qu’elle émerge dans des pratiques de traduction partagée, d’écriture collective, de lectures de texte, d’étude même, peut- elle dire autre chose, d’une autre manière, que le langage universitaire qui empêche au moins autant qu’il permet ?
De la fiction, je souhaite que nous puissions faire émerger un sujet collectif en prise avec les questions
posées par ma recherche, habité par l’inquiétude de l’appropriation et le souci de l’efficacité esthétique comme politique.

Projets en cours :
Ne me racontes plus d’Histoire (avec Virginie Bobin), Theory Affiliation, Tanzquartier Wien, Oct 2022 – Fev 2023
Towards NOA#5 (avec Line Ajan and Mounira Al Solh),