« Les espaces des paysages – Premier temps, quatre mouvements inaugure la série de publications témoignant des activités de recherche menées au sein de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole.
Développée à partir des expériences et des acquis de l’Arc «Paysage» dont une précédente publication dressait un inventaire provisoire, la thématique de recherche des «Espaces des paysages» s’est révélée être un vaste et généreux territoire de réflexion, où les enjeux artistiques croisent les problématiques culturelles et sociales, économiques et politiques.
Il était nécessaire et opportun, au terme de ce «premier temps», de réunir la totalité (ou presque) des contributions des nombreux intervenants aux quatre journées d’études – «quatre mouvements» – organisées depuis 20103. Sont venues s’y glisser les propositions d’enseignants-artistes et d’étudiants de l’école : propositions qui enrichissent le propos général de cet ouvrage dont elles croisent les perspectives ; et qui démontrent «en acte» ce qui constitue la recherche telle qu’elle est envisagée à l’ESACM – à savoir que «la recherche en art» peut aussi (et d’abord) prendre la forme d’œuvres à part entière.
Cette publication dresse donc un premier bilan de l’état de la recherche portant sur les paysages ; elle est évidemment un vecteur de diffusion de ses contenus, et constitue le socle de référence pour les perspectives qu’il nous reste à explorer. Elle offre une somme conséquente autant qu’hétérogène, tant par les personnalités qui y ont contribué (artistes et théoriciens d’horizons divers…) que par les sujets abordés et les angles d’approche retenus, empruntant à l’histoire de l’art, la géographie, la philosophie politique, les post-colonial studies, et les pratiques artistiques, leurs méthodes, leurs langages et leurs formes. »
Cédric Loire
Retour à Marfa, un an après. Impression d’un retour à la maison (même si l’équipe est en grande partie renouvelée) tant la ville demeure semblable à elle-même — tranquille îlot de résistance au désert qui l’entoure. Lieux et visages connus, amis ou qui le deviennent bientôt. Marfa, cette fois ultime étape d’un périple dans l’Ouest américain. Départ dans l’air immobile d’un après-midi tiède au pied des Watts Towers. Derrière nous bientôt le soir baigné par les amples rouleaux du Pacifique, sous la jetée de Santa Monica. Derrière nous le petit matin encombré des bretelles autoroutières. Franchi le col des San Gabriel Mountains, l’Interstate 15 file droit dans le désert nord californien du Mohave.
Escale à Shoshone, avant la descente au cœur de la Death Valley — plus de 80 mètres sous le niveau de la mer. Paysage aride, salé, désespérant — Badwater — solitude infinie. Soleil couchant sur Zabriskie Point ; hôtel perdu en bord de route. Dunes solitaires d’un sable dont la présence semble relever de l’anomalie géologique. Loin après Ubehebe Crater, au bout de la piste, des pierres mouvantes tracent, sur le fond d’une ancienne mer, des sillons dans la boue qui, durcie, les fossilise — mais pleut-il seulement parfois ?
Les plaines fertiles…
Les vallées n’existent pas.
C’est en quittant le désert que surgit le mirage — fata morgana. Lueur étrange derrière les crètes… la nuit disparaît. Ciel électrique.
Entertainment et paranoïa : faune de zombies accrochés à des bandits-manchots cliquetant et clignotant, à la dérive sur Fremont Street ; paysages en négatif — invisible Zone 51, évidée la montagne aux yuccas. À quelques miles, la Virgin River que surplombe une tranchée en ruines.
Le chaos géologique de la Valley of Fire — des morceaux de temps basculés, jetés là. Le perpétuel présent sans profondeur du Strip — une illusion de plus — ghost-town en sursis. Lieu de nulle part (et de partout à la fois, si l’on en croit l’architecture) ; peut-être un bel endroit pour une rencontre, une histoire, l’Histoire. Une femme, forcément (cinéma). Ou une déesse bâtisseuse. Ou une étoile lointaine. L’histoire du monde. Un mythe. Un homme aussi. Ou tous les hommes peut-être, ou alors aucun d’eux vraiment. L’histoire des Etats-Unis. Un mythe.
Et sous la Stratosphere, l’eau — silencieuse
A+, exposition des diplômés 2012
du 3 octobre au 26 octobre 2012
A+ est le titre de l’exposition qui réunit les diplômés de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole ayant obtenu leur DNSEP en juin 2012. Le titre renvoie à la fois à une note d’excellence et donc à leur tout récent passage de diplôme, mais aussi à l’abréviation de « à plus tard » comme un au revoir à leur école. Cet événement les amène à cohabiter une dernière fois dans l’espace qui a vu naître leurs démarches et leurs œuvres. Habituellement réservé aux spectateurs dans les espaces de théâtre ou de musique, un gradin concentrera une sélection de travaux hétéroclites et privilégiera d’emblée une vue d’ensemble comme une dernière photographie de classe.
Avec : Pierre Béchon, Hélène Bigner, Victor Bulle, Camille Carnevillier, Anna Danilo, Léa Gouteyron, Florence Heyer, Laure Jazeix, Hugo Livet, Ye-Eun Min, Clément Murin, Joseph Parot, Benjamin Pigny, Jade Sauvage, Bruno Silva, Geoffrey Veyrines.
Commissariat : Philippe Eydieu
Accrochage et technique : Nicolas Lafon
Printemps 2012. Quatre étudiants et trois enseignants de l’École Supérieure d’Art de Clermont-Métropole partent pour Marfa, dans l’ouest du Texas. Sur les traces de Donald Judd. Motivé à la fois par la présence à Marfa d’artistes en résidence, par l’existence des fondations Judd et Chinati, ce premier séjour dans cette région est aussi — surtout ? — animé du désir de partager l’expérience du désert.
C’est une équipe de recherche qui se retrouve là, sillonnant la région des heures et des jours durant, dans une voiture devenue laboratoire mobile, d’El Paso à Big Bend State Park, de Fort Davis à Candelaria, de Pinto Canyon Ranch à White Sands, Nouveau Mexique. Chacun est là pour poursuivre et nourrir son propre travail ; pour tenter de concrétiser un projet. Chacun mesure aussi combien la rudesse du pays, la puissance des paysages, sont à même de le tenir en échec — mais cette sorte d’échec qui vaut plus qu’une réussite, car les choses s’en trouvent profondément déplacées, rétablies dans leurs rapports d’échelle et de force. Ces projets constituent l’amorce d’un projet collectif qui s’impose bientôt : un film.
Pas un film documentaire, ni même un récit de voyage : plutôt une forme de recherche — une forme en recherche. Un film tourné dans une région vue et vécue dans le long travelling avant de la route et de la marche. Un film qui restitue moins le déroulé objectif des événements qu’il ne s’offre comme un partage d’intensités. Un film sur, dans, des paysages déjà cinématographiques. Un film nourri de cette ambivalence entre le sentiment de « déjà vu », l’imaginaire collectif que le cinéma, justement, a contribué à façonner, et l’expérience vécue, le choc du retour sur soi qu’impose le désert. Sur les traces de Donald Judd, c’est peut-être d’abord à la recherche d’eux-mêmes qu’ils sont partis.
Cédric Loire