Des exils

Le groupe de recherche Des Exils réunit des enseignant.e.s, Michèle Martel, historienne de l’art et Jan Kopp, artiste, des chercheur.se.s et des étudiant.e.s du second cycle à l’ESACM. Tou.te.s se retrouvent autour de la nécessité de questionner le point de vue des artistes et des chercheur.e.s face à un état du monde où la question de la mobilité, des hommes comme des marchandises, est devenue un enjeu géopolitique majeur et une cause de désenchantement.

L’Europe semble n’être plus capable que d’ériger de nouvelles clôtures qui découlent de la fatigue de ses démocraties, souvent prises au piège par le retour d’idéologies crypto-fascistes. A contrario, le néo-libéralisme achève de disloquer certains liens culturels, économiques et sociaux. Nous faisons l’hypothèse que de nouveaux modes « d’en commun » artistiques peuvent surgir si l’on s’extirpe du « désir de la clôture » (Achille Mbembé, Politique de l’inimitié, 2016) et si l’on observe attentivement les nombreuses stratégies et formes inventées par les artistes et auteur.e.s pour représenter et/ou déjouer les agencements néo-libéraux et leur corollaire nationalistes.

Pour mettre à l’épreuve notre hypothèse, nous mettons en place des méthodes de recherche aptes à produire cet « en commun ». Répéter, redire, refaire permet de parler la langue de l’autre, des autres, et de produire de constantes circulations entre le soi et le hors soi. Cette incorporation fait émerger d’autres sens moins univoques que ceux produits par l’analyse qui induit grille de lecture, typologisation etc.

Si nos outils se trouvent dans les sciences humaines et sociales enrichies par les savoirs dits « périphériques » des études post-coloniales, queer et féministes autant que dans les textes et propositions des artistes et des auteur.e.s, notre dispositif principal pour éprouver notre hypothèse réside dans la réitération d’un déplacement. Il s’agit de celui de A., personnage principal du film d’Angelopoulos  Le Regard d’Ulysse (1995). Réalisateur exilé au Etats-Unis, A. part à la recherche de bobines jamais développées des pionniers du cinéma dans les Balkans, les frères Manaki, Manakis ou Manakia, selon que l’on se trouve en Albanie, Grèce ou Roumanie. Lors de ce voyage, A. revit son passé familial, les arrestations puis l’exil forcé de sa famille, en même temps que la guerre contemporaine, son périple s’achevant dans Sarajevo assiégée.

Si nous avons choisi de refaire ce parcours, c’est parce qu’il déclenche une crise sentimentale, identitaire et artistique chez Harvey Keitel, interprète de A., et parce qu’il réitère lui-même, à l’autre bout du 20ème siècle, les déplacements des frères Manaki et de leurs œuvres, aujourd’hui encore revendiquées par au moins cinq pays, de la Roumanie à la Bosnie-Herzégovine; s’y ajoutent, bien sûr, le fantôme d’Ulysse et de son « beau voyage ». Angelopoulos fait la démonstration que cet espace géographique, souvent considéré aujourd’hui comme une marge de l’Europe, permet de faire résonner fortement présent et passé, démonstration que les routes migratoires du début des années 2010 sont venues confirmer.

Retrouvez l’agenda des activités du programme Des exils depuis 2018.

Journées d’étude « Je suis rentré chez moi »

Journées d’études « Je suis rentré chez moi »
11 mai et 12 mai 2017

« Je suis rentré chez moi. » C’est par cette formule unique que Duchamp annonce par voie postale, en mai 1940, qu’il a été forcé de quitter Paris. Entraîné dans l’un des exodes les plus massifs de l’histoire française, l’artiste considère l’exil comme sa nation, son foyer. Ces quelques mots représentent le point de départ d’une recherche sur la persistance de cet esprit d’expatriation dans les pratiques artistiques contemporaines.

Les journées d’étude des 11 et 12 mai 2017, ouvertes au public, sont organisées par un nouveau groupe de recherche qui engage depuis octobre une réflexion sur cette question de l’exil en territoire artistique. Elles permettent de penser avec des artistes et des théoriciens ce que ces déplacements font aux formes et de saisir, dans un monde tout aussi violemment globalisé que replié sur ses frontières et ses identités, comment cette question peut être pensée dans son actualité.

Le groupe de recherche :
Zainab Andalibe, Chloé Digard, Matthieu Dussol, Charles Duval, Christophe Fiat, Samira Ahmadi Ghotbi, Nicolas Kozerawski, Michèle Martel, Camille Varenne

Les invités :
Mandana Covindassamy, Isabelle Ewig, Michel Gaillot, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Katrin Ströbel et Mohammed Laouli, Vassilis Salpistis

 

Programme :

Jeudi 11 mai, 17h
– Projection de « Ismyrne », film de Joana Hadjithomas & Khalil Joreige (en présence des artistes)

Vendredi 12 mai,
9h-12h
– Introduction
– Mandana Covindassamy (maître de conférences en littérature allemande, École normale supérieure) : W.G. Sebald, une écriture en déplacement
– Michel Gaillot (philosophe) : L’épreuve du déracinement (ou l’identité césurée)
– Katrin Ströbel et Mohammed Laouli (artistes) : Se déplacer – Frontières fluides et autres projets
– Modération

14h-17h
– Vassilis Salpistis (artiste) : Agent double
– Isabelle Ewig (maître de conférences en Histoire de l’art contemporain à l’Université Paris-Sorbonne) : Kurt Schwitters en exil. « On peut encore une fois recommencer ! »
– Christophe Fiat (écrivain) : J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme
– Modération/conclusion