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Afia Rezk en résidence à l’ÉSACM en coopération avec L’atelier des artistes en exil
L’ÉSACM accueille Afia Rezk, artiste plasticienne, dans le cadre du Programme d’accueil d’urgence des scientifiques et artistes en exil (PAUSE), en coopération avec l’association L’Atelier des artistes en exil.
Afia Rezk est née en Arabie Saoudite, et a grandi en Syrie. Elle a étudié la peinture, puis la céramique, dans des ateliers d’artistes en Syrie, ainsi que la littérature arabe à l’université de Damas. Elle est arrivée en France et a rejoint L’Atelier des artistes en exil en 2018. En 2022, l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs (EnsAD) et l’École supérieure d’art de Clermont Métropole se sont associées pour l’accueillir en tant que résidente et intervenante, d’octobre à janvier, pour la première, et de février à juillet 2022, pour la seconde.
L’association clermontoise Les Ateliers, à la Diode, met à sa disposition un atelier pendant le temps de sa résidence à l’ÉSACM.
D’où viennent les références régulières à l’artisanat dans votre travail ?
En Syrie, les métiers de l’artisanat font toute la richesse de notre culture. Ces gestes étaient très présents dans ma famille. Ma mère et ma grand-mère tissaient des paniers et des tapis avec des motifs très riches, et en particulier des motifs végétaux, caractéristiques de l’artisanat syrien. Je les ai observées attentivement. J’ai commencé ma vie d’artiste avec la peinture, ainsi qu’en produisant des installations composées de matériaux que je trouvais autour de moi. Petit à petit je me suis tournée vers la céramique. Ce rapport entre art et artisanat m’a toujours beaucoup intéressée. Le point de départ de ma recherche artistique est l’envie de comprendre la structure des éléments qui m’entourent, et une passion pour l’analyse des formes. J’ai choisi de travailler avec de la matière organique, une matière en vie. Des feuilles, des pétales de fleurs, des herbes sauvages, des graines, des écorces de fruits et de légumes ainsi que de la terre, du sable ou des cendres.
J’ai vécu en région montagneuse et en pleine nature, en Syrie, une grande partie de ma vie, et j’avais cette matière-là à portée de main. Beaucoup d’herbes, de plantes, avec des couleurs et des formes très différentes. Ces éléments m’émeuvent car ils évoquent le passage irréversible du temps. Ma pratique est très proche du mouvement artistique italien de l’Arte Povera.
Au-delà de votre pratique artistique, vous avez également une expérience de l’enseignement.
J’ai commencé très jeune à découvrir seule, à faire mes propres expériences artistiques. Puis en grandissant j’ai décidé d’enrichir mon expérience à travers l’étude de la peinture. J’ai donc étudié auprès d’un artiste qui m’a transmis sa technique, et qui ensuite m’a proposé d’enseigner à mon tour. J’ai suivi le même parcours pour la céramique.
J’ai commencé à animer des ateliers d’arts plastiques en 2005, au sud de Damas. Il s’agissait de cours de peinture et de céramique, dispensés auprès de jeunes de 2 à 18 ans, en cours individuels et collectifs, parfois auprès de jeunes en difficultés ou en situation de handicap. Je leur faisais travailler la peinture, mais aussi explorer des techniques de collage ou différentes expériences plastiques variées.
Puis quand la guerre a commencé, j’ai suivi plusieurs formations au Liban, notamment en art thérapie mais aussi des formations au soutien psychologique par l’art, pour œuvrer à la protection de l’enfance et aider les familles en situation d’urgence. À partir de 2012, j’ai convoqué ces connaissances-là pour travailler auprès d’enfants et de femmes victimes de la guerre en Syrie. On utilisait alors la peinture, et on explorait également ensemble des formes liées au théâtre, à la performance. Je les accompagnais pour donner forme à leur récit, ouvrir la parole, et leur permettre d’exprimer leurs émotions dans le cadre de leur environnement familial, de leur maison.
Quand avez-vous rejoint la France et L’Atelier des artistes en exil ?
J’ai quitté la Syrie en 2017, pour rejoindre d’abord le Liban. J’y menais une exposition intitulée « La Lumière » inspirée par les ateliers d’art thérapie que j’avais menés auprès des femmes syriennes victimes de la guerre. J’avais donc travaillé autour des rayons lumineux que je voyais passer à travers leurs fenêtres et leur porte, et qui me paraissaient être des symboles d’espoir.
Je suis ensuite arrivée en France avec mon père, mon frère et mes sœurs en mai 2018. Mon père est également artiste. Il a reçu le premier prix d’État en 2012 du meilleur écrivain syrien. Et puis c’est tout simplement une connaissance, un américain qui avait acheté un de mes tableaux, qui m’a fait connaitre L’atelier des artistes en exil. J’ai rencontré les responsables de l’atelier, j’ai parlé de mon expérience, des expositions auxquelles j’avais participé jusqu’ici, et je les ai rejoints.
J’ai intégré l’école des Beaux-arts de Paris en 2019-2020, par le biais du programme « Hérodote ». Des artistes sont invité.e.e à rencontrer des enseignant.e.s, des étudiant.e.s, et peuvent apprendre le français.
Votre projet de résidence évoque la question des ruines. Quel est le rapport de votre travail au passé ?
Les nombreuses destructions en Syrie m’ont conduite à réfléchir au potentiel de la mémoire des ruines. J’imagine les ambitions et les rêves qui s’y cachent, les histoires enterrées après les bombardements, les déplacements, l’exil. Les ruines sont le reflet de celles et ceux qui les regardent, entre le souvenir de ce qui fut et l’espoir de ce qui sera. Je travaille sur des explorations de la mémoire, ou de façon plus conceptuelle, une simulation de la mémoire qui peut changer et se déformer avec le temps. Tout cela m’a permis d’aborder la notion de résilience, notamment pendant la guerre, et m’a aussi permis une réflexion autour de la résistance.
Pendant ma résidence à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, j’ai mené un projet plastique intitulé Echos de mémoire avec l’artiste et enseignant Hiroshi Maeda et les étudiant.es de 4e année du département Image imprimée. Chaque étudiant.e a proposé une lecture différente de la mémoire. Certain.e.s ont travaillé sur une mémoire d’enfance, d’autres une mémoire fantasmée, d’autres encore se sont approprié.es les souvenirs de leurs proches. Avec cette matière nous avons pu monter une exposition qui comprenait à la fois de la peinture, de la gravure, de la sérigraphie, de l’édition, du collage, ou des installations.
Ces expériences de résidences sont très intéressantes. Elles viennent enrichir ma pratique. Par exemple, j’ai abordé l’édition pour la première fois avec les étudiant.es de l’ENSAD. Il s’est passé la même chose que dans les ateliers avec les enfants en Syrie. À chaque fois qu’on donne quelque chose on reçoit un enseignement en même temps. Je rejoins l’artiste Anselm Kiefer selon lequel le travail de l’artiste n’est jamais sa propre production, mais plutôt une œuvre collective.
J’ai aussi eu l’occasion de découvrir la gravure à l’école des Beaux-Arts de Paris, de travailler au sein de l’atelier de sérigraphie de l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, ou encore à l’atelier de tissage à l’EnsAD.
Pendant ma résidence à Clermont-Ferrand, j’ai le projet de réaliser de grands formats ainsi que des installations. Pour la première fois depuis mon arrivée en France, je dispose d’un atelier et d’un espace de travail dédié. Et le paysage me fait penser à ma propre région, Suwayda, au sud de Damas, qui est aussi renommée pour ses pierres noires. L’atmosphère est très inspirante.
Je présenterai les pièces que je vais produire ici dans une exposition à laquelle les Arts en balade m’ont proposé de participer au printemps prochain à la Chapelle de l’Ancien hôpital général avec les artistes Annie Bascoul et Eve Laroche Joubert.
La conférence « Les arts de l’Islam dans la création contemporaine » en partenariat avec le MARQ sera proposée jeudi 10 mars 2022 à l’ÉSACM.
La conférence « Les arts de l’Islam dans la création contemporaine », par Joël Savary, critique d’art contemporain et commissaire d’expositions, se tiendra jeudi 10 mars 2022, à 18h30, dans l’amphithéâtre de l’ÉSACM. Une conférence inscrite dans le programme « Conférence de l’école du Louvre » que propose le Musée d’Art Roger Quillot (MARQ) dans le cadre de l’exposition « Les arts de l’Islam, un passé pour un présent », ouverte jusqu’au 27 mars 2022.
Conférences sur réservation au 04 43 76 25 25 / accueil.marq@clermontmetropole.eu
En raison du contexte sanitaire, le pass vaccinal sera demandé pour accéder à la conférence.
Journée portes ouvertes 2022
Les Journées portes ouvertes de l’ÉSACM auront lieu à l’école, les 28 et 29 janvier de 10h à 19h (sur inscription) et en ligne via Instagram du 14 au 18 février 2022.
Cette année, l’ÉSACM vous ouvre ses portes en deux temps :
• Un premier rendez-vous à l’école le vendredi 28 et le samedi 29 janvier de 10h à 19h, 25 rue Kessler à Clermont-Ferrand, sous la forme de visites guidées par groupes de 15 personnes maximum.
En plus des visites, deux conférences de présentation de l’ÉSACM seront données par le directeur le samedi 29 à 11h et 15h.
Compte tenu de la situation sanitaire, nous vous conseillons vivement de vous inscrire ici pour réserver votre visite. Pour ce faire, veuillez choisir un créneau disponible et distinct pour une visite et/ou une conférence de présentation. Validez votre inscription en indiquant votre adresse e-mail et vos nom et prénom. Vous recevrez un e-ticket par e-mail et vous serez inscrit·e sur nos listes. Merci d’arriver quelques minutes avant l’heure de départ du groupe.
• Des rendez-vous à distance et en live, via Instagram, seront proposés du 14 au 18 février : des visites de l’école menées par des étudiant·es, une FAQ, des présentations de l’examen d’entrée et de l’école d’art dans son ensemble (programme à venir prochainement).
Retrouvez ci-dessous une vidéo qui propose une visite virtuelle de l’école par ses étudiant·es, ainsi qu’une vidéo de présentation de la formation par le directeur, Emmanuel Hermange.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à parcourir notre site internet et à consulter les liens suivants :
- Brochure de présentation de l’ÉSACM
- En savoir plus sur l’examen d’entrée
- En savoir plus sur les stages préparatoires
Les formulaires d’inscription à l’examen d’entrée/commission d’équivalence sont en ligne !
Les inscriptions aux stages préparatoires 2022 sont ouvertes
Portrait de diplômé·es / Bruno Silva
Mykiss, panneaux de polycarbonate, colle vinylique et poudre de talc, transfert d’impression jet d’encre, tubes en métal, pinces, 250×300 cm, 2021 – photo Vincent Blesbois
As-tu passé l’intégralité de ton cursus à l’école ? Quels étaient tes sujets d’intérêt, les expériences qui ont compté, pendant ta formation à l’école ?
Le début de mon parcours à l’ÉSACM a commencé dans le cadre d’un échange via Erasmus en 2010. A ce moment-là, j’étais en 4e année à la Faculdade de Belas Artes da Universidade do Porto. Au Portugal, les licences se font en 4 ans et non pas en 3 ans comme en France. J’étais donc dans ma dernière année de licence à Porto quand je suis venu via Erasmus à l’ÉSACM. À la fin des 5 mois d’échange, la question s’est posée : est-ce que je rentre ou est-ce que je reste à Clermont ?
J’ai donc décidé de passer une commission d’équivalence pour intégrer la phase projet et passer le DNSEP à l’école d’art de Clermont.
L’ÉSACM m’a plu par son approche pédagogique qui proposait un enseignement moins théorique qu’à Porto. Les deux systèmes pédagogiques, complémentaires, ont été importants pour moi car cela m’a permis de fabriquer des croisements et rencontres que je n’aurais jamais pu faire en étant seulement à Porto. Aucun des deux systèmes n’est mieux que l’autre, je le souligne, le croisement des deux a enrichi les choses au travers d’un empilement d’expériences.
Pendant les deux années à l’école d’art de Clermont je me suis intéressé à la transformation de l’existant à travers des documents, des images, à leur archivage et à leur détournement. J’ai pris mes études comme un temps de recherche et non pas de production. Comme une sorte de moment d’errance, un temps de dérive. Cela était visible dans mon travail au travers de formes non nommées, fragiles et souvent éphémères. Comme une expérience qui amène à une autre et comme une autre encore poursuit la précédente.
Bruno Silva, Vitrail #1, feuille de caoutchouc, colle blanche, talc, transfert impression jet d’encre, dimensions variables / Tom Castinel, Branches, béton, 2021
Peux-tu dire quelques mots de ta pratique aujourd’hui, de ta façon de travailler et de ton champ d’activités ?
Ma pratique a bien sûr évolué. Je me suis plus investi dans la matérialité des formes. Cependant, la façon dont je réfléchis le travail est restée la même. Je me base sur des ressources existantes, des objets résiduels, trouvés, usagés, consommés, jetés, modifiés, les images et les résidus d’une rencontre. Je m’entoure de formes marquées par le temps qui parlent d’expériences personnelles, de traces et d’usages humains.
Une forme d’errance persiste dans le dialogue entre les corps, dérivant entre les médiums, suivant leurs flux et jouant avec la nature des choses. Comme une chorégraphie entre une idée et son image, réelle ou fictionnelle, mon travail circule entre la présence et l’absence, l’apparence et la substance, entre le mouvement et l’attente.
Depuis peu, je m’intéresse à l’alliage entre le synthétique et le naturel : une collaboration entre artefacts et phénomènes naturels. La peau, la pellicule, l’habillage, la surface, sont ainsi des éléments que je m’attache plus particulièrement à relever. Étant la première strate travaillée par le temps, la surface conserve les marques de son exposition à l’érosion provoquée par la lumière, la température ou l’usage humain.
Mon travail est double. Il parle de fonctionnement et de dysfonctionnement, il essaie de relier le vivant et l’inerte. Les formes que je produis sont des formes momifiées, voire « zombifiées », elles parlent de vie et de mort à la fois. Elles s’incrustent parfois dans l’architecture d’un lieu, influençant la façon dont on le perçoit et lui attribuant une atmosphère entropique.
Quelles ont été tes expériences à la sortie de l’école ? Est-ce à ce moment-là que tu as intégré les Ateliers ?
À la sortie de l’école j’ai eu une année creuse et pleine de questionnements, comme la plupart des diplômé·es. J’ai décidé de m’inscrire dans un master de médiation culturelle à l’Université Clermont Auvergne que j’ai fini par abandonner au bout d’un an. Cependant, ce master m’a été utile car j’avais un stage obligatoire à réaliser et je l’ai fait auprès de l’association Artistes en résidence. Ce stage m’a permis de me rapprocher de la scène artistique clermontoise et d’entrer au cœur des activités associatives. À ce moment-là, fin 2013, j’ai intégré le collectif Les Ateliers qui était en train de se former et de rejoindre des locaux au Brézet. Ce groupe d’artistes posait la question des ateliers d’artistes et défendait la création d’un lieu à Clermont, soutenus par les collectivités territoriales. Appuyés par le Conseil départemental du Puy-de-Dôme et l’ÉSACM, et plus tard par Clermont Auvergne Métropole, nous avons autogéré les locaux pendant 7 ans et organisé des expositions, des concerts, des performances et des rencontres. Nous y avons accueilli une cinquantaine d’artistes en rotation, chacun disposant de son atelier. L’association Les Ateliers a récemment déménagé à la Diode, pôle d’arts visuels municipal, dans des locaux entièrement neufs et équipés dont la réalisation et le financement sont portés par Clermont Auvergne Métropole.
Cette expérience a été très importante pour ma pratique artistique, ainsi que dans la fabrication des outils et expériences qui m’ont amené à une pensée collective et à travailler avec les autres. Sans forcément intégrer constamment le collectif dans ma pratique artistique, je trouve ma place avec les autres en proposant des formes de rencontre, en invitant d’autres artistes à exposer, à collaborer.
En tant qu’artiste, je pense que nous ne sommes pas obligés de tout mélanger, nous pouvons avoir plusieurs activités artistiques, personnelles et/ou collectives.
Ossos, support de bidet en métal, fil métallique, feuille artificielle, 50x60x33cm, 2020
Peux-tu parler de ton implication dans Artistes en résidence ?
Artistes en résidence a peut-être été le moment le plus important jusqu’à présent dans mon parcours.
Comme je l’évoquais précédemment, j’ai commencé par être en stage, puis bénévole pendant quelques années jusqu’à devenir salarié de l’association il y a 3 ans. Martial Déflacieux, le fondateur d’Artistes en résidence, a été un excellent « formateur » car nous avons beaucoup échangé autour de ce qu’est « être dans l’art ». Il m’a permis de connaître la réalité du fonctionnement associatif dans les arts visuels. Et j’ai pu rencontrer une centaine d’artistes, avec des pratiques très différentes, avec des points de vue très différents sur la place d’un artiste dans l’art et dans la société. Cela m’a forcément enrichi et forgé. Je suis actuellement chargé de la co-coordination de l’association Artistes en résidence avec Isabelle Henrion qui en est la directrice.
Employé à mi-temps, je bénéficie d’un revenu minimum stable, j’ai du temps pour ma pratique artistique et en même temps, je reste dans le milieu et je continue à m’enrichir avec de belles rencontres.
Dixie, terre cuite, colle vinylique et poudre de talc, 50x36x27cm, 2021 – photo Vincent Blesbois
Peux-tu parler de la création de « home alonE » ?
home alonE est né dans le but de créer un lieu d’exposition dans un espace domestique — chez moi et Romane Domas, à l’époque —, au départ principalement pour y inviter des artistes clermontois. En 2014, année de création de home alonE, il existait très peu d’espaces de diffusion pour les artistes à Clermont-Ferrand. Disons que la scène clermontoise de l’époque se faisait voir ailleurs, donnant rarement l’occasion de voir ce que chacun de nous faisait. Les artistes partaient plus souvent qu’aujourd’hui car ils avaient peu d’opportunités pour partager leur travail à Clermont.
Le projet est donc né dans ce sens-là : donner un petit coup de visibilité aux artistes du territoire et leur donner la possibilité de s’implanter localement.
Nous recevons le soutien de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes depuis quelques années ce qui nous permet de soutenir économiquement les artistes, à notre échelle, dans leurs productions.
Parallèlement, j’étais intéressé par le fait de cohabiter avec des œuvres, de les traverser dans mon quotidien ou de boire un café devant un dessin, de faire vivre les œuvres.
Comme quand on invite quelqu’un chez nous, j’ai toujours essayé de faire en sorte que les artistes invités se sentent comme chez eux en leur proposant des cartes blanches. Ils font ce qu’ils souhaitent, que ce soit une production spécifique pour l’espace ou l’exposition d’œuvres déjà existantes.
Je vous invite à lire l’article sur home alonE dans la Belle Revue pour en savoir plus : https://www.labellerevue.org/fr/focus/2020/home-alone
Quand le projet a commencé, je n’imaginais pas qu’il durerait aussi longtemps. C’est arrivé naturellement, tant que les énergies restaient éveillées. Mais les énergies se renouvellent. Depuis sa création, je projet a évolué et de nouvelles personnes ont ouvert des espaces d’exposition dans leur maison en gardant le nom du projet home alonE.
Le premier home alonE existe toujours au 6 place Saint-Pierre avec Romane Domas, locataire de l’appartement. Il y a aussi les home alonE chez moi au 53 rue Drelon, chez Hervé Brehier à Saint-Pierre-Le-Chastel et chez Clara Puleio, qui est en train de déménager.
Une franche réussite (rires) !
SITES / LIENS :
l’ÉSACM accueille le festival Traces de Vies
À l’occasion du festival de films documentaires Traces de vie qui aura lieu du 27 novembre au 4 décembre 2021 à Clermont-Ferrand et Vic-le-Comte, l’ÉSACM accueille deux projections ouvertes au public, en présence des réalisateurs :
Silent Voice de Rika Valerik (2020, France, vostfr, 51′ / Dublin Films et Need Production)
Storgetnya de Hovig Hagopian (2020, France, vostfr, 21′ / La Fémis)
Lundi 29 novembre à 18h, dans l’amphithéâtre de l’ÉSACM, entrée libre (passe sanitaire obligatoire).
Image extraite du film Storgetnya de Hovig Hagopian
Jakuta Alikavazovic, écrivaine en résidence à l’ÉSACM
L’École supérieure d’art de Clermont Métropole accueille Jakuta Alikavazovic, écrivaine, lauréate du prix Médicis essai 2021, pour une résidence tout au long de l’année 2021-2022.
Depuis 2011, l’ÉSACM accueille chaque année un·e écrivain·e en résidence. Cette année, c’est la romancière et traductrice Jakuta Alikavazovic, qui a été invitée à travailler au cœur de l’école d’art, avec la communauté étudiante et enseignante.
Jakuta Alikavazovic est née et travaille à Paris. Elle est l’autrice de plusieurs livres, dont Corps volatils, publié aux éditions de l’Olivier en 2007 et salué par le Goncourt du Premier Roman en 2008. Comme un ciel en nous est paru aux éditions Stock en septembre 2021 dans la collection « Ma nuit au musée ». Cette méditation sur l’art, la transmission et le visible a reçu le Prix Médicis Essai 2021. Jakuta Alikavazovic est également traductrice de l’anglais.
« Au cours de cette résidence, je souhaite mettre à l’épreuve de l’écriture mon propre matériau biographique — et son absence (mes parents étant tous deux, non seulement immigrés, mais originaires d’un pays qui n’existe plus, avec toutes les complications administratives que cela peut entraîner). De cette relative pauvreté de sources directes résulte la nécessité d’un recours au récit, plus ou moins documenté, plus ou moins fictionnalisé. La question pourrait se poser de la façon suivante : Que faire des blancs ? Que faire des noms sans visage — ou (plus rare) des visages sans nom ? Il s’agira aussi de placer, en regard de ces interrogations et de ce travail, nos conditions de vie contemporaines : celles des étudiants de l’école, qui appartiennent à une génération dont le moindre geste génère, semble-t-il, sa propre archive, pour ainsi dire en temps réel. Nous envisageons-nous différemment, eux et moi ? »
Portrait de diplômé·es / Camille Varenne
Tu vis entre Clermont-Ferrand et Ouagadougou. Peux-tu nous parler de ton histoire avec cette ville ?
Je viens de Brioude, mais ma mère, Rosalie Dametto, a grandi au Maroc et au Nigéria. Mes grands-parents étaient ouvriers à la SGT-E, entreprise de travaux publics rachetée par Vinci. Mon grand-père a participé à la création du premier barrage hydraulique suite à l’indépendance du Maroc. C’est une histoire familiale qui est reliée au continent africain et à l’histoire coloniale de la France. Mon enfance et mon imaginaire ont été bercés de récits sur l’Afrique.
Lors de ma 4e année à l’ÉSACM, j’ai décidé d’aller faire un stage à Manivelle Productions, une maison de production audiovisuelle basée à Ouagadougou. J’ai découvert l’effervescence des cinémas africains, rencontré les réalisateurs burkinabè et me suis immergée dans ce réseau. C’est vraiment là-bas que j’ai affirmé la vidéo comme étant mon médium de prédilection.
Faire des films étaient avant tout un moyen de rencontrer les gens, passer du temps avec elleux, partager des moments de vie. En parallèle, j’ai entamé une démarche de décolonisation de mon propre regard en m’imprégnant de références des mondes afro-diasporiques et en fréquentant de près l’émergence de la nouvelle scène artistique afrodescendante française. J’avais été très émue par les films du réalisateur burkinabè Gaston J-M Kaboré. J’ai appris qu’il avait fondé une école de cinéma, l’Institut Imagine de Ouagadougou, et j’ai demandé à intégrer sa formation.
Gaston Kaboré travaillait également au FESPACO (Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), et j’ai été à ses côtés coordinatrice des colloques du festival. Cette expérience a été une vraie école pour saisir les enjeux politiques des cinémas africains, tout en me permettant de m’intégrer dans un tissu culturel local.
En parallèle de cette expérience à Ouagadougou, tu avais entamé un parcours de DSRA (Diplôme National Supérieur de Recherche en Art) à l’ÉSACM ?
Oui je suis entrée à la Coopérative de recherche de l’ÉSACM en 2015, après mon DNSEP. La Coopérative de recherche était comme une caisse de résonance où je pouvais amplifier et partager mon expérience vécue au Burkina Faso. J’ai aussi expérimenté des pratiques de travail en collectif. C’était un moment où les pensées décoloniales prenaient de l’ampleur, et j’essayais au sein de l’école de créer des temps de rencontres entre des acteurs culturels du Burkina Faso que je côtoyais et des artistes français travaillant avec ces questions. Cette démarche a donné lieu à l’événement Surexpositions, qui s’est tenu en mai 2017 à l’ESACM.
J’ai aussi développé une recherche sur les cinémas africains comme espaces de « transculturation », avec un corpus de films de westerns africains. Je m’intéressais particulièrement à la façon dont les artistes descendants des peuples colonisés s’appropriaient les codes de la culture dominante pour en faire des espaces d’affirmation, une subversion qui affirmait une vivacité. C’est ainsi que je me suis intéressée aux westerns africains qui proposent une nouvelle cartographie du monde où les cow-boys africains quittent la marge pour devenir l’épicentre de l’émancipation des imaginaires. Chimère libératrice, les cowboys africains s’approprient le mythe américain conquérant pour questionner leur propre histoire et inventer leur devenir. Le premier western africain a été réalisé par Moustapha Alassane en 1966. « Le retour d’un aventurier » raconte sur des rythmes de blues le conflit entre cosmogonie animiste et modernité occidentale. Les personnages traversent ce tiraillement au grand galop et ont inspiré mon film « Blakata » réalisé avec des cavaliers du Burkina Faso.
Tu as toi-même réalisé un western au Burkina ?
Oui, j’ai réalisé le film « Blakata » au sein d’une communauté de cavaliers qu’on appelle « les guerriers », et qui incarnent la tradition équestre ancestrale des royaumes de la région. Cette communauté est importante à Ouagadougou. Ce sont des centaures urbains, à la présence spectaculaire qui suscitent crainte et fascination. Je vis avec les chevaux depuis mon enfance, je leur ai confié mon âme comme dirait les Guerriers… Le cheval étant l’emblème du Burkina Faso, ce fut une porte d’entrée pour moi. J’ai arpenté les artères de la capitale à cheval avec « les guerriers », participant aux grandes cérémonies et partageant leur quotidien. J’ai noué une relation intime avec cette communauté, ce qui m’a permis de faire ce film avec eux. L’idée de faire un western a été amené par Issouf Bah, protagoniste principal de mon film, plus connu sous le nom de Wayne John…
« Blakata » qui signifie en langue Bambara « lâcher prise » est une autofiction où « les guerriers » s’inventent en cowboys et jouent leur propre rôle. Devant la caméra, ils s’inventent et laissent apercevoir leurs frustrations, leurs désirs, leurs rêves.
Quel type de cinéma travailles-tu ?
Mon travail c’est de faire des films, comme des prétextes pour passer du temps avec les gens, et créer des aventures collectives pendant lesquelles on invente un petit monde ensemble, le temps du tournage. Mon projet est de pratiquer ainsi, ensemble, de nouvelles subjectivités politiques, décoloniales et féministes.
La catégorisation de mes films dépend ensuite davantage des financements et des lieux de monstration, que d’une décision personnelle. Par exemple, « Blakata » a été diffusé dans des festivals de cinéma documentaire, il a reçu le prix Jeune Public du festival Corsicadoc tout en étant présenté comme installation au Salon de Montrouge. Le film « Pedra e Poeira » est aussi un bon exemple de ce phénomène. J’ai tourné ce film à Fordlândia au Brésil en 2018, dans le cadre de mon DSRA, via une invitation du collectif Suspended spaces. Ce film a été à la fois montré comme installation à Jeune Création et diffusé sur la plateforme Tënk en tant que documentaire.
Comment as-tu exploré et développé cette pratique de la vidéo et du cinéma au sein d’une école d’art option art ?
Le fait de suivre une formation à l’école d’art m’a permis une grande liberté de forme, dans la mise en scène, en espace, dans la façon de travailler, d’expérimenter.
Je crois que j’y ai aussi acquis une méthode de travail assez décomplexée. Par exemple, « Blakata » est un film que j’ai commencé à tourner sans financement, sans matériel professionnel, et toute seule. Dans une école de cinéma on apprend davantage à travailler en équipe et à intégrer des circuits de financements qui verrouillent la forme du film. Mon parcours à l’école m’a émancipé de ces formes de narration, qui peuvent être assez inhibantes.
En revanche, ces deux dernières années je travaille à la réalisation d’un nouveau film en étant cette fois accompagnée par la maison de production The Kingdom fondée par Marie Odile Gazin et accompagnée par Julien Sallé. J’apprends à écrire un scénario. C’est intéressant aussi, et ça me permet de toucher à un autre registre.
Pendant mes études à l’école d’art, j’ai aussi participé au « Film Infini », un groupe de recherche qui travaillait sur l’articulation entre le cinéma et le travail, le travail du cinéma et le cinéma du travail, ce qui m’a permis de collaborer avec des historiens, des sociologues, d’avoir un éveil vers les sciences sociales. Ça a été mon point de départ entre travail de recherche et vidéo.
Peux-tu revenir sur ce projet de film en cours ?
Il s’agit d’un projet de documentaire-fiction, qui s’appelle « Wolobougou » et sera tourné dans une maternité au Burkina. Wolobougou veut dire en Bambara « le lieu de la naissance ». C’est le nom de la petite maternité de brousse fondée par la sage-femme Honorine Soma. Honorine veut révolutionner la place de la femme dans la société burkinabè. Pour donner un accès aux soins aux femmes de milieu rural et affirmer son indépendance, elle a créé sa propre clinique. Elle soigne les corps mais veut aussi soigner les âmes. Pour cela, elle a créé des groupes de paroles féministes qui ont donné lieu à une pièce de théâtre. Aujourd’hui, elle veut remonter sa troupe de théâtre féministe au sein même de sa clinique. Elle peut compter sur l’aide de Bawa, ancienne cantatrice du ballet national du président révolutionnaire Thomas Sankara. Honorine veut convaincre les femmes du village de l’importance de prendre la parole pour changer la société. Malgré le poids des silences et des pressions sociales, vont-elles réussir à affirmer ensemble leur puissance ? En renouant avec la cosmogonie locale et en puisant dans l’histoire politique du pays, Honorine est prête à affronter ces obstacles pour partager son chemin vers l’émancipation.
Tu es également très investie dans le tissu culturel clermontois ?
Pour l’instant, la réalisation de films n’est pas rémunératrice, et je n’ai pas le statut d’intermittent mais d’artiste-auteure. Alors en parallèle, à la fois pour des questions de rémunération et pour tisser des liens qui nourrissent ma pratique, je donne des cours à l’Université Clermont Auvergne.
Je propose depuis trois ans un cours sur le lien entre cinéma et arts plastiques, et j’anime également un atelier du Service Université Culture qui s’appelle « Ciné tract ».
Je suis aussi sélectionneuse pour le Festival du Court Métrage. Je participe donc à la sélection des films, de mai à décembre, depuis trois ans.
Tu proposes en ce moment une installation au Centre international d’art et du paysage de Vassivière.
L’exposition s’appelle « La sagesse des lianes », et est visible jusqu’au 9 janvier 2022. Elle réunit une vingtaine d’artistes des mondes afrodiasporiques, réunis par le philosophe Dénètem Touam Bona qui curate l’exposition.
J’y présente une installation vidéo intitulée « Sankara et nous » coréalisée avec Galadio Kiswendsida Parfait Kaboré.
J’ai rencontré Galadio à l’Institut Imagine, ce lieu de formation et de réflexion autour du cinéma, à Ouagadougou, où j’ai étudié. « La sagesse des lianes » a été pour nous l’occasion de travailler ensemble sur une pièce commune. Le curateur, Dénètem Touam Bona, nous a invité à produire in situ, sur le plateau de Millevaches. Une région qui a une histoire militante forte, avec un tissu associatif très dense.
Galadio Kiswendsida est membre du Balai citoyen, un mouvement militant issu de la société civile au Brukina. Nous avons souhaité travailler sur la mise en regard de ces deux histoires militantes. Nous sommes partis du constat de la méconnaissance des mouvements militants en Afrique, une méconnaissance qui relève davantage du déni que de la simple ignorance. Nous souhaitions travailler cet angle mort, interroger cette zone d’ombre.
Nous avons posé la parole de Thomas Sankara, ancien président révolutionnaire burkinabé, assassiné en 1987, pour la mettre en résonance avec le plateau. Puis nous avons interviewé plusieurs personnes du territoire, en leur proposant de réagir à ses discours.
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Image : « Sankara et nous », extrait d’installation vidéo 4 écrans, 90 minutes, réalisée avec Galadio Kiswendsida Kaboré, pour l’exposition « La sagesse des Lianes » au Centre international d’art et du paysage de Vassivière.