Catégorie : accueil
« Images du Xingu à l’usage des Blancs qui ne peuvent pas comprendre » Jérôme de Vienne invite Amatiwana Trumai
Aram Tastekin en résidence à l’ÉSACM dans le cadre du programme PAUSE
En 2021-2022, l’École supérieure d’art de Clermont Métropole accueille Aram Taştekin, dramaturge et comédien kurde, pour une résidence de création d’une année.
Né à Diyarbakir, en Turquie, Aram Taştekin a suivi une formation théâtrale à Ankara, mais aussi au Kurdistan Irakien, ainsi qu’en France. Diplômé du conservatoire de Cegerxwîn à Diyarbakir, il enseigne l’art dramatique, joue pour le théâtre, le cinéma et la télévision. Il a été l’assistant de Peter Brook pour son spectacle « WHY » au Théâtre des Bouffes du Nord. Formé à l’art thérapie, il se spécialise dans l’enseignement du théâtre aux enfants. Objecteur de conscience et artiste concerné par les droits des kurdes, il est considéré par les autorités turques comme un opposant politique. Fin 2017, et après plusieurs procès, il quitte son pays pour la France où il obtient l’asile politique et devient membre de l’Atelier des artistes en exil.
Aram Taştekin écrit et raconte des histoires depuis l’enfance. Il travaille autour des récits mythologiques, et leur écho dans l’actualité et les situations, parfois violentes, qu’il a vécues. Son projet de résidence, intitulé « Mémoire » partira de la tradition orale du conte kurde, sur laquelle il travaille depuis une dizaine d’années. Au sein de l’ÉSACM, Aram Taştekin souhaite expérimenter une nouvelle façon de travailler cette oralité, avec les outils des arts visuels. La pratique de l’écriture étant pour lui une pratique collective, il conçoit sa résidence comme un projet ouvert, qui permettra des échanges et des rencontres entre sa pratique, celles des étudiant.es et des enseignant.es de l’école, mais également avec les partenaires de l’école et la scène artistique et culturelle de la métropole. À commencer par les associations Les Ateliers et Artistes en résidence, récemment installées à la Diode, qui l’accueilleront au gré des nécessités de son projet.
Cette résidence bénéficie du soutien du programme Pause, porté par le Collège de France, et s’inscrit dans le cadre d’une mobilisation commune de neuf écoles supérieures d’art et de design publiques françaises, et de l’Atelier des artistes en exil, afin d’organiser l’accueil de dix artistes issu.es des diasporas ou expatrié.es.
Aram Taştekin a présenté la pièce Happy Dreams Hotel – une histoire kurde, mise en scène par Elie Guillou, au Théâtre Berthelot à Montreuil, les 7 et 8 octobre 2021. Elle sera de nouveau jouée le 9 et 10 décembre 2021 au Théâtre Antoine Vitez à Ivry.
Image : Happy Dreams Hotel – une histoire kurde, mise en scène par Elie Guillou © Aram Taştekin
Portrait de diplômé·es / Clélia Barthelon
Diplômée en 2018, Clélia Barthelon a une pratique artistique tournée vers la sculpture, la vidéo et l’installation. Elle participe, à sa sortie de l’école, à la création de l’association somme toute, qui réunit des artistes clermontois.es et propose une programmation d’expositions, conférences, performances, concerts, etc. Quelques mois après son diplôme, elle devient coordinatrice du festival Les Arts en Balade, à Clermont-Ferrand, et initiatrice de résidences d’artistes portées par cette association.
Peux-tu nous parler de tes missions dans le cadre du festival des Arts en Balade ?
Je suis coordinatrice des projets de l’association depuis décembre 2018. Les Arts en Balade organise tous les ans depuis 1995, au mois de mai, une manifestation de trois jours qui permet aux artistes puydômois d’ouvrir leurs ateliers. Dans ce cadre-là, je m’occupe de la mise en place de la manifestation : inscriptions, règlement de participation et contrats des artistes invité.es, journée de sélection, communication, graphisme et création des supports de communication, recherche de locaux pouvant accueillir des artistes et des expositions, recherches de partenariats et de financements publics, ou encore mise en place de la médiation pour le public scolaire avec l’aide de bénévoles.
Après l’édition des Arts en Balade de mai 2019, c’est-à-dire ma première expérience de la manifestation en tant que coordinatrice, nous avons fait le constat que certains lieux investis par les artistes dans le cadre du festival n’étaient pas adaptés pour un travail in situ dans un temps court (chapelles, chantiers, lieux patrimoniaux, excentrés, etc.), mais auraient été intéressants à investir pour des résidences un peu plus longues. En parallèle, l’association formulait le souhait de s’adresser à des artistes plus professionnel.les. C’est à ce moment-là que l’idée de résidences adressées à des artistes du territoire a vu le jour. Ce projet permet également de soutenir les artistes locaux.ales en rémunérant chaque résidence à hauteur de 1 500 euros pour un mois de travail.
Une fois les financements trouvés, nous avons expérimenté ces résidences lors des Arts en Balade 2020 (repoussés en septembre à cause de la crise sanitaire). Depuis, nous avons renouvelé l’expérience plusieurs fois, avec à chaque fois trois ou quatre résidences en parallèle dans des lieux très différents (hôtels, chantiers, maisons vides, anciens cloîtres, musées etc.).
Quelle a été ton expérience avec l’association somme toute ? Est-ce que ce monde associatif te paraît un terrain propice à l’épanouissement des jeunes artistes au niveau local ?
somme toute est une association crée initialement par des jeunes artistes issu.es de l’ÉSACM, dont beaucoup appartenaient, comme moi, à la promotion des diplômé·es du DNSEP 2018. Mais l’association compte aussi des artistes issu.es d’autres écoles, jeunes diplômé.es, ou étudiant.es, plasticien.nes, ou même issu.es de l’univers du spectacle vivant. Cette association est née en prévision de notre sortie de l’école d’art, à la fois pour nous permettre d’avoir des ateliers sous la forme d’espaces communs, de mutualiser du matériel et nos connaissances, mais aussi pour nous permettre de proposer une programmation d’expositions, conférences, performances, concerts, etc. Il y avait aussi, je crois, la crainte d’être seul.es à la sortie. Nous souhaitions en grande partie rester à Clermont-Ferrand, là où nous avions l’impression que nous pouvions être force de proposition (à l’instar de ce que pouvait faire Les Ateliers, La Tôlerie, home alonE, etc.) et où les loyers nous permettaient de trouver un local sans faire appel à des subventions publiques.
L’association a vu le jour en avril 2018, quand la majorité de ses membres étaient encore étudiant.es et nous avons souhaité prendre contact avec les institutions publiques que sont la mairie, la métropole, le département et la DRAC, non pas pour obtenir des financements, mais avec l’idée de nous ancrer dans un réseau. Ces contacts ont été facilités par le fait que certain.es membres de somme toute étaient à l’époque représentant.es des étudiant.es au Conseil d’administration de l’ÉSACM, dans lequel toutes ces institutions étaient présentes. Aujourd’hui nous connaissons bien nos interlocuteur.rices et pouvons poursuivre notre projet commun, voir même le développer grâce à des soutiens publics. Nous finançons nous-mêmes notre local avec des cotisations mensuelles que chaque membre verse en fonction de ses moyens, ce qui nous contraint en termes d’espace, de matériel et de mobilier, mais nous avons fait le choix de consacrer nos subventions à la rémunération des artistes que nous invitons tout au long de l’année.
Je pense que le monde associatif est un très bon outil pour les artistes, car c’est un statut juridique qui permet d’avoir une structure identifiable et modulable selon ses besoins. Mais il fait aussi la part belle au bénévolat. Il faut donc garder en tête que cela doit être un plaisir avant tout.
Tu endosses très facilement ces missions de gestion et de coordination de projets. Est-ce que cette dimension-là était déjà présente pendant ton parcours à l’école ?
Pendant mes études à l’école d’art, j’ai été déléguée quatre années de suite, et je me suis beaucoup investie dans la représentation des étudiant.es (représentante des étudiant.es au Conseil scientifique, pédagogique et de la vie étudiante (CSPVE) et au Conseil d’administration, et élue étudiante à l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdÉA). Ces expériences m’ont permis de m’apercevoir que j’aime porter la parole des autres et la défendre. Quand j’occupe un poste de coordination ou que je gère un projet, je fais les choses comme j’aimerais qu’elles soient faites pour servir au mieux la cause des artistes, je fais ce que j’aimerais que l’on fasse pour moi. Je le vois comme un geste militant.
Comment s’est passée ta sortie de l’école ?
C’était une sortie d’école très active et dense, et ce rythme n’a pas changé depuis. Une fois le diplôme en poche, je me suis beaucoup investie dans tous les aspects logistiques de la création de l’association somme toute : recherche de lieu, création de dossier, gestion administrative, parce que je suis très à l’aise dans ces missions-là. J’ai intégré l’association des Arts en Balade et pris le poste de coordinatrice quelques mois plus tard.
Je poursuis une pratique artistique en parallèle également, ce qui signifie que j’ai sacrifié beaucoup de vacances et de week-ends. J’ai eu la chance de participer à des expositions et résidences qui m’ont permis de créer de nouvelles pièces. Beaucoup de ces invitations sont liées à somme toute qui, même si ce n’était clairement pas le but premier, agit comme un tremplin pour nous. En revanche mes missions de coordinatrice m’ont contrainte à réduire le travail d’atelier axé sur l’expérimentation. Je réfléchis beaucoup aux pièces que je souhaite produire, bien en amont, et quand je trouve le temps, je les réalise. Mais j’ai pu installer récemment un véritable atelier à mon domicile, ce qui va me permettre de renouer avec l’expérimentation.
Mon travail est principalement sculptural, parfois performatif et tourné vers la vidéo. J’aime beaucoup l’idée du bibelot, cet objet purement décoratif que nous chargeons tou.tes de souvenirs. Cet attachement est dû à ma situation familiale, où il ne reste plus personne. J’aime réutiliser des objets souvenirs, les transformer ou les réinterpréter, pour que ma mémoire ne me fasse jamais défaut. Ces objets qui me sont propres deviennent la représentation d’une mémoire collective, liée à ma génération et mon origine sociale campagnarde, voire paysanne. Adossées à ces objets, je raconte des histoires pour partager mes expériences qui, là encore, deviennent collectives. J’ai aussi une pratique vidéo autour de vlogs (blogs vidéos), qui peuvent être des vlogs de voyage par exemple. Je me filme, silencieuse, au milieu d’un paysage. C’est un geste que j’associe à l’utilisation des réseaux sociaux comme vitrine d’une vie fantasmée, pleine d’aventures, à la différence que mes vidéos sont marquées par l’inactivité, et que je cache la moitié du paysage avec mon visage. Une démarche qui produit de l’agacement chez beaucoup de spectateur.rices, mais qui invitent d’autres à me suggérer de nouveaux paysages qui sont souvent des lieux liés à leur mémoire et expérience personnelle. La boucle est ainsi bouclée.
http://www.cleliabarthelon.com/
https://www.youtube.com/channel/UCe6KobzXtuJZnCp2qU9-_Dg
Image : Come on, Vlog : Compilation de printemps 2018, vidéo projetée, 13’15 », capture d’écran
« The Mist », exposition des diplômé·es 2021
L’ÉSACM présentera «The Mist », l’exposition des diplômé·es 2021 dont le commissariat a été confié à Thomas Conchou, du 6 au 16 octobre 2021.
Audrey Bapt, Alexandre Boiron, Vincent Caroff et Juliette Jaffeux, Hermine Chanselme, Charlotte Durand, Chloé Grard, Pauline Lespielle, Johanna Medyk, Margot Monier, Maëlys Plagnes , Capucine Portal, Ophélie Raffier, Gaël Salefranque, Nino Spanu, Florent Terzaghi.
Une exposition à découvrir du mardi au samedi, de 14h à 18h.
Dans l’ancien espace des Ateliers, 228 avenue Jean-Mermoz,
63000 Clermont-Ferrand (Sur présentation du pass sanitaire)
« Faufilés », exposition rencontres, les 13 et 14 octobre 2021
En 1910 Clermont-Ferrand accueille comme de nombreuses autres villes en France une exposition coloniale « Le village Noir » au cours de laquelle des « zoos humains » sont mis en place. Des hommes, femmes, enfants ont été exposés afin de présenter aux yeux du grand public français les richesses et la puissance de l’empire colonial français. « Faufilés », ce projet artistique multidisciplinaire, vise à mener des réflexions, des créations et des productions autour du concept « d’objets » et de « zoos humains » et des questions posées dans le cadre des débats sur la restitution et la décolonisation des musées. L’évènement réunira des intervenant.es issus d’horizons géographiques et artistiques variés, et issus du monde de l’art contemporain, que ce soit dans les domaines des arts plastiques ou de l’univers du spectacle vivant.
L’exposition « Faufilés » marquera la conclusion du programme de recherche Figures de transition (Surexpositions) menés par les chercheur.es de l’ÉSACM, qui traitait de la question de l’intérêt renouvelé pour l’art contemporain d’Afrique.
Mercredi 13 octobre => exposition, Jardin Lecoq
Jeudi 14 octobre => rencontres, ÉSACM
—————————————
Mercredi 13 octobre 2021 = > Jardin Lecoq
• 10h Accueil du public
• 11h30 Session de performances
• 15h Session de performances
• 17h30 vernissage
• 18h Session de performances
Artistes et intervenant·es : Edwige Aplogan, Blaise Bang, Hélène Bardot, Bienvenue Bazié, Axel Brauch, Koko Confiteor, Jacques Duault, Enrico Floriddia, Hermas Gbaguidi, Jocelyn Wagninlba Kone, Papa Kouyaté, Marie-Pierre Loncan, Gesine Mahr, Jacques Malgorn, Laure Manéja, Ildévert Méda, Jenny Mezile, Lazare Minoungou, Thierry Oueda, Désiré Sankara, Anne Sarda, Wilfried Souly, Moïse Touré, Marielle Vichard, Charles Wattara, Eric Zongo, et les étudiant·es de l’ÉSACM.
Jeudi 14 octobre 2021 = > ÉSACM
• 10h Accueil du public
• 11h30 Intervention de Moïse Touré, metteur en scène, compagnie Les Inachevés, Grenoble
• 14h Intervention de Anna Seiderer, historienne de l’art, Université Paris 8
• 16h Discussion de clôture
Intervenant·es : Anna Seiderer, Moïse Touré, les étudiant·es de l’ÉSACM, et les artistes de l’exposition au Jardin Lecoq. Complété par des œuvres de Nico Joana Weber, et de la collection du musée Bargoin
Portrait de diplômé·es / Solène Simon
Solène Simon a obtenu un DNSEP à l’ÉSACM en 2015. Après son diplôme, un master en Médiation et art contemporain à l’Université Paris 8, une année en master Métiers de l’Enseignement de l’Éducation et de la Formation, et plusieurs expériences en médiation culturelle, elle obtient le CAPES d’Arts plastiques avant de s’engager dans l’enseignement en collèges et lycées. En 2021, elle passe avec succès le concours de l’agrégation.

• Qu’attendiez-vous d’une école d’art ?
Depuis l’enfance, je passais beaucoup de temps à me raconter des histoires et fabriquer des images (souvent des collages, des photographies ou des photomontages). J’écrivais beaucoup. J’attendais un espace de recherche, avec tout ce que cela englobe. Durant ces cinq années, j’ai énormément vagabondé, testé énormément de choses, découvert des outils, des médiums, des métiers, etc. En réalité, je voulais tout faire. Il a fallu choisir et se recentrer sur le sens de mes recherches, et sur mes questionnements. Les enseignant·es m’ont beaucoup aidé à cela. C’est ce que m’a apporté cette école : du temps, des rencontres, de l’espace pour expérimenter, des échanges, et une culture artistique. Oser aller voir des choses que l’on ne pensait pas aimer, puis y trouver de nouvelles sources pour questionner, enrichir, critiquer. Même si je n’attendais pas cela avant d’entrer à l’école, je peux tout de même dire que ces cinq années m’ont permis d’accepter que produire, penser, échouer, recommencer, font partie du processus créatif et qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises façons de faire pour faire aboutir un projet.
• Quels étaient les médiums, sujets de recherche, expériences ou voyages d’étude, qui ont marqué votre parcours dans l’école ?
À travers la peinture, l’installation, le dessin ou la photographie, mon travail parlait des rapports entre espace et corps. Les rapports de promiscuité, de proximité, le vide, le trop plein, la frontière, les rapports entre intérieur et extérieur. Au regard de l’architecture de l’école, avec ses verrières imposantes, des questionnements sur la frontière entre espace public et espace intime sont apparus. Tout cela se traduisait différemment dans chaque médium et prenait des variations de formes. Je me questionnais sur l’espace donné à voir, et celui mis sous silence, sur les rapports entre le bavard et l’absent, notamment dans ma pratique du dessin pour laquelle je partais toujours d’une banque d’images que je constituais en amont. Les cours de Lina Jabbour, enseignante en dessin, ont bouleversé mon approche de ce médium. Elle m’a aidé à prendre confiance en moi, m’a appris à « prendre le temps » et oser aller plus loin aussi bien dans mon écriture graphique, dans mes questionnements, que dans le format. J’ai appris à travailler et penser la réserve dans ma composition. Un espace qui est encore aujourd’hui extrêmement important dans ma pratique, en ce qu’il se situe entre une continuité et une rupture qui vient trancher, stopper la forme. Je dirais aussi que l’expérience du travail que je vivais en parallèle pour financer mes études a été fondamentale. En travaillant dans un supermarché, j’ai appris à gérer mon temps et à faire de nouveaux gestes. J’ai beaucoup observé les client·es, mes collègues, mes pyramides de fruits et légumes. J’ai commencé à questionner la dialectique entre gestes artistiques et gestes au travail. Ce terrain devenait un nouvel espace de réflexion et a été le point de départ de mon mémoire de fin d’études. La moitié a été rédigé sur des morceaux de papier durant ces heures de travail, que je reprenais le soir (« Mémoire de poche », 2015) Aussi, mon expérience à la galerie Claire Gastaud m’a permis de travailler pour et avec des artistes variés. J’ai énormément appris tant dans l’organisation d’expositions que dans le marché de l’art, la régie, etc.
Mon voyage à Istanbul, dans le cadre d’un ARC (Atelier de Recherche et de Création) autour du paysage a aussi été un moment particulier. Nous avons commencé par parcourir la ville, l’explorer, la traverser ensemble. Le voyage était mené par Stéphane Thidet et Roland Cognet, enseignants en volume à l’ÉSACM. Nous nous sommes ainsi familiarisés avec une ville surprenante par la diversité de ses espaces, par son environnement sonore, ses lumières artificielles, son architecture, le Bosphore, etc. Plusieurs projets personnels ont émergé pendant ce voyage, et ces espaces devenaient des lieux de travail. Des nouvelles formes sont apparues, de nouveaux processus de création, inspirés par la puissance de la nostalgie et de l’oubli. Les ARC « Paysages » en général ont été l’opportunité d’oser voir et faire autrement. De confronter nos questionnements à de nouveaux espaces et d’ainsi les nourrir, les alimenter par des voies singulières.
• À la sortie de l’école, quels étaient vos projets ?
Je suis partie à l’Université Paris 8 en Master Médiation et art contemporain. Après avoir travaillé en galerie, au FRAC et auprès d’artistes, je me sentais à l’aise dans ce domaine. Pendant mes cours de Master, j’ai davantage travaillé l’écriture, dans le cadre d’un projet de recherche universitaire. J’ai aussi expérimenté la performance. J’ai ainsi retrouvé Carole Douillard, artiste rencontrée à l’ÉSACM, et ai commencé à questionner des sujets comme la présence de mon propre corps dans l’espace, le déplacement, la forme collective et individuelle, les divergences entre le montré et le ressenti.
J’ai également travaillé au sein du Fonds Municipal d’Art Contemporain de Paris en tant que médiatrice culturelle dans le cadre du programme « FMAC à l’école ». J’accompagnais des élèves dans la découverte des œuvres exposées. Pour la première fois, je me tenais face à des classes pour parler mais surtout écouter leurs commentaires, leurs expériences, leurs échanges, leur sensibilité. Ces expériences m’ont naturellement conduite à considérer l’enseignement des arts plastiques.
• Quels ont été les apports de l’école d’art pour appréhender le concours du CAPES ?
Les épreuves des concours du CAPES et de l’agrégation demandent une appétence évidente pour l’art et ses questionnements. Il faut savoir problématiser le sujet qui nous est donné. Pour cela, il faut des connaissances en histoire de l’art, mais aussi en littérature, musique, théâtre, cinéma, philosophie, etc. Il n’y a pas de mauvaises références, au contraire. Je ne dirais pas qu’il est nécessaire d’avoir une pratique plastique, même si ça aide assurément. Je dirais plutôt que la maîtrise d’un outil, d’un médium, est indispensable pour appréhender l’épreuve : le sujet doit nous questionner et cette maîtrise favorisera la réponse produite. On ne peut pas tout faire, l’épreuve ne dure que 8 heures.
À l’agrégation, que j’ai obtenu cette année, les épreuves diffèrent légèrement du CAPES. La philosophie et science de l’art s’ajoutent au programme par exemple. Après cinq ans en école d’art, on a balayé beaucoup de contenus. Il faut apprendre à se saisir de tout cela pour construire, parfois remettre en question ce qui a été vu, y revenir, et poser un regard neuf sur les œuvres que l’on pense bien connaître. L’école nous a souvent permis d’être en situation de nous exprimer à l’oral, de favoriser l’échange, le respect, le dialogue, et de construire sa pensée avec l’autre. Les épreuves orales de l’agrégation peuvent effrayer, mais en réalité nous avons été entraîné·es à le faire. Préparer le concours demande du temps et de l’investissement mais il faut aussi faire confiance à ce que l’on a déjà acquis.
• Poursuivez-vous une pratique artistique personnelle ?
Après l’école, je me suis entièrement consacrée à la performance et l’écriture. À cette période, je ne dessinais plus du tout. J’ai, par exemple, écrit un texte tiré d’une expérience de travail saisonnier (« Une entreprise » 2017), entièrement rédigé durant mes heures de travail. Durant deux mois, j’ai également travaillé en tant que préparatrice de commande pour Airbus et ai rencontré des travailleur·ses qui ont enrichi les recherches que je menais autour des gestes artistiques et des gestes au travail. J’ai également mené avec deux ancien·nes étudiant·es de l’école des Beaux-Arts de Paris, Jeanne Borensztajn et Pierre Delmas, un projet de commissariat d’exposition (« J’ai rencontré Jeanne alors que j’avais rendez-vous avec Pierre » 2019). C’est un projet éditorial, qui reprend les codes d’un vernissage d’exposition dans son contenu. L’ouvrage n’est pas encore édité.
La photographie ne m’a jamais quitté mais elle se définit différemment aujourd’hui. Avec la série « Zoom », je redécouvre mes archives personnelles et donne à voir un inventaire du quotidien, une sorte de répertoire de formes, de gestes, de situations ou encore d’incidents. Je suis également revenue au dessin en 2019 et ne me suis jamais arrêtée depuis. J’ai étendu mes questionnements à une technique déjà appréhendée à l’école : des 8 répétés inlassablement pour donner forme à une matière graphique. J’ai façonné mon geste, je me le suis davantage approprié. Ainsi, je fais dialoguer différents effets de textures, rugueuses, organiques, minérales, pour créer des espaces de représentation autour de trois axes : la description, le silence et la suggestion. Ma banque d’images s’est ouverte à d’autres œuvres dans lesquelles je viens puiser des formes, des dynamiques, des mouvements. La couleur s’invite parfois pour troubler la représentation. Actuellement, je travaille sur les rapports de poids, de lourdeur et d’apesanteur qui apparaissaient déjà dans ma pratique mais que je n’avais pas maîtrisés jusqu’à présent. C’est d’ailleurs un dessin réalisé pour les épreuves orales de l’agrégation qui a éveillé mon regard sur ce sujet. Enfin, je travaille actuellement à la réalisation d’une gravure sur cuivre à l’atelier René-Tazé à Paris, sur une invitation de Bérengère Lipreau, imprimeuse en taille-douce.
• Quelles sont les particularités de votre métier ?
Au collège les élèves n’ont pas choisi d’être là, alors que nous enseignant·es, oui. À partir de ce moment-là, une pluralité de questions s’impose. Que vont apprendre mes élèves à travers les arts ? Pourquoi cette discipline est-elle obligatoire en collège puis optionnelle ensuite ? Comment, mais surtout pourquoi faire des arts plastiques ? On ne peut pas se positionner en plasticien·ne. Nous ne sommes pas là pour les faire travailler sur nos propres questionnements, mais bien les leurs. Alors il faut les aider à observer, à prendre confiance, pour qu’ils.elles érigent ainsi leurs propres règles. Nous travaillons avec elles.eux pour définir leurs espaces, leurs sujets de recherches, leurs outils et médiums. C’est un réel terrain d’expérimentation tant pour l’élève que pour l’enseignant·e. C’est un métier où l’on est très attentif·ve à son auditoire. Ce n’est pas toujours simple pour les élèves, qui se sentent parfois perdu·es. Mais l’errance fait partie du processus d’apprentissage. Construire et penser des séquences requiert de cesser de penser à ce que les élèves vont faire, mais bien à ce qu’ils vont apprendre en faisant : questionner le sens des gestes, accepter le rôle du hasard ou la place de l’autre dans un travail personnel, par exemple. En étant capable de maîtriser ces apprentissages et les adapter à leur vie quotidienne, ils.elles se font (« ce que je fais me fais »), et nous nous faisons avec elles.eux.
« Faufilés », une exposition–rencontre au Jardin Lecoq et à l’ÉSACM, du mercredi 13 octobre au jeudi 14 octobre 2021.
SAVE THE DATE !
À la rentrée, l’ÉSACM proposera « Faufilés », une exposition–rencontre au Jardin Lecoq et à l’ÉSACM, du mercredi 13 octobre au jeudi 14 octobre 2021.
En 1910 Clermont-Ferrand accueille comme de nombreuses autres villes en France une exposition coloniale « Le village Noir » au cours de laquelle des « zoos humains » sont mis en place. Des hommes, femmes, enfants ont été exposés afin de présenter aux yeux du grand public français les richesses et la puissance de l’empire colonial français.
« Faufilés », ce projet artistique multidisciplinaire, vise à mener des réflexions, des créations et des productions autour du concept « d’objets » et de « zoos humains » et des questions posées dans le cadre des débats sur la restitution et la décolonisation des musées. L’évènement réunira des intervenant.es issus d’horizons géographiques et artistiques variés, et issus du monde de l’art contemporain, que ce soit dans les domaines des arts plastiques ou de l’univers du spectacle vivant.
L’exposition « Faufilés » marquera la conclusion du programme de recherche Figures de transition (Surexpositions) menés par les chercheur.es de l’ÉSACM, qui traitait de la question de l’intêret renouvellé pour l’art contemporain d’Afrique
Programme bientôt disponible !