Portrait de diplômé·es / Diane Cornu, horticultrice papier

Diplômée du DNA en 2012 à l’ÉSACM, Diane Cornu a monté son entreprise et développé une technique unique et personnelle, celle de l’horticulture papier.

À l’atelier © Vanessa Madec

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre technique ?

L’horticulture papier est née de la rencontre entre une matière, le papier, une technique ancienne et un regard sur la nature.

Une partie de mon travail repose sur le détournement de techniques utilisées chez les paruriers floraux,  un métier de la haute-couture développé en France de la fin du XVIIIème au début du XXème siècle et aujourd’hui en voie de disparition. Il s’agit d’imiter la nature grâce à des outils comme les emporte-pièces, les bouliers ou encore les gaufriers. J’attache une importance toute particulière à la conservation de cette discipline.

Inspirée par des techniques et un savoir-faire artisanal, mais m’inscrivant dans une démarche contemporaine et artistique,  je n’ai jamais vraiment trouvé ma place ni dans l’art, ni dans le design, ni dans l’artisanat. C’est sans doute pour ça que j’ai inventé ma discipline, ainsi que le nom de mon métier. Je me suis donc définie comme horticultrice papier.

Avez-vous entamé cette pratique dès vos années à l’ÉSACM ?

J’ai entamé cette pratique en cours de quatrième année à l’ÉSACM, je venais d’avoir mon diplôme de DNAP (aujourd’hui appelé DNA, N.D.L.R.). À l’époque j’avais une démarche artistique orientée vers le Land Art. Je m’intéressais aux processus de création dans la nature, aux formes fractales, au nombre d’or, à tout ce qui pouvait matérialiser ou expliquer la complexité et la beauté du monde végétal. Mes artistes de référence étaient alors Giuseppe Penone, Herman de Vries ou encore Andy Goldsworthy.

Je suivais les cours d’impression et d’édition de Cécile Monteiro-Braz. Cette artiste et enseignante a influencé ma façon de créer mais aussi de montrer mon travail. Avec elle j’ai découvert le souci du détail, l’importance du contexte de monstration, mais surtout j’ai appris à apprécier le papier comme une matière, et non plus comme un simple support. J’ai alors décidé de réaliser un stage chez Jean Michel Letellier et Miki Nakamura, deux artistes qui m’ont appris à fabriquer le papier avec les techniques traditionnelles et japonaises.

L’école m’a permis de comprendre que je pouvais créer et détourner des techniques à ma façon. J’ai trouvé comment donner du sens à mon travail, qui peut paraître au premier abord simplement visuel ou décoratif, pour y insuffler l’histoire que je veux lui faire raconter.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours à la sortie de l’école ?

J’ai quitté l’ÉSACM en cours de quatrième année. J’avais du mal à définir ma pratique qui s’apparentait alors plus à de l’artisanat. Je créais des objets pour un usage précis, en convoquant des savoir-faire. J’avais l’impression d’être en porte-à-faux avec les principes esthétiques d’une école d’art.

J’ai alors cherché à suivre une formation de parurier floral afin d’améliorer ma technique. Mon profil a tout de suite retenu l’attention d’une des deux dernières grandes maisons françaises spécialisées dans la confection de fleurs en tissu pour la haute-couture. J’ai donc passé des essais en atelier pour être « petite main », un travail répétitif qui consistait à découper, former et assembler des pétales toute la journée. Il s’agissait plus de faire que de créer. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que je ne pouvais pas me défaire de l’intention. J’ai donc monté mon entreprise très rapidement, ce qui a marqué le début d’une longue aventure sinueuse et enrichissante.

Dans un premier temps j’ai d’abord développé un marché autour du mariage. Mes créations étaient alors essentiellement des accessoires cheveux ou bouquets. Ensuite j’ai décidé d’élargir ma cible en proposant mes créations aux particuliers. J’ai rapidement eu envie de renouer avec mon passé en créant des pièces beaucoup plus volumineuses, investir l’espace. Je me suis donc mise à travailler pour des professionnels en créant des scénographies pour des shooting ou des décorations de vitrine de magasin de luxe. Mes partenaires, interlocuteurs, commanditaires, sont des personnes qui aiment avant tout la nature, la poésie et le savoir-faire.

À quoi ressemble votre quotidien ?

Je n’ai pas vraiment de journée type. Depuis que je suis à Toulouse je cumule mon travail d’horticultrice papier avec un travail alimentaire de serveuse. Mon quotidien depuis deux ans a été uniquement rythmé par ces deux emplois, une charge de travail très prenante et chronophage, mais qui me permet aujourd’hui d’envisager atteindre mon objectif premier, pouvoir vivre de ma passion.

Certaines journées je fabrique, d’autres je communique sur mon travail,  je monte des dossiers de subvention, je participe à des shooting, j’imagine de nouveaux modèles, je suis sur des salons pour promouvoir mon travail, je me transforme en comptable ou je suis en soirée pour agrandir mon carnet d’adresse. Parfois c’est la page blanche, parfois je reçois des futurs mariés ou encore je réponds à une interview pour mon ancienne école d’art. Bref vous l’aurez compris les journées se suivent et ne se ressemblent pas.

Un projet en particulier ?

J’ai eu la chance de travailler avec l’Atelier Swan, un duo de créatrices de robe de mariée, à la conception d’une scénographie pour le shooting de leur collection 2020. Un projet grandiose, 13 000 pétales assemblés et suspendus sur presque 1 demi kilomètre de file pour former un couloir de pétales. Et surtout une vingtaine de bénévole prêt à m’aider pendant deux mois pour que cette idée folle prenne forme, une véritable expérience humaine. Plus qu’un simple objet à contempler, l’idée était de modifier les échelles afin que le spectateur vive une véritable expérience sensorielle. Ce projet à vraiment marqué un tournant dans mon travail et ma carrière.

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Portrait de diplômé·es / Mathieu Sellier, régisseur à la Galerie Perrotin, Paris

Diplômé du DNSEP en 2006 à l’ÉSACM, Mathieu Sellier avait cultivé pendant son parcours une grande diversité de pratiques et de techniques. Après un passage chez le galeriste Yvon Lambert, il officie en régie d’œuvres à la galerie Perrotin, une galerie parisienne au rayonnement international.

En quoi consiste ton activité ?

Je suis Régisseur Sénior à la galerie Perrotin depuis 5 ans. Ce qui veut dire que je m’occupe de l’accrochage des œuvres, de leur restauration, de la gestion des stocks, et mille et une autres activités techniques liées à une structure de cette envergure.
Je travaille avec tout type d’œuvres, des peintures, des sculptures, des installations, des vidéos…

Cette galerie a plusieurs antennes, notamment aux États-Unis et en Asie. Mes activités se concentrent surtout à Paris, où je me déplace chez les collectionneurs qui ont acheté des œuvres à la galerie, pour assurer leur transport et leur installation. On expose aussi dans différentes foires européennes, à Genêve, Bâle, etc. Donc en fait mon quotidien s’articule entre les retours des œuvres qui étaient exposées, les préparations des prochaines expositions, des foires, les installations chez les acheteurs…

Avant ça j’avais passé 3 ans en tant que régisseur à la galerie Yvon Lambert à Paris, jusqu’à sa fermeture en 2014.

Est-ce que les questions liées à la régie d’œuvres avaient déjà traversé ton parcours à l’école ?

Pas du tout, c’est venu totalement après. À l’école, mon objectif était d’être riche de la plus grande diversité de techniques possibles, pour être justement libéré de toute considération technique pour réaliser ce que j’avais en tête. Pendant tout le cursus et jusqu’au diplôme, j’ai utilisé dans mon travail à la fois la photo, la vidéo, la sculpture, la peinture, l’installation… J’ai essayé d’être assez autodidacte. L’école met à disposition une très large palette d’outils et d’équipements techniques, j’ai essayé de m’en emparer et d’expérimenter.

Avant le diplôme, je n’avais pas du tout pensé à l’après-école, ou anticipé le fait de travailler en tant que régisseur.  Très rapidement ma priorité a été d’être indépendant financièrement, et je savais qu’être artiste n’était pas ce qui le permettait le plus facilement. À la sortie de l’école, une de mes enseignantes en culture générale m’a recommandé pour un poste d’assistant d’artiste à Paris. C’est aussi en ça que le relationnel est très important. J’ai fait ça pendant un an, puis je suis devenu régisseur indépendant. J’ai retravaillé avec l’école d’art, qui avait depuis mis en place un calendrier d’expositions assez dense, pour lesquelles j’assurais la régie.

Parviens-tu à réserver encore un peu d’espace à ta pratique d’artiste ?

Pas vraiment, ou très peu. Il m’arrive de refaire du dessin, de la décoration d’intérieur ou un peu de design. Mais je ne suis pas malheureux de ne pas avoir de pratique. Je travaille dans une galerie très active, je passe mes journées au milieu des œuvres. C’est un métier où l’on est très sollicité, en terme d’investissement et de temps, et aussi physiquement. Mais il permet d’avoir un rapport différent aux œuvres, de les toucher, et d’une certaine manière de se les approprier.

Portrait de diplômé·es / Marie-Camille Dodat, bricoleuse d’objets, étalagiste, directrice artistique

Marie-Camille Dodat, diplômée du DNSEP en 2015 à l’ÉSACM, imagine et prépare dans son atelier clermontois les vitrines des  32 boutiques de la marque Tartine et Chocolat à travers le monde.

Marie-Camille Dodat, bricoleuse d’objets, étalagiste, directrice artistique.

Comment s’est passé l’après-diplôme ?

Pendant les 4e et la 5e années à l’école, je me suis beaucoup intéressée au design. Pour participer au financement de mes études, je concevais des vitrines pour quelques boutiques clermontoises. Quand j’ai eu mon diplôme, j’ai eu envie de travailler pour une grosse entreprise, en tant que directrice artistique. J’ai cherché un stage à Paris, et j’ai été engagée comme assistante identité visuelle et coordination des vitrines pour la marque Tartine et Chocolat. Ce qui veut tout et rien dire. J’étais devant un ordinateur toute la journée à gérer les stocks, le matériel, réfléchir aux aspects techniques. Mais ce qui m’intéressait c’était de créer, et j’étais exaspérée de voir tout l’argent dépensé dans certains dispositifs alors que j’étais persuadée de pouvoir trouver des solutions poétiques et bien plus économiques ! Alors à la suite du stage, je me suis mise à mon compte. Depuis, en tant que directrice artistique, je crée les décors de 32 vitrines par mois, pour 15 boutiques Tartine et Chocolat en France, en Europe, et dans le monde.

Vue d’atelier.

 

Quelle place pour une créatrice dans le monde de l’entreprise ?

On représente une vraie valeur ajoutée. On arrive avec un regard différent, personnel, et on a un certain sens de la débrouillardise. On développe des compétences manuelles, un sens esthétique, une sensibilité à la couleur, aux matériaux, aux textures, et en ça, on y a vraiment notre place. Je travaille aussi pour d’autres types de commanditaires, pour une marque de lingerie, et depuis décembre 2019 pour la compagnie Air France. J’ai réalisé un décor pour l’espace international des salons Air France. C’était un travail qui touchait presque à l’architecture d’intérieur, et qui me demandait de composer avec un cahier des charges très différent, très normé. Et là aussi, c’est tout un autre monde, dans lequel on a aussi besoin de gens comme nous. J’étais surprise qu’ils soient séduits par un petit décor, léger et délicat comme je le pratique, et qu’ils s’y identifient. Ma proposition était en place pendant tout le mois de décembre, et on envisage de nouvelles collaborations.

 

La céramique, une pratique découverte à l’école et toujours développée depuis.

En quoi ton activité s’inscrit-elle dans une cohérence avec ton parcours à l’école d’art ?

Dans les écoles supérieures d’art, on apprend à être autodidacte, et à ne rien s’interdire. Si on veut créer une table, couler du goudron, on apprendra en expérimentant. Ce qui fait de nous des touche-à-tout. Quand je me suis installée comme créatrice indépendante, je me suis rendue compte que, seule, je pouvais faire une photo calibrée, j’étais capable de tailler un morceau de bois, de monter du placo, bref, j’étais un vrai couteau suisse, avec une culture du tout-terrain. Et ce travail là, je l’ai composé.

Des vitrines toujours conçues avec un an d’avance.

À quoi ressemble ton activité quotidienne ?

Mon quotidien s’organise entre Clermont et Paris. La majorité du temps, je travaille dans mon atelier, en centre-ville, à Clermont. Et deux fois par mois je vais trois ou quatre jours à Paris. L’équipe me présente les vêtements conçus par les stylistes, je propose une planche de tendances, des prototypes, et si ils sont validés, je rentre à Clermont et me lance dans la production. Une fois que les 32 décors sont prêts, on les emballe, on rédige un cahier technique et des consignes de montage, et les colis partent dans différentes boutiques à travers le monde. Tous les décors des boutiques France et monde de Tartine et Chocolat naissent dans mon atelier, à Clermont-Ferrand.

https://www.instagram.com/mariecamilledodat/