Portrait de diplômé·es / Amandine Capion

Après un DNA à l’École supérieure d’art et de design de Toulon Provence, Amandine Capion souhaite changer de paysage et de région pour poursuivre ses études en art. Elle entre en 4e année à l’ÉSACM, où elle obtient le DNSEP en 2016. Amandine Capion vit et travaille aujourd’hui à Marseille. Artiste plasticienne, elle s’intéresse à la question du paysage en développant un travail autour de l’urbanisme, de l’architecture et de l’archéologie.

Arrêt sur dissolution, Cuers, 2019. Ruine et ses gravats, enduit de rebouchage. Vue depuis l’extérieur.

Quel est votre environnement de travail ?

Cela fait maintenant trois ans que je vis à Marseille. C’est une ville que je connaissais déjà partiellement et qui me semblait être favorable économiquement à l’installation des jeunes artistes. J’avais aussi envie de vivre dans une ville frénétique, qui me laisse l’occasion à chaque coin de rue de trouver l’objet de mon prochain projet. Avec le soleil en plus qui est un atout indéniable pour quelqu’un originaire du sud comme moi.

Je travaille dans un atelier partagé, au cœur d’un lieu appelé l’Immeuble, à Marseille, qui réunit ateliers et lieux de vie sur cinq étages. Nous sommes neuf à y travailler et à nous retrouver à l’occasion de barbecues sur le toit.

En quoi consiste votre pratique ?

Mon travail se nourrit d’architecture, d’urbanisme et d’archéologie. Il part d’un intérêt pour la matière du paysage, et plus précisément celle du paysage urbain. Dans la ville, c’est principalement lorsque des travaux sont en cours que toutes les couches de matières qui la composent deviennent visibles. Celles en dormance, comme la terre que l’on trouve sous le bitume, et celles, passant d’un état à un autre, comme le béton ou l’asphalte qui est visqueux lors de sa pose puis très dur en refroidissant.

C’est donc à partir de l’exploration des chantiers et de la rencontre avec les ouvriers que commence mon travail de collecte. Il s’agit en quelque sorte de court-circuiter le processus du chantier afin de m’approprier des matériaux bruts et de les détourner de leur destin initial. Parfois les matériaux prélevés sont issus d’un processus de destruction et non d’édification. C’est le cas des gravats qui résultent de l’éclatement d’une forme architecturale, matériau que l’on retrouve souvent dans mes projets. Ce qui m’intéresse ici c’est la création de nouvelles formes, chacune unique grâce à l’aléatoire de la brisure. Et comme pour cerner ces formes, j’appose un enduit de rebouchage sur chaque gravats pour ensuite composer des ensembles, des familles. La forme du fragment est la plus grande des familles composées à ce jour.

La forme du fragment, 2017. Gravats et enduit de rebouchage, dimensions variables. Vue de l’exposition 95m², Clermont-Ferrand. Crédit photo : Louise Porte.

Le procédé ressemble à celui que j’ai employé pour le projet Arrêt sur dissolution. C’est une ruine recouverte d’enduit de rebouchage qui a nécessité des mois de préparation et de réalisation. L’idée était, tout comme avec La forme du fragment, d’augmenter les traits imprécis de la ruine avec de l’enduit et de marquer une pause sur le cours naturel de sa dislocation. Passer de l’architecture à la sculpture.

Quelle est l’importance de la récupération dans votre pratique ?

Le processus de récupération me permet d’acquérir des matières spécifiques au milieu urbain, notamment des matériaux introuvables dans le commerce, car impossibles à vendre autrement qu’à la tonne. Par exemple, l’asphalte que je récupère lors de travaux de voirie à Marseille m’intéresse particulièrement. C’est une matière qui depuis sa fabrication, son transport, et jusqu’à sa pose, circule uniquement dans un réseau de machines. Le simple fait de venir en prélever quelques kilos dans un sachet plastique lui confère une nouvelle lecture à dimension humaine.

La récupération me permet dans certains cas de poser un regard archéologique sur des éléments qui en eux-même sont déjà très évocateurs. C’est le cas avec Artefact 2000 présenté à Art-Cade, galeries des Grands bains douches de la Plaine, à Marseille, à l’occasion de l’exposition « La Relève ». Cette œuvre est composée de six pavés prélevés sur la place Jean-Jaurès qui connaît de profonds changements depuis deux ans. Ce projet relève d’une démarche d’archéologie anticipée où les pavés, archivés dans une vitrine, deviennent des vestiges en devenir.

Artefact 2000, 2018. 6 pavés de la place Jean-Jaurès, la Plaine (Marseille) bois et verre. 116 x 128 x 42 cm
Vue de l’exposition « La Relève », Art-Cade Galerie des grands bains douches, Marseille.

En quoi est-ce que votre pratique est liée à des cours ou expériences que vous avez vécues à l’école ?

Plusieurs expériences ont enrichi ma pratique. Je pense par exemple à l’ARC (Ateliers de Recherche et de Création) autour du paysage. C’était un des enseignements qui correspondaient le mieux à mon travail, et qui m’a familiarisé avec la marche, l’observation, la documentation comme processus de travail en phase de recherche. Cette expérience m’a aussi permis d’acquérir des automatismes dans mon travail. Je me souviens avoir passé beaucoup de temps à découvrir la ville de Clermont-Ferrand et ses alentours, en m’intéressant particulièrement à ses « délaissés », à son « tiers-paysage », pour reprendre les termes de Gilles Clément dans Le Manifeste du tiers paysage. Je collectais photographies et prélèvements de ces lieux riches en espèces végétales spontanées et matériaux abandonnés. À l’école, mon orientation vers le volume et les installations était déjà très marquée. Mais j’ai aussi pu expérimenter la vidéo, le dessin, etc., et même le découpage de voiture. J’avais envie d’apprendre à utiliser de nouveaux outils et de nouvelles techniques.

Pendant mon cursus, j’ai pu travailler quelques jours au Scottish Sculpture Workshop de Lumsden, en Écosse, et à une résidence d’un mois et demi à Cotonou, au Bénin, en partenariat avec la fondation Zinsou. L’une avait pour objectif la découverte du travail du bronze et l’autre, plus longue, permettait d’effectuer un travail de recherche pour aboutir à une exposition. L’expérience à Cotonou a  été particulièrement marquante car le voyage s’accompagnait de la rencontre de tout un réseau d’artistes, d’acteur.trice.s de la culture, de visite de structures, et de la découverte de la fête annuelle vaudou.

Comment s’est passé votre sortie de l’école ?

Après ma sortie de l’école en 2016, je suis restée un an à Clermont-Ferrand. J’ai intégré les Ateliers au Brézet pendant six mois, ce qui m’a particulièrement aidé pour la préparation d’expositions, notamment à Chanonat et aux Ateliers. Puis après m’être installée à Marseille, j’ai commencé peu à peu à répondre à des appels à projets, à exposer en galerie (Vidéochroniques, Art-cade etc.) ou dans des lieux associatifs (Coco Velten etc.).

Pour pouvoir vivre décemment j’ai toujours travaillé à côté de mon cursus en école d’art, et en sortant de l’école j’ai tout naturellement continué cette gymnastique. Depuis la rentrée 2020, je travaille à l’école d’architecture d’intérieur et de design Camondo, à Toulon, à la fois sur des missions logistiques, de conseil technique et d’ateliers.

Comment s’organise votre quotidien de travail ?

J’organise mon travail en fonction des saisons. Par exemple, je mets à profit le printemps et l’été pour des projets en extérieur qui nécessitent des conditions météorologiques clémentes. Pendant l’hiver et l’automne, je me concentre sur tout ce qui nécessite de travailler sur ordinateur. L’atelier est un lieu repère qui condense toutes ces activités, et où j’aime réaliser certains types de pièces à son échelle.

Sur quels projets avez-vous travaillé récemment ?

Il y a eu dernièrement un projet passionnant mais qui n’a pas encore pu trouver sa place en extérieur suite aux nombreuses annulations de programmation liées au contexte sanitaire. Il s’agit de Neo ruin, une installation réalisée à l’occasion d’une résidence de recherche à Coco Velten à Marseille. Cette installation est composée d’éléments en acier inspirés des gabions et réalisés sous des formes géométriques variées composant un paysage architectural fragmenté. Les gabions sont des cages de fer remplies de pierres de carrière superposées, habituellement utilisés dans des espaces publics comme éléments d’urbanisme. 

Ici ce sont les gravats d’une démolition qui viennent remplir la structure offrant à voir les derniers témoins matériologiques d’une construction passée. L’idée était de faire s’élever une ruine imaginée à partir d’éléments du réel.

Actuellement je tente de finir ce travail interrompu dans sa lancée. Je suis donc à la recherche d’un lieu en extérieur pouvant accueillir cette pièce. Aussi je prévois de poursuivre un travail en atelier avec des expérimentations réalisées à base de chaux, et, en parallèle, je souhaite entamer un projet intitulé Donne gravats contre bons soins que j’ai longtemps laissé de côté. 

L’année 2020 est une année extrêmement difficile pour les artistes et, plus généralement, pour la culture. Beaucoup de belles expériences et d’opportunités sont passées à la trappe. Il n’est pas simple de se projeter. Cependant au printemps 2021, sur une proposition de Nicolas Daubannes, je participerai à une exposition collective au musée départementale de Gap, à l’origine prévue en novembre 2020.

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Amandine Capion durant sa résidence à Coco Velten en train de fabriquer l’installation Neo ruin. Crédit photo : Grace Doubledent.

Portrait de diplômé·es / Andréa D’Amario

Après un Bac Pro menuisier-agenceur, Andrea D’Amario rentre à l’École supérieure d’art de Clermont Métropole à 21 ans. Cinq ans plus tard, il obtient le DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique). Juste après le passage de son diplôme, il choisit de s’installer à Lima, au Pérou. Il y a vécu et y a enseigné le volume dans une école d’art pendant quatre ans. Il a participé durant son séjour à une dizaine d’expositions collectives et a présenté quatre expositions personnelles. À son retour en France, il s’est installé en Bretagne, dans le Morbihan.

Quel a été votre parcours avant d’entrer dans l’école ?

Juste après le collège, je suis allé dans un lycée général qui comprenait une option arts plastiques lourde. Je me suis rapidement aperçu que ça ne me convenait pas, je m’ennuyais. Je me suis dit qu’il valait mieux que je m’intéresse à un métier manuel pour assurer mes arrières. J’ai donc entamé un cursus BEP et BAC pro menuiserie, et ça a été décisif dans ma pratique. Le fait d’étudier dans un lycée technique donne une certaine vision de l’espace, un processus de fabrication, et ça permet d’avoir des notions concernant le volume. À ce moment-là, je savais que je ne resterai pas dans la menuiserie traditionnelle, car l’envie d’étudier aux Beaux-arts était déjà là. Mais cette formation technique m’a tout de même permis de travailler dans le milieu du décor de scène, à l’opéra Bastille, de faire des décors pour la télé, en employant mes compétences en menuiserie, mais aussi des compétences plus créatives.

Comment avez-vous employé ces compétences-là une fois à l’école ?

Quand je suis arrivé à l’école d’art, j’avais envie de faire de la peinture J’ai énormément voyagé en Italie quand j’étais petit, et à chaque voyage on visitait les musées. J’ai vu beaucoup de peintures, presque jusqu’à saturation. Je me suis passionné pour la peinture antique et les œuvres de la Renaissance. Très vite, je me suis rendu compte que ça ne serait pas ma pratique régulière, parce que la pratique de la peinture et le fait de revenir sans arrêt sur son travail, cette rigueur et cette obstination, l’enfermement dans un cadre, ne me correspondaient pas. Je sentais la nécessité de me développer dans l’espace, d’occuper de plus en plus de place. J’ai donc continué une pratique picturale, mais à la façon de la peinture murale. J’ai commencé à fabriquer mes propres outils. Je me suis réapproprié mes connaissances de la menuiserie traditionnelle pour les mettre au service de ma pratique. Par exemple, j’ai mis en œuvre la fabrication d’un compas géant. J’étais intéressé par les grands formats, le fait de mettre le spectateur face à une échelle qui lui correspond. J’ai commencé par du dessin géométrique, en noir et blanc, puis la couleur est arrivée.

Petit à petit j’ai migré vers le volume, la sculpture. J’avais suivi un des atelier de recherche et de création autour du paysage dans la réserve de Haute-Provence. C’est la première fois que je travaillais dans la nature. Et dans ce nouvel environnement, j’ai commencé à expérimenter des formes beaucoup plus légères, à intervenir sur des pierres, en dessinant des cercles comme des trous noirs dans la matière, disposés dans le paysage. Je cherchais à créer une atmosphère un peu onirique, comme dans les films de Hayao Miyazaki.

«Land Art », Digne-les-Bains, France, 2012.

Quels étaient vos territoires de questionnement à l’école, et quels sont-ils aujourd’hui ?

Je m’intéresse beaucoup à l’astrophysique, aux images de nébuleuses, aux planètes, aux mathématiques, à la physique quantique, etc. C’est un peu ma façon de comprendre la réalité, même sans avoir de bagage scientifique. Comment fonctionne le réel, qu’est ce que c’est, comment influe-t-on sur ce réel-là, qu’est-ce que produire des formes dans le réel.

Avec le travail autour des cercles géants que j’ai mené à l’école, j’explorais les fractales, que l’on retrouve beaucoup dans la nature. Je m’intéressais au fait qu’une forme infinie puisse exister dans des formes finies. L’école m’a permis de poser les bases de ma réflexion et le travail s’est transformé. Mais aujourd’hui ce sont toujours ces mêmes questions qui m’intéressent. 

Exposition « Barranco Open Studio » à La Casona Roja, Lima, avril 2017, Pérou.

Vous avez eu, très tôt après l’école, une expérience de l’enseignement de l’art à l’étranger. Pouvez-vous nous en parler ?

Ma femme est péruvienne, et nous avons passé plusieurs étés à Lima avant le diplôme. J’avais rencontré la directrice de l’école d’art de Lima et elle m’a proposé d’y travailler d’abord en tant qu’assistant, ensuite en tant qu’enseignant en volume. J’y suis resté quatre ans.

La perception de l’art au Pérou varie beaucoup selon l’endroit ou l’on se trouve. J’ai appris beaucoup sur la pédagogie. Cette école était la seule école à avoir une approche presque exclusivementcontemporaine au Pérou. Les autres forment des techniciens incroyables, très ancrés dans la matière, ce qui d’ailleurs manque un peu dans les écoles d’art française. À force de développer les concepts on en oublie parfois la technique. À mon sens, avoir les outils donne de nouvelles capacités à penser des projets. La menuiserie a été vraiment décisive dans l’évolution de ma pratique. Ça m’a permis de savoir lire et dessiner des plans, savoir penser une forme, et comment la réaliser, avec quels matériaux. Ça facilite grandement la mise en œuvre des projets. Pour ma dernière exposition, j’ai produit des pièces d’une grande taille, des volumes monumentaux, et dans l’élaboration du dossier, ça m’a donné une certaine assurance de pouvoir proposer un descriptif précis, technique. Il faut lutter contre l’idée selon laquelle les artistes ne fabriquent pas leurs pièces. J’aime montrer que je travaille. Et je prends autant de plaisir à la création qu’à la fabrication.

Avez-vous pu, parallèlement à l’enseignement, poursuivre votre vie d’artiste à Lima ?

J’ai eu plusieurs ateliers à Barranco, un quartier où travaillent beaucoup d’artistes. J’ai réalisé quatre expositions personnelles là-bas, dont une à l’Alliance française de Trujillo, au nord du pays. J’ai aussi participé à une exposition à l’Alliance Française de Lima. J’ai également travaillé avec la galerie Wu à Barranco. A Lima, le monde de l’art a des dynamiques différentes de celles que l’on connaît en France. Il n’y a, malheureusement, que très peu de soutiens public aux artistes contemporains. L’art est donc souvent entre les mains de gens puissants. Le rapport d’un artiste à la galerie est donc parfois plus difficile, j’ai quelquefois senti que les artistes étaient moins libre. C’est pour ça que j’ai préféré – et je tends toujours à cela – travailler avec des institutions. Ça tient aussi à la direction vers laquelle s’est orienté ma recherche. Bien que j’apprécie le travail avec les galeries,  je suis de plus en plus intéressé par la production in situ, c’est pourquoi je produis beaucoup moins d’objet et c’est souvent difficile pour moi de créer dans une optique purement commerciale. Travailler avec des musées et des institutions offre plus de liberté dans ma démarche. 

Quelle influence votre expérience à Lima a eu sur votre pratique ?

Il y a à Lima un quartier plein de petites échoppes dédiées à la vente de pièces détachées, des moteurs, des LED, etc. choses qui n’existent pas en France. Et j’ai commencé, grâce à ce matériel, à créer des systèmes, utiliser des moteurs, mettre des objets en mouvement, créer des faisceaux de lumière. Il s’agissait d’un travail plus proche du laboratoire, de l’expérimentation. Je fonctionne souvent comme ça, je fais de nombreux essais, ça se coagule pour créer une pièce qui sort du néant. Lima m’a permis cette expérience-là, à travers une pratique de flânerie, sans savoir ce que j’achetais, de monter des pièces ensemble et voir ce que cela produisait. Grâce à ça, j’ai ajouté du mouvement dans mes expositions. Avant c’était très statique, et avec le mouvement, je m’aperçois que j’arrive à créer d’autres effets. La réalité même de Lima, lorsque l’on vient d’un pays où tout est ordonné, réglé, m’a mis face à une sorte de liberté perdue. Les péruviens sont très débrouillards. Il y a une économie de la débrouillardise, du « faire soi même ». Ça m’a permis de réfléchir à une autre économie de travail, à une autre façon de trouver des matériaux.

L’esthétique même de la ville a influencé mon travail. Lima est proche de l’équateur donc les jours comptent douze heures de lumière et douze heures d’obscurité. Nous sommes sur le littoral, le soleil se couche dans la mer, les couleurs des éléments sont très changeantes, il y a des rouges flamboyants, des violets, et cette lumière est une chose que j’ai tenté de reproduire à l’atelier.

Après quatre ans de vie au Pérou, comment s’est passé votre retour en France ?

Rentrer en France pour être artiste après plusieurs années à l’étranger, ça demande beaucoup d’énergie. J’en suis venue à me demander si j’allais continuer. J’ai fait une formation en Angleterre pour apprendre à fabriquer des planches de surf en bois. Puis je me suis ressaisi, et je me suis de nouveau consacré à mes projets artistiques.

J’ai répondu à l’appel à projet de Vign’art, première édition d’un festival en Champagne Ardennes, inspiré d’Horizon Sancy, et j’ai été sélectionné. C’est la première fois que mon travail était montré en France. Et d’autres projets ensuite en ont découlé.

Pouvez-vous nous parler de vos projets en cours ?

De juin 2020 à mars 2021, l’exposition “Prisme, architecture boréale” est visible au Musée de La Cohue à Vannes. J’ai eu de la chance, car j’ai envoyé un dossier de candidature spontanée par hasard à un moment où ils cherchaient un artiste qui travaille avec la lumière. Le lieu est incroyable, et je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose d’intéressant à faire dans ce contexte. J’ai proposé une forme qui créait une architecture lumineuse dans l’espace. 

La lumière a été un peu comme une évidence dans mon parcours. En 2015 à la Fundación Telefónica, j’avais travaillé essentiellement autour de ce sujet-là. Peu de temps avant, alors que j’étais en vacances en Italie, j’ai trouvé un carton plein de cristaux magnifiques issus d’un vieux lustre. J’ai ramené son contenu au Pérou sans savoir ce que j’allais en faire. Ça a donné l’exposition « Mystic of the optic ». 

Fin septembre j’ai aussi participé à la résidence des Arts en balade à la Visitation, à Clermont-Ferrand. J’ai de nouveau travaillé autour de la lumières, en employant des matériaux transparents, translucides. Les pièces lumineuses, blanches ou colorées ont été présentées dans un espace obscur. Certaines de ces œuvres étaient en projet depuis longtemps, d’autres sont réellement nées de la résidence. J’ai tenté de produire par mes propres moyens des images qui auraient pu être produites par ordinateur. C’est une illusion que j’aime renouveler dans mon travail, en produisant des images qui ont l’air digitales et qui en réalité sont analogiques.

www.andreadamario.com

Portrait de diplômé·es / Marjolaine Turpin

Marjolaine Turpin a obtenu un DNSEP à l’ÉSACM en 2015. Artiste plasticienne, ses recherches s’articulent autour de questions liées au monde végétal, l’observation de la nature, et le rapport au geste. 

Pouvez-vous nous parler de votre travail plastique ?

Mon travail est lié au végétal, même si ce n’est pas forcément une matière première visible dans les œuvres. Les questions de lenteur, de formes endormies, de présences silencieuses et de croissance constituent une base sur laquelle je m’appuie beaucoup. Ensuite vient la question du geste qui est souvent intimement liée à la matière que j’utilise, comme par exemple dans ajour, qui se présente sous la forme d’un aplat enduit, qui est simplement lissé jusqu’à ce qu’il miroite dans l’espace. L’enduit est poussé au bout de sa fonction, et il révèle un dessin à toucher, très lisse, mat ou brillant selon les endroits. C’est une installation dont la réalisation est plutôt physique, elle nécessite beaucoup de couches à appliquer et à poncer pour arriver à cette brillance, mais ce qui me plaît, c’est que sa présence dans l’espace reste discrète et silencieuse, comme pourrait l’être une image de neige.

Ces derniers temps je travaille aussi le textile, j’ai notamment engagé un processus de broderie sur un grand format, paroi, qui continue d’évoluer et de se remplir depuis 2018. C’est une broderie dite « au poinçon » qui est une technique où le geste est très simple, et qui permet de ne jamais faire de nœuds, le fil et le tissu sont liés par des jeux de tensions. Le fait que rien ne soit noué, et que les fils et le tissu tiennent en équilibre l’un avec l’autre est un aspect qui me plaît beaucoup.

Depuis votre sortie de l’école, sur quels projets marquants avez-vous travaillé ? 

En 2018, l’ÉSACM m’a présentée au jury des Galeries Nomades, pour lesquelles j’ai été sélectionnée. C’est un programme de soutien à la jeune création de l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne/Rhône-Alpes, qui m’a permis de réaliser une résidence à Moly-Sabata, une exposition personnelle à l’espace d’art contemporain Les Roches, et d’avoir un très beau texte sur mon travail par Mathilde Villeneuve dans la Belle Revue #9. C’est une expérience importante qui m’a permis de rencontrer des personnes bienveillantes vis à vis de ma pratique. Ces personnes ont suivi une grande partie du processus de travail pour cette exposition, et ça a créé des liens qui continuent à nourrir et influencer mon parcours deux ans plus tard.

D’ailleurs, en ce moment, je suis en train de préparer des projets qui découlent directement de cette expérience. Je prépare une exposition personnelle à l’espace Jean de Joigny, dans l’Yonne, sur l’invitation de Cécile Desbaudard qui a découvert mon travail dans La Belle Revue, ainsi qu’une résidence de production prévue en 2021 sur une invitation de l’IAC, qui continue à suivre mon travail.

En dehors des retombées directes de ces expériences, tout cela m’a aussi permis de vraiment prendre confiance en mon travail et de réussir à construire une pratique professionnelle.

Pouvez-vous nous parler du passage vers l’après-école ? 

À la sortie de l’école en 2015, j’ai commencé par m’assurer un travail alimentaire à La Poste. J’étais alors agent de tri à Lempdes, pendant presqu’un an, et en parallèle je participais à certains projets accompagnés par l’ÉSACM, comme l’exposition des diplômé.e.s, celle des Enfants du Sabbat au centre d’art du Creux de l’Enfer. C’était un moment de mutation et j’avais besoin de m’assurer un début de stabilité financière, que je n’avais pas pendant mes études. Mais cette expérience m’a permis de découvrir le monde du travail industriel, très différent du domaine culturel dans lequel j’avais évolué pendant ces cinq années à l’école.

Avez-vous intégré des processus ou des esthétiques issus du monde industriel dans votre pratique ?

Non, les enjeux du travail en industrie ne sont jamais devenus un sujet en soi dans mon travail, mais la question du geste par exemple, qui était déjà présente dans mon travail d’étudiante, a pris une place différente, devenant un mouvement plus contextualisé, chargé d’une persistance plus laborieuse. Je pense toutefois que cette expérience m’a permis d’influencer ma réflexion sur la question de l’adresse. À qui s’adresse une exposition d’art contemporain ? Sortir d’un contexte où la culture est un enjeu central, pour rencontrer tout un écosystème au sein duquel la culture est parfois vraiment secondaire, m’a permis de prendre le temps de réfléchir à la raison pour laquelle les arts plastiques sont importants pour moi, et ce qu’ils peuvent apporter d’un point de vue culturel et social. Je ne prétends évidemment pas avoir trouvé de réponses à ces questions-là, mais ça me permet au moins de les garder en tête dans les différents projets auxquels je participe, et de porter une attention particulière aux contextes dans lesquels j’inscris mon travail.

Pouvez-vous nous parler de vos engagements associatifs ?

J’ai eu la chance de faire partie d’une association qui s’appelait La Cabine, montée lorsque j’étais encore en 5e année, avec d’autres étudiant.e.s et jeunes diplômé.e.s. Nous avions un local commercial d’une centaine de mètres carrés où nous organisions des événements ponctuels (expositions, concerts, écoutes radiophoniques…), et dans lequel nous nous retrouvions pour travailler. Cet espace a été comme une passerelle entre l’école et la vie professionnelle. J’avais donc toujours un espace où travailler, et je pouvais continuer à partager des envies et des questionnements avec d’autres artistes.

La Cabine a fermé en 2016. L’association était entièrement autofinancée, et au bout de deux ans d’activité, certains membres avaient déménagé, et d’autres commençaient à être sollicités par de nouveaux projets.  Il a donc fallu choisir entre s’impliquer plus sérieusement pour réfléchir à un modèle viable financièrement, ou alors choisir de terminer en beauté cette expérience qui nous avait beaucoup appris à tou.te.s, et passer à autre chose. C’est ce qu’on a fait, et ça a été une belle fête de fermeture. La Cabine nous a permis de vivre une première expérience dans l’organisation d’événements artistiques, et de tisser des liens avec le milieu associatif clermontois.

Suite à ça, j’ai candidaté pour bénéficier d’un espace temporaire au sein de l’association Les Ateliers que j’ai intégrée quelques mois plus tard, ainsi que l’association Non-breaking space, à Clermont-Ferrand.

Non-breaking space a pris en charge la gestion et la programmation de l’espace de la Tôlerie début 2017 et elle a organisé des événements réguliers, tous les jours de pleine lune jusqu’à fin 2019.

L’association Les Ateliers a pour mission de fournir des espaces d’ateliers pour un loyer modique à ses membres et à des artistes du territoire ou d’ailleurs qui voudraient s’installer quelques temps à Clermont-Ferrand. J’y ai mon atelier, et quand je ne suis pas en résidence, j’y travaille de façon quotidienne pour faire évoluer mes travaux et recherches, et préparer les projets d’expositions.

Que retenez-vous de l’apprentissage en école d’art ?

L’apprentissage en école d’art a été assez déstabilisant pour moi au début. Il offre une grande liberté à ses étudiant.e.s., dans le sens où il diffère beaucoup du système universitaire, bien que cette autonomie soit bien sûr progressive, car en première année nous sommes très accompagné.e.s. Mais il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre que c’était à moi de définir ma pratique. Je me souviens que j’ai longtemps produit et présenté des productions qui imitaient et ressemblaient à l’idée que je me faisais d’une exposition, tout en ayant conscience que ça ne fonctionnait évidemment pas. Puis plusieurs expériences au sein de l’école m’ont permis de réévaluer et de décomplexer ma pratique. Je pense notamment au groupe de recherche l’Intercalaire, mis en place par Lina Jabbour, Philippe Eydieu et Julien Sallé, qui explorait la question de la latence et de l’ennui dans une dynamique de travail. Ces moments de partage et ces réflexions m’ont  permis d’accepter et d’intégrer dans mon processus de travail les périodes où les choses ont encore besoin d’infuser, où il n’est pas encore l’heure de les formuler. L’accompagnement pédagogique a aussi été fondamental pour l’évolution de ma pratique, et pour comprendre que les formes plastiques pouvaient être en travail, et surtout qu’elles pouvaient être partagées comme telles. D’ailleurs, cette idée constitue toujours une base solide de mes recherches.

Et aujourd’hui comment vivez-vous ce rapport aux attentes de ce que doit être une « exposition » ?

En fait, j’ai arrêté de réfléchir à ces questions, car je n’ai pas l’impression que ce soit le bon schéma de réflexion. Ce qui me pousse à continuer à produire, ce sont évidemment les questions qui me portent, mais aussi l’envie de partager mon travail. Il est donc forcément influencé, orienté, nourri par les différentes personnes avec qui j’ai le plaisir d’en discuter, qu’ils fassent partie du champ de l’art ou pas. C’est un cheminement dans lequel je ne suis pas du tout seule. Donc pour moi, une exposition, c’est trouver la meilleure façon, formellement, de partager avec les visiteurs des questionnements autour de gestes, de matières, de formes. Des questionnements qui sont évidemment intimement ancrés au sein de préoccupations qui m’appartiennent, comme la question de la persistance, du travail lent, de la non-rentabilité, du végétal…

Et ce rapport au travail, à la latence, comment l’abordez-vous aujourd’hui ?

En tant que jeune artiste, il y a des milliers de façon de s’y prendre pour pouvoir continuer à exercer sa pratique, participer à des projets, rencontrer des personnes qui pourront accompagner le travail, permettre une visibilité. Ça peut être très laborieux parfois. De mon côté, il peut se passer de longues périodes où je ne suis pas du tout productive. D’ailleurs je n’ai pas une pratique très prolifique. Ce rapport à la latence m’a permis d’accepter ça et de ne pas me mettre trop de pression si je ne me sens pas bien dans mon travail, de ne pas forcer une production, et en conséquence, de profiter aussi des moments où je me sens mieux portée par mes réflexions pour passer plus de temps à l’atelier, à expérimenter.

 

Quel regard portez-vous sur ces cinq dernières années ?

J’ai fait beaucoup d’expériences qui m’ont permis de rencontrer des personnes passionnantes depuis ma sortie d’école. Certaines concernent ma pratique, d’autres mon engagement associatif. J’ai eu la chance d’être vite entourée de personnes très bienveillantes au sein des Ateliers et de Non-breaking space, qui m’ont intégrée dans une dynamique de travail, d’échanges, et surtout de partage de connaissances et de conseils sur toutes les choses qui composent le quotidien d’une jeune diplômée (l’échange autour du travail, comment réussir à partager ses préoccupations plastiques, les portfolios et dossiers de candidature, etc.). Ça a beaucoup joué sur ma façon d’appréhender un début de vie professionnelle en tant qu’artiste, et ça m’a permis de me positionner sur des questions de fond comme le travail, l’art et ses modes de diffusion, des questions financières, etc.

Du 19 septembre au 10 octobre 2020, la proposition « C’était peut-être hier » de Marjolaine Turpin sera visible à Off the Rail, au 44 rue du Port, à Clermont-Ferrand. 

https://marjolaineturpin.fr/

 

Portrait de diplômé·es / Florent Poussineau

Florent Poussineau obtient un DNSEP à l’ÉSACM en 2015. Fils de pâtissier, il poursuit ensuite son cursus par une formation Design & Culinaire à l’ESAD de Reims. Aujourd’hui, il est artiste et propose, à travers diverses expositions collectives et personnelles en France et à l’étranger, un travail à la croisée de la performance, la vidéo et l’installation, traversé par des explorations culinaires et un attachement aux métiers de bouche.

Exposition « Esthétique éphémère » à la galerie Premier Regard.

Quels sont vos projets actuels ?

En raison de l’épidémie de COVID-19, mes projets sont quelque peu chamboulés. Ce qui devait être présenté au printemps est déplacé à l’automne ou reporté à l’année prochaine. Ma prochaine exposition personnelle, «Transmission», sera présentée en septembre à la Maison des arts d’Aime, en Savoie. Suivra, de novembre à janvier, une exposition personnelle, « Sensibilité idéale », à l’École municipale des Beaux-Arts de Châteauroux. Puis une résidence au Palais des paris à Tokyo est programmée en début d’année prochaine, ainsi qu’une résidence-mission, organisée par le Centre d’art le Lait, dans le centre pénitencier d’Albi.

Quelles étapes ont le plus compté dans votre parcours ?

Tout a compté. Toutes les étapes méritent de compter, les erreurs comme les réussites, mais avant tout ce sont les rencontres qui m’ont le plus marqué. Une première exposition personnelle dans une galerie est une expérience mémorable, en particulier dans le cas où elle est accueillie à la galerie Tator, à Lyon, où Marie Bassano, Laurent Lucas et Félix Lachaize proposent une programmation d’artistes émergents. J’ai aussi vécu une première exposition personnelle dans une galerie parisienne, grâce à l’accueil de Laurence Fontaine et Laurence Poirel à la galerie Premier Regard. Cette exposition m’a permis de travailler ensuite avec Catherine Baÿ à The Window. Les voyages à l’étranger apportent aussi leur lot d’apprentissage concret du monde artistique. J’ai réalisé une résidence dans le sud du Japon, une autre à Beyrouth, une exposition personnelle dans une galerie new-yorkaise et également une résidence en Hollande. Organisée en collaboration avec Tair-Pair et SIGN à Groningen, cette résidence m’a permis de rencontrer Klaas Koetje (artiste plasticien et dirigeant de SIGN), qui est pour moi un fidèle allié et maître artistique.

Exposition « Générosité égoïste » à la galerie Tator

À quoi ressemble votre quotidien de travail ?

C’est un quotidien changeant qui n’a rien de routinier. Mon travail se divise en plusieurs étapes avec des intensités différentes. Un temps de recherche et d’élaboration de dossiers afin de candidater à différents appels à projets, et un temps de réflexion et création à l’atelier. En ce moment, je suis résident à la Fileuse, une friche artistique à Reims, et ces résidences sont le moment où les pièces pérennes sont mises en forme avant d’être déplacées dans les futures expositions, ou livrées à des collectionneurs. Pour le reste du temps, soit environ la moitié de l’année, je suis en déplacement, dans le cadre de résidences artistiques à l’étranger ou en France, ou pour monter mes expositions. La durée du séjour est souvent plus longue qu’un simple montage car je fais beaucoup de médiation artistique autour de mon travail. Ayant bénéficié d’une formation « culture et santé » organisée par la Direction régionale des affaires cultruelles (DRAC) et l’Agence régionale de santé (ARS), je propose des ateliers à des publics enfants, adolescents et leurs parents, mais également à des résidents d’EPHAD et des personnes en situation de handicap physique et/ou mental.

Cette formation « culture et santé » a-t-elle influencé votre travail ? 

Suite à une résidence-mission, la DRAC et l’ARS ont invité différents acteurs de la médiation artistique à réfléchir ensemble aux questions de l’environnement et de la transmission liées à la santé. Ce n’est pas de l’art-thérapie. Il s’agit simplement d’associer un artiste à une équipe soignante, pour faciliter l’expression et la compréhension artistique. Ces propositions s’adressent à ce que l’on appelle « les publics empêchés » pour lesquels l’accès aux lieux de diffusion de l’art est difficile, voire impossible, pour des raisons physiques, financières ou symboliques.

Ces expériences ont surtout marqué le rapport que j’entretiens à mon travail en me contraignant à en parler différemment, car ce public n’a pas de repères face à l’art contemporain, l’abstraction, la performance, etc. C’est une situation souvent complexe mais ces échanges sont enrichissants pour tous, car ils remettent en question le beau, l’utilité de l’art, la philosophie, l’architecture d’une peinture, etc.

Comment avez-vous commencé à vous intéresser aux enjeux de la médiation ?

Simplement par étapes, d’intervention en intervention, dès le début de mes études en classe prépa où l’on m’a demandé d’intervenir auprès de centres aérés pour réaliser des fresques collectives dans la ville de Châteauroux.

Toutes les galeries et centres d’art ne se trouvent pas dans des grandes villes, et leur but dans ce cas est de rendre accessible la recherche artistique à un plus large public. En zone rurale, il est très facile d’être soutenu et engagé pour ce type d’actions. Dans les grandes villes, les préoccupations vont être de démocratiser l’art, à des endroits où il est parfois resté élitiste.

Comment s’est passée pour vous la transition entre le diplôme et la vie professionnelle ?

Plutôt simple à dire, moins à réaliser. Il faut utiliser l’environnement offert par une école pour un début de carrière artistique. L’école est d’abord un lieu d’apprentissage, mais les personnes qui la composent font partie d’un réseau qui permet de provoquer des opportunités et des rencontres. Pendant les études, il faut se rendre aux vernissages, aller voir des expositions, visiter des ateliers. Il faut pleinement tirer parti des opportunités offertes à un.e jeune étudiant.e. Suite au DNSEP à l’ÉSACM, j’ai consacré une année à travailler sur un dossier de candidature pour le post-diplôme Design & Culinaire à l’ESAD de Reims. Parallèlement je partageais l’atelier de Corentin Massaux aux Ateliers du Brézet et je montrais le résultat de ce travail à La Cabine (espace de monstration et atelier à Clermont-Ferrand, fermé depuis). À la fin du post-diplôme, j’ai intégré la pépinière de l’ESAD de Reims et j’ai quitté mon emploi alimentaire pour prendre le risque de vivre du métier pour lequel j’ai fait six années d’études.

En quoi votre activité fait écho ou non à votre parcours et à vos choix lorsque vous étiez étudiant à l’ÉSACM ?

Mon activité professionnelle est intimement liée à cette école. J’espère que c’est toujours le cas. Lorsque j’étais étudiant à l’ÉSACM, il était possible pour des personnes qui n’avaient pas le baccalauréat de pouvoir intégrer le cursus. Ayant arrêté mes études à 15 ans, les Beaux-Arts ont été une véritable opportunité. Grâce à une dérogation accordée par Muriel Lepage, la directrice en 2010, j’ai pu présenter le concours et faire des études supérieures.

C’est durant la troisièmes année aux Beaux-Arts que mes premières recherches artistiques liées au domaine culinaire se sont développées, pendant un cours de volume dispensé par Roland Cognet et Stéphane Tidet. Puis le budget qui nous était alloué  pour le DNAP (aujourd’hui le DNA, Diplôme national d’art, Ndlr) m’a permis de créer dans l’atelier volume deux colonnes d’éclairs au chocolat, avec 500 éclairs pour la première et 1000 pour la seconde.

 

Quel est le rôle d’un artiste pour vous ?

Un artiste plasticien met en forme, plastiquement, une recherche philosophique, poétique ou une pensée. À la manière d’un chercheur ou d’un scientifique, il doit avoir une bonne connaissance des travaux réalisés précédemment par ses pairs, pour tenter de faire évoluer l’art, de le transmettre au plus grand nombre. Le métier d’artiste plasticien est complexe et demande beaucoup d’énergie, mais désormais je ne peux et ne veux plus rien faire d’autre.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Les envies sont variées. Ma préoccupation première est de continuer à produire une recherche artistique intéressante, continuer à rencontrer des personnes passionnantes et d’en apprendre plus sur les interactions sociales à travers le monde. En ce qui concerne les projets qui arriveront dans les prochaines années, il y a l’envie grandissante de devenir professeur en école d’art, et une série d’ouvrages en cours de rédaction. Ce ne sont pas les idées qui manquent et certaines envies qui deviennent concrètes procurent beaucoup d’émotions.

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Portrait de diplômé·es / Golnaz Payani

Golnaz Payani est née à Téhéran en 1986. Après une Licence en peinture obtenue à la Faculté d’art et d’architecture de Téhéran, elle entre à l’ÉSACM où elle obtient le DNSEP en 2013. Elle participe à des expositions personnelles ou collectives depuis 2011, en France (Paris, Clermont-Ferrand, Thiers, Toulouse, Châteauroux, Annemasse, Chanonat, Grenoble) et à l’étranger (Téhéran, Londres, New York, Turin).

Installée en France depuis 2009, elle développe une pratique ouverte où des médiums variés sont sollicités : film, vidéo, travaux sur tissus, installation, céramique, poésie.

Vue de l’exposition L’ombre des oasis, de Golnaz Payani à la galerie Praz-Delavallade Paris, du 14 novembre 2019 au 11 janvier 2020.

Quels sont vos projets ?

Ma première exposition personnelle à la galerie Praz-Delavallade à Paris s’est terminée début janvier. Cette galerie me représente depuis 2019. Je participe à une exposition collective en ce moment à la Manufacture, le musée de la broderie à Roubaix. Les autres projets sont suspendus à cause de la situation sanitaire actuelle.

Que vous a apporté cette première exposition personnelle ?

C’était une superbe expérience à plusieurs points de vue. J’ai bénéficié d’un vrai soutien de la part de presse, avec des articles dans Le Quotidien de l’art, Artforum, La République de l’art etc. J’aurais aimé faire plus de rencontres et avoir l’occasion d’échanger davantage avec les visiteurs, mais malheureusement cela n’a pas été possible à cause de la grève des transports qui a eu lieu pendant mon exposition.

Comment avez-vous été approchée par la galerie Praz-Delavallade ? À quelle occasion ces professionnels ont-ils découvert votre travail ?

En 2016, j’ai été sélectionnée pour participer au Salon de Montrouge, au Beffroi. Une exposition annuelle collective qui présente de jeunes artistes. C’est une exposition très importante, car elle est visitée par des professionnels du milieu de l’art contemporain, des galeristes et des collectionneurs. J’ai rencontré René-Julien Praz et Bruno Delavallade pour la première fois lors du vernissage de cette exposition. Nous avons échangé quelques mots et nos coordonnées.
Suite à cette rencontre, ils sont venus visiter mon atelier, et ils ont apprécié mon travail. Nous avons gardé contact et pendant deux ans ils m’ont régulièrement invitée aux vernissages des expositions organisées dans leur galerie. De mon côté je les invitais également à mes expositions. Puis en 2018 ils m’ont proposé de participer à une exposition collective dans leur galerie. Depuis nous travaillons ensemble.


Pouvez-vous nous parler de la relation entre un artiste et sa galerie ?

Comme dans beaucoup d’autres activités artistiques, ces types de coopération ne sont pas basées sur des lois écrites. Donc la relation d’un artiste avec sa galerie dépend avant tout des personnes. J’ai participé à quatre expositions avec cette galerie : deux collectives à Paris, une à Los Angeles, et une exposition personnelle à Paris. À chaque fois nous nous sommes très bien entendus, avec René-Julien Praz, Bruno Delavallade, et toute l’équipe de la galerie. Nous avons une belle relation professionnelle, amicale et courtoise.

Golnaz Payani à la galerie Praz-Delavallde en novembre 2019, en train de préparer l’exposition.
Oasis, 40 x 30 x 5 cm, papier, 2015.

À quoi ressemble votre quotidien de travail ?

Mon quotidien de travail ressemble exactement au confinement. Ce n’est sans doute pas le cas de tout le monde, mais pour moi c’est un métier solitaire. Parfois je ne vois personnes pendant plusieurs jours.
Je vais presque tous les jours à l’atelier, qui est en face de mon appartement, et j’y passe 7 à 8 heures par jour. À l’atelier, je travaille parfois à la mise en forme d’une idée, à des projets personnels pour lesquels je n’ai pas de date de présentation, mais qui font partie de mes recherches. Il y a donc souvent une part d’expérimentation dans ces projets. Parfois, je travaille sur un projet précis et concret, comme pour préparer une exposition. Mais il arrive aussi que pendant plusieurs jours je ne fasse qu’écrire des projets, des lettres de motivation et des dossiers de candidature.

L’atelier actuel de Golnaz Payani à Torcy

Pouvez-vous nous parler de l’après-école ? 

La transition pour moi s’est très bien passée.  J’ai eu la chance d’être soutenue par quatre organismes qui proposaient des appels à participation pour des expositions collectives réservées aux diplômés. Ces expositions ont été organisées à l’ÉSACM (Les  XV de France, Clermont-Ferrand, 2013), au BBB (Première, Toulouse, 2014), au Creux de L’enfer (Les enfants du Sabbat n°15, Thiers, 2014) et à Chanonat (Tropisme(S) #5, 2014).

Ces expositions m’ont permis de rencontrer des gens et de développer mon réseau professionnel. Mais ce qui m’a le plus accompagné dans cette progression, c’est ma motivation. Car il y a eu aussi des périodes creuses. Mais cela ne m’a pas empêché de continuer mon travail et de postuler à des projets d’expositions. C’est ce qui m’a permis de garder le moteur toujours allumé !
Bien entendu, même la meilleure volonté du monde ne suffit pas à payer les loyers parisiens ! J’ai aussi eu des jobs alimentaires.

Quels sont les liens entre votre pratique actuelle et votre parcours d’étudiante à l’école ?

Mon parcours est très cohérent avec la pratique que je développais à l’école. Je travaille sur les mêmes thématiques, je suis la même personne, avec la même volonté, les mêmes centres d’intérêts, les mêmes interrogations, mais avec sept ans d’expériences supplémentaires.

À mon avis, faire une école d’art est très important, voir primordial lorsque l’on a réellement la volonté d’exercer le métier d’artiste. Il y a beaucoup de débats à ce sujet, pour certains l’art ne s’apprend pas ! Mais selon moi, dans une école d’art nous apprenons surtout deux choses : à se situer dans l’histoire de l’art, et à se connaître, c’est-à-dire à comprendre de quoi nous avons besoin dans notre atelier, ce que nous pouvons faire lorsque nous n’avons plus d’idée, comment gérer le stress face aux présentations, etc. L’école est un plus, qui nous maintient sur les rails en même temps qu’elle accélère notre carrière.

Paysage avec du violet, vidéo, 15’27 », 2018. ( Conteur : Michel Cegarra. Musique : Nicolas Laferrerie)

Qu’est-ce qu’être artiste ?

Être artiste pour moi est un mode de vie. Celui qui me permet de rester curieuse. C’est comme un livre ouvert qui ne se ferme jamais. Mais cette ouverture à l’infini, si elle n’est pas pleinement consciente, peut devenir douloureuse. Pour la majorité des métiers, les gens candidatent pour un poste. Ils écrivent une lettre de motivation et un curriculum, et au bout de plusieurs essais, ils décrochent un travail. Le métier d’artiste ne permet pas de s’arrêter au bout de quelques essais. Le rapport au travail ne tend pas vers l’obtention d’un emploi, vers la stabilité. Il se renouvelle en permanence. C’est comme préparer une grande fête. C’est génial, excitant, enthousiasmant, mais il faut beaucoup d’énergie, de courage et d’ambition, avec le risque d’organiser beaucoup de fêtes ratées avant d’en réussir vraiment une.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Travailler à l’atelier, répondre à des appels à projets, agrandir mon réseau, changer l’échelle de mon travail, trouver une résidence aux Etat-Unis, lire les livres de Didi-Huberman, connaitre mieux Derrida et son idée de la « déconstruction » … continuer à être curieuse!

Golnazpayani.com

Le cercle et la forêt, 90 x 64 cm, Tissu et bois, 2019

Portrait de diplômé·es / Martin Belou, artiste

Diplômé du DNSEP en 2009, Martin Belou, artiste, travaille entre Marseille et Bruxelles. Dans cet entretien il évoque l’après-école, son parcours, ainsi que l’actualité de son travail, dont une exposition personnelle à la Kunsthalle de Gand en Belgique, deux expositions collectives, l’une au Palais de Tokyo, l’autre à la Tôlerie à Clermont-Ferrand.

Installation « Demain les chiens » au Palais de Tokyo, 2019 © A. Molle

Qu’est-ce qu’être artiste ? 

Être artiste, c’est pour moi, hors de considérations philosophiques, politiques ou poétiques, un travail. Il s’agit de développer, produire et montrer un travail, accessoirement de le vendre et donc de pouvoir vivre de celui-ci. Ça a l’air banal mais c’est vrai. Beaucoup de gens idéalisent ce qu’est un artiste, alors qu’il s’agit vraiment d’une profession, d’un« vrai » travail,  c’est concret. Même si il est particulier, je trouve important de rappeler cela.

Être artiste signifie aussi une manière de penser sa vie, travailler pour s’offrir la liberté de penser sa vie, amenant certes une marginalité, une certaine précarité aussi, une sorte d’urgence, qui si elle peut être parfois un peu fatigante, est aussi très stimulante et épanouissante.

À quoi ressemble votre quotidien de travail ?

Il s’organise autour de plusieurs temps. Celui de la recherche, du travail de conception dans l’atelier, de la production, des déplacements entre l’atelier, les collaborateurs, les visites des lieux des projets futurs, le suivi des projets, le temps de montage des expositions, l’échange avec les personnes impliquées…

Quelles sont vos projets en cours ?

Cette année était l’année la plus chargée en projets. Avec la crise du Covid tout cela est chamboulé. J’ai cependant la chance qu’aucun des projets prévus ne soient annulés, ils sont juste reportés.

Le projet le plus important est une exposition personnelle à la Kunsthalle de Gand en Belgique. Le lieu est immense, le projet très ambitieux, et les personnes en charge sont des gens que j’adore et avec qui j’ai déjà travaillé.

De manière générale, j’ai eu la chance jusqu’à présent de pouvoir développer des projets avec des institutions et c’est ce qui me plaît le plus, en terme de liberté de conception et de développement d’une idée. Le dernier projet de ce type est l’installation que j’ai réalisé pour l’exposition Futur ancien fugitif l’automne dernier au Palais de Tokyo.

Pendant que je préparais ce projet, je suis revenu à Clermont-Ferrand pour une proposition en deux parties, l’une dans La Chapelle des Carmes, et l’autre à la Tôlerie. C’était très intense car cela s’est fait presqu’en même temps que la production de la pièce pour le Palais, mais j’étais très heureux d’être invité à montrer mon travail à Clermont, dans des lieux que je fréquentais lorsque j’étais étudiant. 10 ans après la fin de l’école, cette invitation m’a beaucoup touché, et le projet développé m’a permis de comprendre de nouvelles choses sur mon travail. Je commence aussi une collaboration avec une galerie, ce qui est une autre manière de travailler mais tout aussi passionnante.

Je fonctionne un peu en vase communiquant, chaque projet en amène souvent un autre, tout comme une idée, qui germe quelque part pour se développer ensuite dans une nouvelle proposition. Et je dois dire que j’ai la chance d’être de plus en plus sollicité et de voir les moyens de m’exprimer s’élargir. Je prends donc chaque projet très au sérieux, qu’il s’agisse d’une grande exposition dans un lieu prestigieux ou d’une petite présentation de trois jours dans un project space. Je considère ça de la même manière car je sais que chaque opportunité de montrer son travail est une chance qui permet de le faire avancer, d’apprendre sur son travail et sur soi-même et qui permet donc in fine d’être artiste.
Chaque projet compte.

Garde Fou, 2019
© JC LETT

 

Pouvez-vous nous parler de l’après-école ? Comment organise-t-on la transition entre le diplôme et la vie professionnelle ?

Quand j’étais encore étudiant il y avait un cours donné par Odile Plassard qui s’appelait « Réalités de l’art » (cours qui existe toujours Ndlr) dans lequel intervenaient divers professionnels du monde de l’art, artistes, galeristes, commissaires etc, qui venaient nous parler de leur « réalité ».
Je me souviens avoir été marqué par les propos d’un intervenant : « Sauf quelques exceptions, avait-t-il dit, à la sortie c’est 10 ans de trou noir et vous pouvez vous arranger pour rendre ce trou gris… », ajoutant qu’il n’y avait pas de « marche à suivre ». Je dois dire que ce principe s’est vérifié, pour moi, et aussi pour pas mal d’amis autour de moi. J’ai fait plein de choses différentes après l’école et, en étant sorti très jeune, j’ai pris le temps de comprendre et de développer ce que je voulais vraiment faire avant d’arriver à ce qui est aujourd’hui mon travail.

Je dirais qu’il n’y a effectivement pas de marche à suivre, que c’est assez différent pour chacun et que, quels que soient ses choix de vie, cela prend du temps. Malgré tous ses efforts, je crois que l’école d’art ne peut pas vraiment préparer à ce qui se passe après. Elle peut armer, aider, mais la transition entre le diplôme et la vie professionnelle dépend de tellement de facteurs subjectifs – le lieu où l’on se trouve, les gens que l’on rencontre, la chance aussi etc. – qu’elle dépend donc de chacun. La seule chose que j’ai pu « vérifier » chez beaucoup de mes amis sortis d’école d’art c’est qu’en effet, ça prend du temps ! Je crois que c’est normal car une carrière d’artiste c’est quelque chose qui demande du temps, qui doit prendre du temps, et je vois vraiment tout ça comme une course de fond, intimement liée à sa propre vie.

L’école est un lieu formidable et assez unique en son genre qui permet de comprendre sa propre subjectivité et qui nous pousse à affirmer ou chercher qui l’on est vraiment, qui laisse de la place pour se poser ces questions, et où l’on rencontre des gens formidables. Que l’on devienne artiste ou non, je crois que c’est un lieu et un moment fondateurs.
Hors des techniques et des choses que l’on apprend, le processus qui s’enclenche à l’école se poursuit bien longtemps après. Mon travail a formellement énormément changé entre ce que j’ai pu présenter lors de mon DNSEP et ce que je fais aujourd’hui, il investit des champs et des techniques complètement différentes, mais il n’a pas rien à voir, les idées, les questions que j’ai pu developper au sein de mon cursus y sont toujours présentes en filigrane. Je dirais que l’école et ce qu’on y apprend agissent comme un déclencheur, et c’est à chacun de venir ensuite enrichir, pousser ou non ce qui s’y déclenche.

Objetcs love and patterns © Michiel de Cleene

 

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Portrait de diplômé·es / Diane Cornu, horticultrice papier

Diplômée du DNA en 2012 à l’ÉSACM, Diane Cornu a monté son entreprise et développé une technique unique et personnelle, celle de l’horticulture papier.

À l’atelier © Vanessa Madec

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre technique ?

L’horticulture papier est née de la rencontre entre une matière, le papier, une technique ancienne et un regard sur la nature.

Une partie de mon travail repose sur le détournement de techniques utilisées chez les paruriers floraux,  un métier de la haute-couture développé en France de la fin du XVIIIème au début du XXème siècle et aujourd’hui en voie de disparition. Il s’agit d’imiter la nature grâce à des outils comme les emporte-pièces, les bouliers ou encore les gaufriers. J’attache une importance toute particulière à la conservation de cette discipline.

Inspirée par des techniques et un savoir-faire artisanal, mais m’inscrivant dans une démarche contemporaine et artistique,  je n’ai jamais vraiment trouvé ma place ni dans l’art, ni dans le design, ni dans l’artisanat. C’est sans doute pour ça que j’ai inventé ma discipline, ainsi que le nom de mon métier. Je me suis donc définie comme horticultrice papier.

Avez-vous entamé cette pratique dès vos années à l’ÉSACM ?

J’ai entamé cette pratique en cours de quatrième année à l’ÉSACM, je venais d’avoir mon diplôme de DNAP (aujourd’hui appelé DNA, N.D.L.R.). À l’époque j’avais une démarche artistique orientée vers le Land Art. Je m’intéressais aux processus de création dans la nature, aux formes fractales, au nombre d’or, à tout ce qui pouvait matérialiser ou expliquer la complexité et la beauté du monde végétal. Mes artistes de référence étaient alors Giuseppe Penone, Herman de Vries ou encore Andy Goldsworthy.

Je suivais les cours d’impression et d’édition de Cécile Monteiro-Braz. Cette artiste et enseignante a influencé ma façon de créer mais aussi de montrer mon travail. Avec elle j’ai découvert le souci du détail, l’importance du contexte de monstration, mais surtout j’ai appris à apprécier le papier comme une matière, et non plus comme un simple support. J’ai alors décidé de réaliser un stage chez Jean Michel Letellier et Miki Nakamura, deux artistes qui m’ont appris à fabriquer le papier avec les techniques traditionnelles et japonaises.

L’école m’a permis de comprendre que je pouvais créer et détourner des techniques à ma façon. J’ai trouvé comment donner du sens à mon travail, qui peut paraître au premier abord simplement visuel ou décoratif, pour y insuffler l’histoire que je veux lui faire raconter.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours à la sortie de l’école ?

J’ai quitté l’ÉSACM en cours de quatrième année. J’avais du mal à définir ma pratique qui s’apparentait alors plus à de l’artisanat. Je créais des objets pour un usage précis, en convoquant des savoir-faire. J’avais l’impression d’être en porte-à-faux avec les principes esthétiques d’une école d’art.

J’ai alors cherché à suivre une formation de parurier floral afin d’améliorer ma technique. Mon profil a tout de suite retenu l’attention d’une des deux dernières grandes maisons françaises spécialisées dans la confection de fleurs en tissu pour la haute-couture. J’ai donc passé des essais en atelier pour être « petite main », un travail répétitif qui consistait à découper, former et assembler des pétales toute la journée. Il s’agissait plus de faire que de créer. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que je ne pouvais pas me défaire de l’intention. J’ai donc monté mon entreprise très rapidement, ce qui a marqué le début d’une longue aventure sinueuse et enrichissante.

Dans un premier temps j’ai d’abord développé un marché autour du mariage. Mes créations étaient alors essentiellement des accessoires cheveux ou bouquets. Ensuite j’ai décidé d’élargir ma cible en proposant mes créations aux particuliers. J’ai rapidement eu envie de renouer avec mon passé en créant des pièces beaucoup plus volumineuses, investir l’espace. Je me suis donc mise à travailler pour des professionnels en créant des scénographies pour des shooting ou des décorations de vitrine de magasin de luxe. Mes partenaires, interlocuteurs, commanditaires, sont des personnes qui aiment avant tout la nature, la poésie et le savoir-faire.

À quoi ressemble votre quotidien ?

Je n’ai pas vraiment de journée type. Depuis que je suis à Toulouse je cumule mon travail d’horticultrice papier avec un travail alimentaire de serveuse. Mon quotidien depuis deux ans a été uniquement rythmé par ces deux emplois, une charge de travail très prenante et chronophage, mais qui me permet aujourd’hui d’envisager atteindre mon objectif premier, pouvoir vivre de ma passion.

Certaines journées je fabrique, d’autres je communique sur mon travail,  je monte des dossiers de subvention, je participe à des shooting, j’imagine de nouveaux modèles, je suis sur des salons pour promouvoir mon travail, je me transforme en comptable ou je suis en soirée pour agrandir mon carnet d’adresse. Parfois c’est la page blanche, parfois je reçois des futurs mariés ou encore je réponds à une interview pour mon ancienne école d’art. Bref vous l’aurez compris les journées se suivent et ne se ressemblent pas.

Un projet en particulier ?

J’ai eu la chance de travailler avec l’Atelier Swan, un duo de créatrices de robe de mariée, à la conception d’une scénographie pour le shooting de leur collection 2020. Un projet grandiose, 13 000 pétales assemblés et suspendus sur presque 1 demi kilomètre de file pour former un couloir de pétales. Et surtout une vingtaine de bénévole prêt à m’aider pendant deux mois pour que cette idée folle prenne forme, une véritable expérience humaine. Plus qu’un simple objet à contempler, l’idée était de modifier les échelles afin que le spectateur vive une véritable expérience sensorielle. Ce projet à vraiment marqué un tournant dans mon travail et ma carrière.

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Portrait de diplômé·es / Mathieu Sellier, régisseur à la Galerie Perrotin, Paris

Diplômé du DNSEP en 2006 à l’ÉSACM, Mathieu Sellier avait cultivé pendant son parcours une grande diversité de pratiques et de techniques. Après un passage chez le galeriste Yvon Lambert, il officie en régie d’œuvres à la galerie Perrotin, une galerie parisienne au rayonnement international.

En quoi consiste ton activité ?

Je suis Régisseur Sénior à la galerie Perrotin depuis 5 ans. Ce qui veut dire que je m’occupe de l’accrochage des œuvres, de leur restauration, de la gestion des stocks, et mille et une autres activités techniques liées à une structure de cette envergure.
Je travaille avec tout type d’œuvres, des peintures, des sculptures, des installations, des vidéos…

Cette galerie a plusieurs antennes, notamment aux États-Unis et en Asie. Mes activités se concentrent surtout à Paris, où je me déplace chez les collectionneurs qui ont acheté des œuvres à la galerie, pour assurer leur transport et leur installation. On expose aussi dans différentes foires européennes, à Genêve, Bâle, etc. Donc en fait mon quotidien s’articule entre les retours des œuvres qui étaient exposées, les préparations des prochaines expositions, des foires, les installations chez les acheteurs…

Avant ça j’avais passé 3 ans en tant que régisseur à la galerie Yvon Lambert à Paris, jusqu’à sa fermeture en 2014.

Est-ce que les questions liées à la régie d’œuvres avaient déjà traversé ton parcours à l’école ?

Pas du tout, c’est venu totalement après. À l’école, mon objectif était d’être riche de la plus grande diversité de techniques possibles, pour être justement libéré de toute considération technique pour réaliser ce que j’avais en tête. Pendant tout le cursus et jusqu’au diplôme, j’ai utilisé dans mon travail à la fois la photo, la vidéo, la sculpture, la peinture, l’installation… J’ai essayé d’être assez autodidacte. L’école met à disposition une très large palette d’outils et d’équipements techniques, j’ai essayé de m’en emparer et d’expérimenter.

Avant le diplôme, je n’avais pas du tout pensé à l’après-école, ou anticipé le fait de travailler en tant que régisseur.  Très rapidement ma priorité a été d’être indépendant financièrement, et je savais qu’être artiste n’était pas ce qui le permettait le plus facilement. À la sortie de l’école, une de mes enseignantes en culture générale m’a recommandé pour un poste d’assistant d’artiste à Paris. C’est aussi en ça que le relationnel est très important. J’ai fait ça pendant un an, puis je suis devenu régisseur indépendant. J’ai retravaillé avec l’école d’art, qui avait depuis mis en place un calendrier d’expositions assez dense, pour lesquelles j’assurais la régie.

Parviens-tu à réserver encore un peu d’espace à ta pratique d’artiste ?

Pas vraiment, ou très peu. Il m’arrive de refaire du dessin, de la décoration d’intérieur ou un peu de design. Mais je ne suis pas malheureux de ne pas avoir de pratique. Je travaille dans une galerie très active, je passe mes journées au milieu des œuvres. C’est un métier où l’on est très sollicité, en terme d’investissement et de temps, et aussi physiquement. Mais il permet d’avoir un rapport différent aux œuvres, de les toucher, et d’une certaine manière de se les approprier.

Portrait de diplômé·es / Marie-Camille Dodat, bricoleuse d’objets, étalagiste, directrice artistique

Marie-Camille Dodat, diplômée du DNSEP en 2015 à l’ÉSACM, imagine et prépare dans son atelier clermontois les vitrines des  32 boutiques de la marque Tartine et Chocolat à travers le monde.

Marie-Camille Dodat, bricoleuse d’objets, étalagiste, directrice artistique.

Comment s’est passé l’après-diplôme ?

Pendant les 4e et la 5e années à l’école, je me suis beaucoup intéressée au design. Pour participer au financement de mes études, je concevais des vitrines pour quelques boutiques clermontoises. Quand j’ai eu mon diplôme, j’ai eu envie de travailler pour une grosse entreprise, en tant que directrice artistique. J’ai cherché un stage à Paris, et j’ai été engagée comme assistante identité visuelle et coordination des vitrines pour la marque Tartine et Chocolat. Ce qui veut tout et rien dire. J’étais devant un ordinateur toute la journée à gérer les stocks, le matériel, réfléchir aux aspects techniques. Mais ce qui m’intéressait c’était de créer, et j’étais exaspérée de voir tout l’argent dépensé dans certains dispositifs alors que j’étais persuadée de pouvoir trouver des solutions poétiques et bien plus économiques ! Alors à la suite du stage, je me suis mise à mon compte. Depuis, en tant que directrice artistique, je crée les décors de 32 vitrines par mois, pour 15 boutiques Tartine et Chocolat en France, en Europe, et dans le monde.

Vue d’atelier.

 

Quelle place pour une créatrice dans le monde de l’entreprise ?

On représente une vraie valeur ajoutée. On arrive avec un regard différent, personnel, et on a un certain sens de la débrouillardise. On développe des compétences manuelles, un sens esthétique, une sensibilité à la couleur, aux matériaux, aux textures, et en ça, on y a vraiment notre place. Je travaille aussi pour d’autres types de commanditaires, pour une marque de lingerie, et depuis décembre 2019 pour la compagnie Air France. J’ai réalisé un décor pour l’espace international des salons Air France. C’était un travail qui touchait presque à l’architecture d’intérieur, et qui me demandait de composer avec un cahier des charges très différent, très normé. Et là aussi, c’est tout un autre monde, dans lequel on a aussi besoin de gens comme nous. J’étais surprise qu’ils soient séduits par un petit décor, léger et délicat comme je le pratique, et qu’ils s’y identifient. Ma proposition était en place pendant tout le mois de décembre, et on envisage de nouvelles collaborations.

 

La céramique, une pratique découverte à l’école et toujours développée depuis.

En quoi ton activité s’inscrit-elle dans une cohérence avec ton parcours à l’école d’art ?

Dans les écoles supérieures d’art, on apprend à être autodidacte, et à ne rien s’interdire. Si on veut créer une table, couler du goudron, on apprendra en expérimentant. Ce qui fait de nous des touche-à-tout. Quand je me suis installée comme créatrice indépendante, je me suis rendue compte que, seule, je pouvais faire une photo calibrée, j’étais capable de tailler un morceau de bois, de monter du placo, bref, j’étais un vrai couteau suisse, avec une culture du tout-terrain. Et ce travail là, je l’ai composé.

Des vitrines toujours conçues avec un an d’avance.

À quoi ressemble ton activité quotidienne ?

Mon quotidien s’organise entre Clermont et Paris. La majorité du temps, je travaille dans mon atelier, en centre-ville, à Clermont. Et deux fois par mois je vais trois ou quatre jours à Paris. L’équipe me présente les vêtements conçus par les stylistes, je propose une planche de tendances, des prototypes, et si ils sont validés, je rentre à Clermont et me lance dans la production. Une fois que les 32 décors sont prêts, on les emballe, on rédige un cahier technique et des consignes de montage, et les colis partent dans différentes boutiques à travers le monde. Tous les décors des boutiques France et monde de Tartine et Chocolat naissent dans mon atelier, à Clermont-Ferrand.

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