Journées d’étude « Je suis rentré chez moi »

Journées d’études « Je suis rentré chez moi »
11 mai et 12 mai 2017

« Je suis rentré chez moi. » C’est par cette formule unique que Duchamp annonce par voie postale, en mai 1940, qu’il a été forcé de quitter Paris. Entraîné dans l’un des exodes les plus massifs de l’histoire française, l’artiste considère l’exil comme sa nation, son foyer. Ces quelques mots représentent le point de départ d’une recherche sur la persistance de cet esprit d’expatriation dans les pratiques artistiques contemporaines.

Les journées d’étude des 11 et 12 mai 2017, ouvertes au public, sont organisées par un nouveau groupe de recherche qui engage depuis octobre une réflexion sur cette question de l’exil en territoire artistique. Elles permettent de penser avec des artistes et des théoriciens ce que ces déplacements font aux formes et de saisir, dans un monde tout aussi violemment globalisé que replié sur ses frontières et ses identités, comment cette question peut être pensée dans son actualité.

Le groupe de recherche :
Zainab Andalibe, Chloé Digard, Matthieu Dussol, Charles Duval, Christophe Fiat, Samira Ahmadi Ghotbi, Nicolas Kozerawski, Michèle Martel, Camille Varenne

Les invités :
Mandana Covindassamy, Isabelle Ewig, Michel Gaillot, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Katrin Ströbel et Mohammed Laouli, Vassilis Salpistis

 

Programme :

Jeudi 11 mai, 17h
– Projection de « Ismyrne », film de Joana Hadjithomas & Khalil Joreige (en présence des artistes)

Vendredi 12 mai,
9h-12h
– Introduction
– Mandana Covindassamy (maître de conférences en littérature allemande, École normale supérieure) : W.G. Sebald, une écriture en déplacement
– Michel Gaillot (philosophe) : L’épreuve du déracinement (ou l’identité césurée)
– Katrin Ströbel et Mohammed Laouli (artistes) : Se déplacer – Frontières fluides et autres projets
– Modération

14h-17h
– Vassilis Salpistis (artiste) : Agent double
– Isabelle Ewig (maître de conférences en Histoire de l’art contemporain à l’Université Paris-Sorbonne) : Kurt Schwitters en exil. « On peut encore une fois recommencer ! »
– Christophe Fiat (écrivain) : J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme
– Modération/conclusion

Journées d’étude (tentative de rapprochement)

Après avoir filmé pendant deux ans les usines Michelin, le groupe entreprend de questionner un nouveau territoire : celui du centre de formation au rugby de l’ASM. Ce travail révèle diverses mécaniques communes liées à l’apprentissage, à la transmission, aux gestes.

La journée d’étude du 9 mars 2017 a mis en relation le vocabulaire, les règles et la mythologie du rugby avec les étapes de la construction d’un film, confrontant, notamment, différents regards aux images récemment tournées lors d’entraînements. Pensée tel un scénario, elle s’est déroulée autour d’un fil rouge, la passe, et en plusieurs chapitres : le plaquage, la mêlée, la touche, le maul, l’essai et la transformation.

Avec :
Rémy Héritier (chorégraphe et danseur),
Freddy Maso (directeur sportif de l’Association Sportive Montferrandaise - Clermont Auvergne),
Lucia Sagradini (sociologue) ;
et des entretiens filmés d’Yves Citton (théoricien) et Nathalie Quintane (écrivaine).

Un Film infini (le travail)

Exposition Un film infini (le travail),
Chapelle de l’ancien hôpital général de Clermont-Ferrand,
du 27 avril au 7 mai 2016

Pour cette exposition dans la Chapelle de l’Ancien Hôpital Général, les œuvres présentées ont été produites à partir des deux années de tournage dans les usines du Groupe Michelin à Clermont-Ferrand et à Shanghai.
Cette exposition conçue comme on penserait un film, agence, selon l’idée du montage cinématographique, des matériaux de différentes natures que le spectateur, par sa visite, peut agencer à sa guise. Dans ce lieu qu’est la chapelle, l’espace était divisé en quatre parties, un accueil proposant les archives du programme de recherche, un espace dédié aux éditions, un autre mettant à disposition des casques audio, et la salle de projection du film.

Les Voies des pistes

Exposition Les Voix des pistes
Site Michelin de Cataroux, Clermont-Ferrand,
du 18 au 28 février 2014

Première exposition du programme Un Film infini (le travail), Les Voies des pistes faisait suite à un workshop à l’usine Cataroux en octobre 2013.

Avec : Céline Ahond, Barthélémy Bette, Matthieu Dussol, Pierre Frulloni, Gaëtan Larant, Leila Portalier, Alex Pou, Sarah Ritter, Alice Pouzet, Rémy Tardieu.

 

Collages en France

Collages en France est un programme de recherche qui s’est déroulé entre 2012 et 2013.
Ce projet s’est constitué à partir de la figure du cinéaste Jean-Luc Godard et d’un voyage. Faire un voyage de recherche exactement comme on construit un film. En écrivant le scénario par étapes, en fonction des évènements, en fonction des situations mises en place, des rencontres, des villes, et des paysages, c’est à la fois avoir un but (le lointain) et en même temps être à l’écoute du voyage, des paysages traversés, rencontrés, arrêtés (le précis).

 

Les Espaces des paysages – premier temps, quatre mouvements

« Les espaces des paysages – Premier temps, quatre mouvements inaugure la série de publications témoignant des activités de recherche menées au sein de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole.
Développée à partir des expériences et des acquis de l’Arc «Paysage» dont une précédente publication dressait un inventaire provisoire, la thématique de recherche des «Espaces des paysages» s’est révélée être un vaste et généreux territoire de réflexion, où les enjeux artistiques croisent les problématiques culturelles et sociales, économiques et politiques.
Il était nécessaire et opportun, au terme de ce «premier temps», de réunir la totalité (ou presque) des contributions des nombreux intervenants aux quatre journées d’études – «quatre mouvements» – organisées depuis 20103. Sont venues s’y glisser les propositions d’enseignants-artistes et d’étudiants de l’école : propositions qui enrichissent le propos général de cet ouvrage dont elles croisent les perspectives ; et qui démontrent «en acte» ce qui constitue la recherche telle qu’elle est envisagée à l’ESACM – à savoir que «la recherche en art» peut aussi (et d’abord) prendre la forme d’œuvres à part entière.
Cette publication dresse donc un premier bilan de l’état de la recherche portant sur les paysages ; elle est évidemment un vecteur de diffusion de ses contenus, et constitue le socle de référence pour les perspectives qu’il nous reste à explorer. Elle offre une somme conséquente autant qu’hétérogène, tant par les personnalités qui y ont contribué (artistes et théoriciens d’horizons divers…) que par les sujets abordés et les angles d’approche retenus, empruntant à l’histoire de l’art, la géographie, la philosophie politique, les post-colonial studies, et les pratiques artistiques, leurs méthodes, leurs langages et leurs formes. »

Cédric Loire

Vega

Retour à Marfa, un an après. Impression d’un retour à la maison (même si l’équipe est en grande partie renouvelée) tant la ville demeure semblable à elle-même — tranquille îlot de résistance au désert qui l’entoure. Lieux et visages connus, amis ou qui le deviennent bientôt. Marfa, cette fois ultime étape d’un périple dans l’Ouest américain. Départ dans l’air immobile d’un après-midi tiède au pied des Watts Towers. Derrière nous bientôt le soir baigné par les amples rouleaux du Pacifique, sous la jetée de Santa Monica. Derrière nous le petit matin encombré des bretelles autoroutières. Franchi le col des San Gabriel Mountains, l’Interstate 15 file droit dans le désert nord californien du Mohave.
Escale à Shoshone, avant la descente au cœur de la Death Valley — plus de 80 mètres sous le niveau de la mer. Paysage aride, salé, désespérant — Badwater — solitude infinie. Soleil couchant sur Zabriskie Point ; hôtel perdu en bord de route. Dunes solitaires d’un sable dont la présence semble relever de l’anomalie géologique. Loin après Ubehebe Crater, au bout de la piste, des pierres mouvantes tracent, sur le fond d’une ancienne mer, des sillons dans la boue qui, durcie, les fossilise — mais pleut-il seulement parfois ?

Les plaines fertiles…
Les vallées n’existent pas.

C’est en quittant le désert que surgit le mirage — fata morgana. Lueur étrange derrière les crètes… la nuit disparaît. Ciel électrique.

Entertainment et paranoïa : faune de zombies accrochés à des bandits-manchots cliquetant et clignotant, à la dérive sur Fremont Street ; paysages en négatif — invisible Zone 51, évidée la montagne aux yuccas. À quelques miles, la Virgin River que surplombe une tranchée en ruines.

Le chaos géologique de la Valley of Fire — des morceaux de temps basculés, jetés là. Le perpétuel présent sans profondeur du Strip — une illusion de plus — ghost-town en sursis. Lieu de nulle part (et de partout à la fois, si l’on en croit l’architecture) ; peut-être un bel endroit pour une rencontre, une histoire, l’Histoire. Une femme, forcément (cinéma). Ou une déesse bâtisseuse. Ou une étoile lointaine. L’histoire du monde. Un mythe. Un homme aussi. Ou tous les hommes peut-être, ou alors aucun d’eux vraiment. L’histoire des Etats-Unis. Un mythe.

Et sous la Stratosphere, l’eau — silencieuse

Lost Horses

Printemps 2012. Quatre étudiants et trois enseignants de l’École Supérieure d’Art de Clermont-Métropole partent pour Marfa, dans l’ouest du Texas. Sur les traces de Donald Judd. Motivé à la fois par la présence à Marfa d’artistes en résidence, par l’existence des fondations Judd et Chinati, ce premier séjour dans cette région est aussi — surtout ? — animé du désir de partager l’expérience du désert.

C’est une équipe de recherche qui se retrouve là, sillonnant la région des heures et des jours durant, dans une voiture devenue laboratoire mobile, d’El Paso à Big Bend State Park, de Fort Davis à Candelaria, de Pinto Canyon Ranch à White Sands, Nouveau Mexique. Chacun est là pour poursuivre et nourrir son propre travail ; pour tenter de concrétiser un projet. Chacun mesure aussi combien la rudesse du pays, la puissance des paysages, sont à même de le tenir en échec — mais cette sorte d’échec qui vaut plus qu’une réussite, car les choses s’en trouvent profondément déplacées, rétablies dans leurs rapports d’échelle et de force. Ces projets constituent l’amorce d’un projet collectif qui s’impose bientôt : un film.

Pas un film documentaire, ni même un récit de voyage : plutôt une forme de recherche — une forme en recherche. Un film tourné dans une région vue et vécue dans le long travelling avant de la route et de la marche. Un film qui restitue moins le déroulé objectif des événements qu’il ne s’offre comme un partage d’intensités. Un film sur, dans, des paysages déjà cinématographiques. Un film nourri de cette ambivalence entre le sentiment de « déjà vu », l’imaginaire collectif que le cinéma, justement, a contribué à façonner, et l’expérience vécue, le choc du retour sur soi qu’impose le désert. Sur les traces de Donald Judd, c’est peut-être d’abord à la recherche d’eux-mêmes qu’ils sont partis.

Cédric Loire