Louma Morelière

Il ne s’agit pas de démunir un volume,
il s’agirait plutôt de construire une nouvelle forme.
Le retrait est nécessaire,
il permet de concevoir un espace qui se détache, privilégié.

Un « espace-forme »,
un espace à angles,
les angles me rassurent.

Il ne s’agit pas d’empiler des objets,
il s’agirait plutôt de créer de la matière.
Strate par strate, un dessin se profile.
Le temps est nécessaire,
il transforme la légèreté d’une feuille de papier en un dense édifice.

Alice Pouzet

« Dans l’horizon de l’infini,
– Nous avons quitté la terre et sommes montés à bord !
Nous avons brisé le pont qui était derrière nous, – Mieux encore, nous avons brisé la terre qui était derrière nous !
Eh bien ! Petit navire, prend garde ! À tes côtés il y a l’océan : il est vrai qu’il ne mugit pas toujours, et parfois sa nappe s’étend
comme de la soie et de l’or, une rêverie de bonté.

Mais il viendra des heures où tu reconnaîtras qu’il est infini et qu’il n’y a rien de plus terrible que l’infini.
Hélas ! Pauvre petit oiseau, toi qui t’es senti libre, tu te heurtes maintenant aux barreaux de cette cage ! Malheur à toi, si tu es saisi du mal du pays de la terre, comme s’il y avait eu là plus de liberté,
– Et maintenant il n’a plus de « terre » ! »

Extrait du Gai savoir, F. Nietzsche

Leslie Pranal

Extrait
« Aujourd’hui t’es partie, tu déambules et tu ne reviendras peut-être jamais. Tu découvres des choses.

D’ailleurs tu te demandes pourquoi tu prends toujours autant de choses avec toi, pourquoi à chaque fois que l’on part on doit automatiquement s’environner de choses, comme s’il fallait que l’on se sente accompagné.

Tu penses à ta famille, à ce qu’ils font à ce moment précis, tu les connais bien, ils te connaissent peu. Tu pourrais décrire ce qu’ils font exactement sur une semaine.

Comme s’ils devaient se raccrocher au temps.
Ils ne veulent pas le perdre, ils ne veulent pas le gâcher.

C’est peut-être pour ça que tu voulais partir.

En regardant en arrière tu te rends compte que tu l’as toujours gâché.
Tu ne sais pas choisir.
Tu te lasses vite de tout.

Ton programme c’est l’aventure.»

ÎL, Grand Atelier, Esacm, Avril et Juin 2014, 25 minutes environ, Vues de l’installation live.

Narrateur : Ludivine Fanton
Auteur : Leslie Pranal
Son : Gaëtan Larant
Ouvreur : Mattieu Dussol
Performeurs : Kevin Desbouis, Mohamed (la tortue), Louise Porte, Alice Pouzet, Valentine Ridde, Sarah Vigier
Vidéo : Antoine Barrot
Photos : Marina Guyot, Solène Simon

lesliepranal.com

Caroline Romain

Si un lieu est une portion d’espace déterminé, alors, au contraire, il devrait exister des portions d’espaces indéterminés. On les appellerait alors, d’une manière logique, des non-lieux. Ils n’auraient pas de matérialité propre, ni de forme particulière. Ils seraient des masses mouvantes qui apparaissent, disparaissent, reculent et se fondent dans le décor.
Ils seraient invisibles, cachés, délaissés, traversés. Jamais vraiment habités. Ils seraient en bord de, en marge de. Ou bien ils seraient fabriqués. Inventés. Ils seraient aussi vivants, en attente de passage. Ils auraient en eux le désir de garder des traces, des êtres, des sensations, des émotions. Ces non-lieux rendraient alors complexe notre vision du paysage. Comment, où et quand se situerait le passage qui permettrait de basculer des lieux aux non-lieux? (…)

Rémy Tardieu

« Une images brouillée, le bip d’un minuteur sont captés, ils deviennent notes, instruments, matières.
Chaque silences se transforment en douce mélodie « noise ».
Traversé par divers influences musicales tels que la musique narrative, ethnique, électronique et expérimentale, les répertoires sont découpés, montés et sont l’âme des installations d’une personnalité discrète au travail bruyant.
Des esthétiques urbaines, grinçantes sont souvent les supports d’un voyage entre les formes où le son, nourrit de différents paysages, de différentes ambiances, devient outils plastique à part entière. »

Armance Rougiron

Zohreh Zavareh

Dialogue extrait de la pièce – Sans titre, 2014
Une lampe, un arrosoir, un tuyau, une horloge
Objets et dispositif sonore.


L’arrosoir : Le vent l’a emporté
Le tuyau : Vraiment, je me souviens. Tout y était jusqu’à ces derniers temps.
La lampe : Alors pourquoi il ne nous a pas emportés ?
Le tuyau : Comment tu sais qu’il n’est plus là ?
L’arrosoir : C’est pourtant clair, auparavant, quand il pleuvait, quand la terre se mouillait, son odeur se répandait partout. Maintenant, ça ne sent plus rien.
La lampe : Alors, où s’infiltre l’eau de pluie ?
L’arrosoir : Le vent l’absente
Le tuyau : On est où ?
La lampe : là

Le quatrième mur, exposition des diplômés 2014

Le quatrième mur, exposition des diplômés 2014
du 1er au 31 octobre 2014

Avec : Alessandra Abruzzese / Charlène Bogani / Pierre Frulloni / Alice Jouhet / Claire Goncalves / Mélaine Guitton / Marina Guyot / Zohreh Haghir Zavareh / Tatiana Labat / Cédric Leclercq / Corentin Massaux / Louma Morelière / Alice Pouzet / Leslie Pranal / Caroline Romain / Rémy Tardieu
Commissariat : Guillaume Constantin

Cette année, le commissariat de l’exposition des diplômés a été confié à Guillaume Constantin, artiste dont la pratique interroge depuis une dizaine d’années les notions d’appropriation, de recyclage, de détournement et autres déplacements, transformations voire déformations. L’artiste a conçu un dispositif inédit avec les 16 jeunes artistes ayant obtenu leur DNSEP grade master en juin 2014. Outre l’exposition, une édition a été produite mettant à l’œuvre le parti pris scénographique et le travail de chaque artiste.

Le quatrième mur est une expression et un concept issus du théâtre. Il désigne un mur de l’espace scénique qui disparaît pour laisser le public devenir spectateur.  Dans ce cas, les acteurs continuent à jouer comme si ce mur invisible serait présent, les séparant des spectateurs. Ce concept de mise en scène, formulé par Denis Diderot et développé tout au long du XIXème siècle sera très questionné, voire même « brisé » à un moment donné par Bertold Brecht.
Cette question de point de vue au sens large hante la question scénographique, non seulement au théâtre mais aussi dans le cadre muséal et celui de l’exposition. Elle induit toutes les nuances qu’imposent la lisibilité des œuvres, leur rapport à l’espace, la présence du visiteur : son parcours, l’orientation du regard, de ses perceptions.

De murs invisibles, il en est aussi question dans l’espace d’exposition de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole, un espace vitré, translucide qui n’en est presque plus un. Les coursives de part et d’autre de ce hall sont également vitrées et sont des espaces de déambulation. Elles s’offrent aussi à un regard extérieur au bâtiment lui-même. Des conditions spatiales induisant une réflexion forte à poser dans l’idée d’y insérer un ensemble de travaux de diplômes.
Sous forme d’un workshop d’une dizaine de jours, cette réflexion sera envisagée en un dialogue très rapproché avec les ex-étudiants de 5ème année tant dans l’interrogation des enjeux contenus dans leurs propositions que dans les possibilités et la fabrication de mises en espace.  Un exercice qui englobe toutes les problématiques afférentes à un commissariat d’une exposition collective ainsi qu’un des pans de la pratique artistique de Guillaume Constantin qui, telle ce « quatrième mur » invisible, vient se poser comme l’ossature et le soutènement d’un corpus d’œuvres mises sous verre.