Portrait diplômée / Salomé Aurat

Salomé Aurat obtient un DNSEP en 2017. Lors de son parcours à l’école, elle développe une pratique de la peinture et du dessin déployée sur des grands formats, et s’investit au sein de la Coopérative de recherche en participant au programme Léviathan. En 2018, elle rejoint le programme de recherche Création et Mondialisation de l’Ecole Offshore à Shanghai, Chine, avec l’ENSA de Nancy. Nourrissant sa pratique artistique de différents modes de rencontres avec le public, Salomé Aurat vient d’intégrer les maisons de quartier d’Evry Courcouronnes en tant que coordinatrice culturelle.

Comment t’est venu le projet d’entrer dans une école d’art ?
Le projet de faire une école d’art est venu un peu par hasard. Originaire d’un milieu très rural dans l’Allier, j’ai très peu eu accès à des institutions artistiques ou des centres d’art contemporain. Naturellement je n’avais en sortant du lycée qu’une idée assez floue de ce qu’était une école d’art, et pourtant j’y suis rentrée dès l’obtention du baccalauréat. En revanche, j’ai toujours beaucoup dessiné et peint. J’ai eu accès à la culture de la BD, du manga, du film d’animation. J’ai eu la chance d’avoir une peintre dans mon village, qui menait des ateliers de dessin, de peinture, de modelage auprès de différents publics et auquel j’ai pu assister, ce qui a jeté les bases de ma technique actuelle. J’ai aussi suivi les options théâtre et arts plastiques de mon lycée. Mais globalement, la situation géographique des territoires où j’ai vécu et la méconnaissance du milieu de l’art ne m’ont pas aidée à faire un choix réellement éclairé. Je savais seulement que je voulais faire de l’art. C’est une fois rentrée à l’ÉSACM que j’ai perçu les raisons pour lesquelles je voulais rester dans cette voie. J’avais le sentiment -et j’ai eu raison !- que l’ÉSACM me fournirait un enseignement artistique solide dans les disciplines que je connaissais, mais aussi des ouvertures à d’autres formes, d’autres approches et sujets, ce qui était très intéressant pour ma pratique.

Quels ont été les sujets, les médiums, ou les territoires que tu as exploré pendant ton cursus à l’école ?
J’ai été très intéressée dès le début de mon parcours par la question du paysage, qui était particulièrement travaillée à ce moment-là à l’ÉSACM. Il y a eu de nombreuses conférences sur ces questions, et j’ai participé à plusieurs ARC (Ateliers de recherche et de création, format qui a disparu des maquettes pédagogiques depuis 2021, ndlr) dédiés au paysage, qui ont chacun marqué un tournant dans ma pratique. De façon générale, mon travail est poreux aux territoires dans lesquels je me situe. L’ÉSACM était une école d’art qui organisait de nombreux déplacements. Je me souviens, dès la première année, d’un ARC Paysage en Auvergne, où j’avais testé mes premières peintures sur bâches installées dans le paysage, d’un autre ARC  à Brest, ou encore en Ardèche. À chaque fois, je faisais des installations. En deuxième cycle, j’ai également participé à une résidence à Cotonou au Bénin. Ce qui devait être une exploration du paysage s’est avéré un grand chamboulement intime. J’avais toujours été touchée par des problématiques afrodiasporiques, sans avoir osé travailler sur ce sujet jusque-là. Cotonou a été le véritable élément -violement- déclencheur de ma réflexion sur les histoires et l’identité noire, métisse et/ou racisée dans différents territoires (français, rural, béninois, étasunien, chinois…), et le début d’une réflexion sur ma propre expérience, en tant que jeune femme, artiste, racisée, rurale, et mes propres savoirs situés.

Récemment tu as contribué à l’ouvrage Wild Rumors, restitution de plusieurs années de travail mené par la Coopérative de recherche de l’école dans laquelle tu t’étais investie, autour de l’histoire de la ville de Détroit, entre autres. Tu avais pris part au voyage de recherche à Détroit, avec une partie des chercheureuses, en 2018. Peux-tu me parler de cette expérience-là ?
J’ai là aussi vécu une expérience forte à Détroit, peut être plus intime que pour les autres chercheureuses. Dans mon texte pour Wild Rumors, je parle de mon expérience du monde en tant que métisse, de mon savoir situé de personne rurale et racisée. Aller à Détroit, après Cotonou, c’était pour moi partir sur les traces des déportés d’Afrique de l’Ouest et du commerce triangulaire. Lesdits esclaves déportés étaient transporté·es jusqu’au Sud des États-Unis, puis leurs descendant·es ont fuit et voyagé par des voies souterraines (the underground railroad) jusqu’à Détroit. Je me suis intéressée au marronnage, aux forêts, cela faisait échos à l’histoire des Antilles, mais également de la Creuse et de l’Allier dont je suis originaire. C’était un labyrinthe de liens dans lequel je me suis allégrement perdue. Après Détroit, j’ai eu la conviction profonde que je devais partir à la recherche de cela, du savoir situé dont je disposais sans m’en rendre compte, ou peut être en m’en rendant compte mais en ne le croyant pas légitime. Les dessins de la série Bouchures // Boundaries parus dans Wild Rumors sont le résultat de ce cheminement, des recherches et de mes réflexions sur les histoires et révoltes afrodiasporiques cachées dans le paysage rurale français de l’hexagone.

Sans titre I, 2021, 36x50cm, gouache sur papier

À ta sortie de l’école tu as été sélectionnée pour l’école OFFSHORE de Shanghai, programme « Création
et mondialisation » pour un an. Peux-tu me parler de ton expérience là-bas ?
En effet, j’ai été sélectionnée pour le programme de recherche Offshore à Shanghai, promotion 2018-2019, piloté par l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy et l’artiste et enseignant Paul Devautour. Le but de ce programme est de réunir chaque année une petite dizaine de jeunes artistes diplômé·e d’écoles d’art. Nous confrontons nos pratiques à cette mégalopole internationale qu’est Shanghai et participons à des séminaires, des rencontres, des workshops en réflexion autour de ce qu’est et devient le monde de l’art dans une société qui est traversée par la mondialisation. À Shanghai, nous côtoyons et nous nous intégrons à une société ultra connectée, ultra surveillée, ultra dématérialisée. C’est extrêmement futuriste et déroutant pour de jeunes artistes occidentales·aux.

Ma pratique s’est retrouvée dématérialisée· Mes dessins sont devenus des gifs (Désapparitions, 2019), que je distribuais par cartes postales et QR codes. Le QR code est ultra présent dans la vie chinoise, chaque citoyen passe son temps à payer, se connecter en scannant. Mes peintures sont devenues des vidéos en stop motion (La série des Aquariums, 2018-2019). C’était une expérience riche et très intéressante. J’ai pu travaillé avec énormément d’artistes, ou encore organiser une exposition dans un appartement Shanghaien (Huāng Yín Guān Lín à la H27 Gallery, Shanghai, mai 2019).

Peux-tu revenir également sur ton parcours d’enseignante ainsi que tes projets d’éducation artistique ?
J’ai toujours travaillé au contacts de différents publics. D’abord par le biais de l’animation, avec des enfants, adolescent·es, adultes, des publics atteints de handicaps, etc. J’ai également été surveillante. Puis j’ai eu mes affectations deux années de suite dans deux collèges et un lycée du Livradois-Forez, autour de Thiers. Il faut savoir que quand on a un diplôme en école d’art, et d’autant plus un DNSEP, on peut prétendre à devenir enseignant.e contractuel.le. Il n’est pas obligatoire de passer le CAPES ou l’agrégation, à moins que l’on veuille se stabiliser et avoir des affectations à coup sûr chaque année. J’ai pour ma part choisi de ne pas passer le CAPES, car je voulais me garantir une liberté de mouvement pour mon métier premier : artiste.
Je considère que je suis 35h par semaine au travail, mais 24h/24 artiste. Quand j’étais enseignante, je me sentais presque comme une infiltrée. Ma pratique personnelle et ma recherche me permettaient de ne pas être timide dans mes propositions à mes élèves, de leur proposer un maximum de pratiques, d’être ambitieuse pour elles·eux, et de sortir de la ronde des artistes «incontournables à voir absolument» au collège pour leur proposer d’autres noms, plus inclusifs, plus proches d’eux, notamment des femmes, des personnes racisées, etc. J’aimais également leur proposer la venue d’autres artistes, de médiateur·rices de centre d’arts tels que le Creux de l’Enfer, pour les mettre au contact de ce qu’est le monde de l’art et de l’art contemporain.

Bouchures // Boundaries,
collage, dessin au fusain et peinture acrylique sur papier, 230×380 cm.

Comment articules-tu cette activité avec ta pratique artistique ?
Le contact avec différentes populations, autre que le milieu de l’art, m’est indispensable pour travailler. J’ai besoin de rester connectée à la culture populaire, de me laisser imprégner par ses savoirs situés, ruraux ou urbain. C’est un aller et retour permanent qui me permet aussi de garder un recul sur mon travail. Ces moments hors de l’atelier, sur le chemin du travail par exemple, me permettent d’absorber beaucoup d’informations. Je prends des notes sur lequel je reviendrai, je peux prendre des photos qui deviendront peut être un support de travail plus tard. Il est souvent arrivé que je peigne des portraits d’enfants (d’après des images issues de ces archives, ou de vieilles photos de familles ou d’amis). Il me semble que l’enfance est une période très clairevoyante de la vie, même si ce n’est pas le moment où l’on sait le mieux s’exprimer.

 

Tu évoquais une transition vers une nouvelle expérience professionnelles. Concerne-t-elle aussi le champ de l’enseignement ?
Je n’en suis pas si éloignée. J’ai rejoint, depuis moins d’un mois, deux maisons de quartiers de la ville d’Evry Courcouronnes en tant que coordinatrice culture. J’ai encore très peu de recul sur mon rôle, qui va être large, mais avec des missions plus sociales que d’enseignement. Je vais faire le lien entre diverses institutions culturelles et les habitant·es et usage·res de mes quartiers, en organisant des évènements, des ateliers, des expositions. Ce nouveau rôle m’intéresse déja, car il s’inscrit dans un autre rapport avec le public. Contrairement à l’enseignement, les usage·res ont toujours le choix, ne sont pas noté·es, ne rendent pas de comptes. Le dialogue avec elles·eux sera alors, je pense, simple et naturel.

Quels sont tes projets en cours ?
J’ai quitté Clermont-Ferrand après quasiment 10 ans (dont une interruption d’un an à Shanghai) pour déménager en Essonne, à Bretigny-sur-Orge très précisément, pour des raisons personnelles mais aussi professionnelles. J’ai fais le choix de me rapprocher des institutions parisiennes, et je me laisse un peu de temps pour absorber la culture qu’elles apportent. Travailler à l’atelier et saisir les opportunités qui se présentent avant de me mettre à la recherche active d’expositions et de résidences. En ce moment, je travaille beaucoup à la peinture à l’huile et au dessin au fusain, sur différents formats. J’ai toujours travaillé grâce à des banques d’images, précieusement stockées sur mon disque dur externe.
J’entame une série de portraits en réfléchissant autour du terme «woke» («éveillé») et les abus de langage autours de celui-ci. Je peins des portraits d’individus au réveil, dans cet état flottant, le visage groggy par le sommeil plus ou moins bon qui a précédé. Cet état est pour moi assez représentatif de l’ambiance générale de la population, politique et sociale. Je me lance également dans différentes séries d’objets représentatifs de l’actualité, à première vue inoffensifs si on les regarde sans clé.

https://salomeaurat.wixsite.com/site

https://www.instagram.com/salomeaurat/

Portrait ancienne étudiante / Marion Jhöaner, réalisatrice

Marion Jhöaner est réalisatrice. Elle a passé ses deux premières années de DNA à l’École supérieure d’art de Clermont Métropole avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris et l’Edinburgh College of Arts en Écosse. Elle a réalisé plusieurs films documentaires en Scandinavie, mais aussi plusieurs courts-métrages de fiction. Elle vient d’obtenir le prix de la Liberté du 43e Festival du Court de Villeurbanne, en novembre 2022, avec la fiction Ce qui vient la nuit.

Ce qui vient la nuit, Batysphère production, 27’30 », 2022. 3 sélections en festival et le Prix de la Liberté au Festival du Film Court de Villeurbanne 2022 (voir le site de Marion Jhöaner)

Qu’attendiez-vous d’une école, et qu’est-ce qui motivait votre envie de vous investir dans un cursus artistique ?

Avant d’intégrer l’ÉSACM, je venais de terminer trois ans d’arts appliqués : j’étais donc déjà investie dans un cursus artistique depuis le lycée. J’avais choisi cette section parce que j’avais besoin de comprendre le monde à travers une approche plus sensorielle. Je pratiquais la photographie et l’écriture au quotidien et je ne me voyais pas rester assise toute la journée en classe sans pouvoir donner libre cours à mon imagination.

Ces trois années se sont révélées extrêmement riches et intenses, ce qui a soudé la promo dans laquelle j’étais. On attendait beaucoup de nous, aussi nous travaillions tout le temps, y compris la nuit à l’internat, même si nous n’avions pas le droit… Je n’ai pas le souvenir d’une vraie compétition entre les un·es et les autres, mais on était tou·tes porté·es par le désir de se surpasser, d’être toujours plus exigeant·es envers nous-mêmes. Il y avait aussi l’inquiétude du bac et des bons résultats dans les matières générales.

Au moment de choisir ma voie dans les études supérieures, cet environnement scolaire produisait une forte pression sur moi. Les noms des grandes écoles nationales revenaient en permanence avec le rêve d’y entrer. Et du côté de ma famille, on me poussait à intégrer une classe prépa dans le but d’entrer dans l’une de ces grandes écoles.

Mais pour ma part, j’étais épuisée de ces trois années de lycée et cette voie vers la prépa me semblait me précipiter, encore, vers une logique de concours et de productivité qui allait à l’encontre de la recherche intérieure dont j’avais besoin. Je sentais la nécessité de calmer le rythme, de réfléchir à la manière dont je souhaitais m’exprimer, identifier les pratiques artistiques que je voulais explorer. J’avais besoin de plus de liberté et c’est la raison pour laquelle j’ai tenté les Beaux-Arts de Clermont.

Dans une école d’art où il n’y a que l’option art, comment avez-vous nourri un projet de faire du cinéma ?

Je suis entrée à l’ÉSACM avec le désir de poursuivre la pratique photographique et vidéo que je cultivais déjà au lycée. Sans encore parler de cinéma, c’était la mise en scène qui m’intéressait, et les histoires qui découlaient de ces images, les atmosphères qu’elles suggéraient. J’ai développé mon goût pour le travail sonore également. Au départ, j’étais encore très tournée vers une recherche esthétique, au détriment du sens ; mais j’avais besoin d’en passer par là pour comprendre les thèmes qui m’animaient.

Mon parcours à l’ÉSACM a été déterminant en cela grâce à la rencontre d’un enseignant, Alex Pou et d’une chercheuse en particulier, Sarah Ritter. Ces discussions m’ont véritablement marquée. Il et elle ont aussi bousculé ma vision du travail, l’ont rendue moins rigide. En cernant mes préoccupations, ils m’ont dirigé vers le travail de cinéastes et d’artistes, souvent finlandais·es ou russes, qui sont toujours les piliers de mes inspirations aujourd’hui. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais profondément touchée et attirée par l’âme des pays nordiques et slaves.

Vous avez ensuite intégré l’EnsAD ?

Sur les conseils de Muriel Lepage, j’ai tenté le concours de l’EnsAD dès ma deuxième année, pour pouvoir avoir une chance de l’intégrer après ma licence, comme il est rare d’être retenu dès la première tentative. Toutefois, j’ai eu la chance d’être sélectionnée tout de suite et je suis entrée en deuxième année dans le département Photo/Vidéo.

Je souhaitais entrer à l’EnsAD depuis longtemps, c’était donc un rêve qui se réalisait. Malheureusement, la transition a été assez difficile. Contrairement à l’ÉSACM où le cheminement de l’étudiant·e est pris en compte de manière globale et où les enseignant.es forment un collectif, notamment au moment des bilans, l’EnsAD a un système très scolaire et moins familial, assez proche de celui du lycée, avec des notes, et des feuilles de présence, ce qui ne me correspondait pas du tout.

J’ai ressenti cela comme une méfiance à l’égard des étudiant·es, comme si l’on nous soupçonnait de ne pas avoir envie de travailler alors que nous nous étions battu·es pour entrer dans l’une des écoles d’arts les plus sélectives de France… Paradoxalement, on nous demandait de développer tout un travail personnel porté sur le monde extérieur, alors que l’on nous obligeait à rester dans l’école, en 2e et 3e année.

Cela a été très douloureux de constater que l’école rêvée n’était pas en adéquation avec mes attentes. Le fait d’être entrée en cours de cursus n’a probablement pas aidé à mon intégration, mais je ne me suis pas sentie très accompagnée.

J’ai eu davantage d’échanges fructueux en dehors de ma section, avec les professeur·es de Cinéma d’Animation qui m’ont guidée notamment pour mon mémoire – et ce malgré le fait que je n’ai jamais fait de projets d’animation. La transversalité est l’un des meilleurs aspects de cette école, tout comme les nombreuses options qui existent, par exemple, l’écriture de scénario où j’ai fait mes premiers pas. L’école dispose également de nombreux équipements, dans de nombreux domaines, ce qui reste un atout incroyable en tant qu’étudiante, notamment en vidéo puisque le matériel est très onéreux.

Mais c’est en dehors de l’EnsAD que j’ai commencé à réaliser des films de fiction, avec des collaborateur·rices et des mentors extérieurs à l’école. C’est donc en me professionnalisant que j’ai retrouvé une manière personnelle de tracer mon parcours, tout en me confrontant à la réalité du travail. J’ai intégré ces films à mon cursus, de manière un peu hybride, pour pouvoir poursuivre mes études jusqu’à mon diplôme. Il s’agissait de projets trop longs et trop conséquents pour être véritablement encadrés dans le système de l’EnsAD – du moins tel que l’école fonctionnait à l’époque, car il y a eu un changement de direction depuis. Je ne sais pas comment les choses ont évolué aujourd’hui.

 

Sur la Terre, des Orages, IKO productions, 2018. Acheté par TV5 Monde et Ciné+. 4 sélections en festivals et 4 prix dont celui du Meilleur film de fiction au Redline International Film Festival 2019, Toronto, Canada. (voir le site de Marion Jhöaner)

Votre séjour au sein du département cinéma d’Edinburgh était-il rendu possible par un accord Erasmus ?

La renommée de l’EnsAD est évidemment un atout dont j’ai bénéficié au moment de ma recherche de mobilité dans le cadre d’Erasmus. Le département cinéma de l’école d’art d’Edinburgh a accepté de m’accueillir et c’est là que j’ai véritablement développé ma pratique de cinéma documentaire avec Tracey Fearnehough et Itandehui Jansen. Elles m’ont poussé à sortir de l’école et à filmer, à surmonter l’appréhension de l’inconnu : un nouvel environnement, une nouvelle langue, un nouveau pays… J’ai donc réalisé Les vivants, les morts et les marins, un court documentaire qui se déroule sur un chalutier, et qui nous immerge dans le monde des pêcheurs que je découvrais pour la première fois.

D’un point de vue plus global sur l’enseignement, j’ai été extrêmement surprise de l’inversion des rapports entre professeur·es et étudiant·es. Les professeur·es étaient très soucieux de l’intérêt que les étudiant·es portaient au contenu de leurs cours, qu’ils et elles amélioraient en fonction de ce qui nous intéressait. Et les étudiant·es locaux, eux, n’hésitaient pas à exprimer ce qu’ils attendaient de ces cours. Cela me semblait très mature, égalitaire, à l’inverse d’un rapport plus pyramidal en France. Cette différence s’explique peut-être en partie par le fait que les études supérieures au Royaume-Uni sont payantes.

Bien sûr, ce séjour à Edinburgh m’a permis de m’ouvrir à un nouveau pays, de nouvelles cultures car le campus universitaire était très cosmopolite et pas seulement centré sur les arts. Je suis devenue bilingue aussi, ce qui a été extrêmement précieux pour mes projets documentaires suivants.

Vous étiez à Clermont-Ferrand la semaine dernière pour la projection du film Synti, synti (l’île écorchée). Pouvez-vous nous en parler ?

Synti, synti (l’île écorchée) est un documentaire qui poursuit mes recherches sur le rapport entre l’Homme et la nature. Il dresse un portrait des Îles Vestmann en Islande à partir d’une histoire tristement célèbre, celle d’un homme ayant miraculeusement survécu à un naufrage. Au-delà de ce récit emblématique, le film explore le quotidien des pêcheurs de manière sensorielle et délivre les histoires qui imprègnent le territoire de ces îles. C’est un documentaire que j’ai réalisé au cours de ma cinquième année à l’EnsAD, en 2018, et que j’ai donc choisi de développer dans le cadre de mon diplôme.

Cela comportait des avantages matériels conséquents mais, comme je le disais précédemment, il fait partie de ces projets que j’ai en grande partie développé en dehors de l’école. J’ai travaillé avec une productrice, Julia Fougeray (Azadi Productions), que j’avais rencontrée en 2017 sur le tournage de Sur la Terre des Orages, produit par IKO et soutenu par la région Grand Est – mon premier film de fiction complètement extérieur à l’école. C’est elle qui a trouvé les fonds nécessaires pour partir en Islande et organiser la post-production du film.

Comme le film devait répondre aux critères du diplôme, c’est à dire être terminé pour juin 2018, le développement s’est fait très rapidement et le tournage a été très court, ce qui est inhabituel pour un documentaire ! L’écriture du film s’est donc véritablement déroulée sur le tournage, et au moment du montage.

Synti, Synti (L’île écorchée), Azadi productions, 30’00 ». 11 sélections en festival et 4 prix (voir le site de Marion Jhöaner)

Quels sont vos projets en cours ?

Cette année (2022, ndlr), je viens de terminer mon troisième film de fiction, Ce qui vient la nuit, soutenu par la région Grand Est et le département des Vosges et produit par bathysphere. Le film commence à être sélectionné dans les festivals, notamment au festival du Film Court de Villeurbanne ce mois-ci.

J’écris également mon premier long-métrage de fiction, Sans sommeil, ainsi qu’un autre court-métrage de fiction sélectionné l’année passée à la résidence du Tilleul dans le Morvan. Je recherche une production pour ces deux projets.

Je développe également un projet de long-métrage documentaire, Nuna, qui s’intéresse à la communauté inughuit du Nord du Groenland. J’ai obtenu une bourse de la région de l’île-de-France qui m’a permise de me rendre sur place durant six semaines cet été, pour de premiers repérages. J’aborde donc l’écriture documentaire pour la première fois de façon plus traditionnelle, et je poursuis ce travail avec Azadi Productions.

Enfin, je travaille à la commande d’un scénario de long-métrage de science-fiction pour une importante société de production. Ce sont des projets très enthousiasmants, très différents, qui demandent tous énormément d’exigence, mais qui n’évoluent pas à la même vitesse.

Il faut s’adapter en fonction du projet à chaque fois, la méthode de travail est toujours différente. Comme je suis particulièrement attachée au collectif, je suis profondément touchée par cette symbiose avec l’équipe que l’on peut ressentir au moment de la préparation et du tournage. Mais j’aime tout autant la recherche et l’intériorité des périodes d’écriture, qui sont plus solitaires et plus longues.

Vous réalisez par ailleurs des missions de consultante et lectrice pour des institutions ?

Depuis cinq ans, je suis en effet lectrice de scénarios pour différentes sociétés et institutions. L’enjeu est un peu différent à chaque fois selon les activités de la société, mais il s’agit globalement de lire les scénarios dans un temps relativement court, d’en rédiger les synopsis et de développer une analyse en mettant en lumière les points forts et les fragilités des projets, soit pour aider les commissions à se positionner dans leurs sélections ou acquisitions, soit pour aider un·e producteur·rice à prendre du recul quant à la réception du projet par des personnes extérieures et rediriger l’écriture avec ses auteur·rices avant de débuter le financement. En tant que consultante, je suis parfois amenée à suggérer des pistes de réécriture en fonction des intentions des auteur·rices.

La fiction est un domaine extrêmement exigeant où la réception des spectateur·rices est fondamentale, même dans le cinéma d’auteur où les propositions se jouent parfois des codes narratifs. C’est ce lien fort avec le public et cette quête de l’émotion, qui circule de l’écran à la salle, qui me plaît tant dans le cinéma.

Teaser pour Les vivants, les morts et les marins : https://vimeo.com/320340537

Teaser pour Synti, synti : https://vimeo.com/307028286

Portrait ancien étudiant / Yann Lacroix

Diplômé du DNSEP à l’ÉSACM en 2010, Yann Lacroix a développé une pratique presque exclusive de la peinture depuis les premières années de sa formation. Il convoque des paysages sans figurant·es, dont l’échelle enveloppe le·la visiteur·se. Yann Lacroix a participé à de nombreuses résidences, en France et à l’étranger, comme à la Tars Gallery de Bangkok, ou à la Casa de Velasquez à Madrid.
Blue Lagoon, huile sur toile, 37 x 46 cm, 2017

Qu’attendiez-vous d’une école d’art ?

Je dessine depuis toujours, mais jusqu’au milieu de l’année de ma terminale je n’avais pas envisagé faire une école d’art. Un ami m’en a parlé un mois avant le concours, et c’est comme ça que je suis entré à l’ÉSACM. Mon expérience dans l’école a été très riche humainement et intellectuellement. Ça a été pour moi un lieu très stimulant, où j’ai trouvé les outils pour mettre en forme ce qui m’anime, me questionne et constitue même ma manière d’être. Comme tou·tes les autres étudiant·es, j’ai essayé le plus grand nombre de médiums possibles au cours des 1ère et 2e années. Mais la peinture a pris assez vite une place importante. Mon diplôme de 3e année était déjà presque exclusivement constitué de peintures.

On retrouve beaucoup de motifs végétaux et architecturaux dans vos toiles, et de grands formats. Quelle est votre méthodologie de travail ?

Je peins exclusivement en atelier. Je m’inspire et m’appuie sur des photos que je prends dans mon quotidien, que je sois ici ou là. Je photographie des espaces et des motifs pour leur potentiel pictural. Mais je pioche et collecte également des images et documents dans des livres, des documentaires, des films ou sur internet.

Je travaille sur plusieurs types de formats : petits, moyens, et grands. Les petits parce qu’il y a une dimension intimiste. J’ai commencé à travailler sur ces formats il y a plus de dix ans après avoir observé les petits formats de Camille Corot, peints lors de ses voyages en Italie, dans les années 1820-1830.  Il y a beaucoup de peinture, de perspective et de force sur une si petite surface. Les grands formats disposent d’une échelle physique, on les appréhende avec son corps entier. Ils sont proche du champ de vision humain. Au cours des années, j’ai également commencé à travailler sur des moyens formats, sur lesquels je peux développer des problématiques intéressantes.

India Song, huile sur toile, 185 x 160 cm, 2018

Où travaillez-vous et comment s’organise votre temps de travail ?

Mon atelier se trouve à Saint-Ouen. Je travaille tous les jours et ne prends que très peu de temps pendant lequel je ne suis pas en train de penser à mon travail, à la peinture, aux projets et aux expos.

Je pars souvent en résidence en France, mais aussi à l’étranger, comme à Bangkok, à la Casa de Velasquez à Madrid ou à Tunis. Le travail en résidence nourrit beaucoup ma pratique. Ces situations me permettent de réfléchir différemment, de prendre de la distance avec le quotidien, et de prendre soin de l’avenir en convoquant des questions vers lesquelles je ne serai pas allé en restant dans mes habitudes.

Nice place for good value and the swimming pool was clean, huile sur toile, 230×200 cm, 2016

Travaillez-vous avec des musées, des galeries ?

Je travaille avec la galeriste Anne-Sarah Bénichou depuis 2019. Anne-Sarah m’avait repéré au Salon de Montrouge en 2018 alors qu’elle faisait partie du jury. Nous étions en contact depuis quelques mois quand elle m’a contacté en juin 2019, à la fin de ma résidence à Madrid, pour me proposer une exposition personnelle dans sa galerie au mois de septembre suivant. J’ai poursuivi mon travail avec elle depuis.

Je travaille également avec la galerie Selma Feriani à Tunis et Londres. Je prépare en ce moment une exposition personnelle à la galerie Selma Feriani à Londres et une à la Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis, pour 2023.

 

https://www.yannlacroix.com/

https://www.instagram.com/_yann_lacroix_/

https://www.facebook.com/yann.lacroix.92

https://www.arte.tv/fr/videos/081647-009-A/yann-lacroix/

Tennis Club, huile sur toile, 195 x 240 cm, 2018

Portrait ancien·ne étudiant·e / Leslie Pranal

Diplômée du DNSEP en 2014, Leslie Pranal poursuit son parcours au Laboratoire de Formation au Théâtre Physique à Montreuil, puis entre à la FAI-AR À Marseille, une formation supérieure d’art en espace public. Elle est interprête dans plusieurs compagnies de théâtre de rue, et travaille actuellement sur une performance cinématographique immersive pour l’espace public intitulée Grosse production.

Leslie Pranal par Philippe Lebruman

Tu as un parcours très marqué par la performance, la danse, le spectacle vivant. Est-ce que cette orientation était déjà visible ton cursus à l’école ?

Avant d’entrer à l’ÉSACM, j’ai fait un lycée d’arts appliqués à Saint-Géraud, à Aurillac. On étudiait le design d’espace, le design d’objet, le design de mode, le design de communication visuel, l’histoire de l’art, l’expression plastique, etc. Après mon bac, j’ai passé l’examen d’entrée pour intégrer l’école d’art. À l’époque, il y avait un dossier de productions à fournir pour être admissible, autour d’un thème donné. Le thème était le rythme. J’avais réalisé un happening hommage au futurisme : j’avais réuni des ami·es dans mon garage, vétu·es d’une combinaison jetable blanche. Ils et elles avaient un protocole, écrire des onomatopées et les dire face caméra.  J’ai filmé l’ensemble pour intégrer la vidéo au dossier de candidature.

Au lycée, en visitant différents espaces d’exposition, je me suis questionnée sur le rapport entre le·la regardeur·euse avec les œuvres. Comment dynamiser un espace d’exposition ?  Comment « faire de l’art en se bougeant » ? L’idée nous est venue de proposer aux visiteur·euses d’inventer un mouvement avec le corps qui résonne avec l’œuvre, et d’en faire une image photographiée. On a appelé ça l’« l’art sport ».

Avant même d’entrer à l’école, j’avais commencé à penser des actions, pour sortir du réel, par la vidéo ou la performance, sans nécessairement les nommer comme des actes artistiques.

Une fois dans l’école, comment as-tu employé ces intuitions-là ?

À l’école je me suis rapidement aperçue que les murs me faisaient peur. Le réflexe du « white cube » [espace exposition épuré dont le concept est apparu dans les années 1970, ndlr] me paraissait anxiogène. J’avais besoin de mouvement, de gestes qui ont une existence en eux-même. J ’ai développé ma pratique autour de la danse, de la performance, de la vidéo, etc. J’avais envie de rencontrer les personnes, investir des espaces plus vastes, et qui ont d’autres fonctions.

Ce rapport à l’espace public je ne le nommais pas encore. Mais je saisissais aussi souvent que possible l’occasion de montrer mon travail. Par exemple, j’ai proposé pendant mon parcours une chorégraphie en scooter dans l’allée de l’école. C’était ça qui m’intéressait, trouver par quel moyen on peut proposer une action festive et originale dans une école d’enseignement supérieur, et passer du réel vers l’irréel.

J’avais aussi été invitée à participer à une exposition dans un appartement du centre-ville de Clermont-Ferrand. Je ne savais pas quoi faire de cet espace-là, mais j’avais repéré un passage souterrain dans l’immeuble, qui m’avait fait penser à une grotte. J’avais une amie qui travaillait comme guide dans une véritable grotte, et je lui ai demandé de refaire la même visite, mot pour mot, avec les mêmes gestes et les mêmes contenus, mais dans le passage souterrain, en faisant imaginer aux spectateur·rices qu’ils et elles se trouvaient dans la grotte. Pendant qu’elle parlait, je déplaçais ma lampe torche au plafond pour simuler la présence d’éléments de cette grotte fictionnelle.

Voilà quelques exemples des sujets qui travaillaient mon imaginaire à l’école. J’y ai aussi acquis une méthode de travail, autour de l’expérimentation. Accepter les ratés, et en tirer des ressources nouvelles. Je pense, par exemple, à mon travail d’essai [mémoire de master 2, ndlr], pour lequel je me suis intéressée au personnage de Robinson. J’ai créée une embarcation pour quitter la terre, et j’ai filmé le processus de fabrication. On me voit découper des troncs à la tronçonneuse pour faire un radeau, puis couler avec. Mais l’important c’était ce qui se passait dans l’instant, l’intention, et la trace que j’en ai gardée.

Comment s’est passée ta sortie de l’école ?

À ma sortie de l’école en 2014, j’ai intégré les ateliers de la Cabine, lieu associatif situé au 16 rue du Port qui disposait d’ateliers partagés. J’allais voir beaucoup de spectacles et je me rendais compte que je préférais suivre des stages et des cours de danse et de théâtre, ou participer à des performances avec la Compagnie des Guêpes rouges, plutôt que travailler à l’atelier.
J’ai rejoint la Compagnie des Guêpes rouges pour une performance qui consistait en une lecture pour les droits des femmes. C’était la première fois que je jouais. Après ça, je les ai suivi pour deux ans de tournée.
Je participais aussi à un projet de danse qui s’appelait « Dancing museum », qui réunissait des danseur·euses amateur·rices pour danser dans les musées, au Mac Val, à la Briqueterie, au Grand palais.
Toutes ces expériences m’ont mené à intégrer le Laboratoire de Formation au Théâtre Physique à Montreuil, en 2017.

Au LFTP, on aborde la position de l’acteur·rice comme créateur·rice, l’interprétation en théorie et pratique, mais aussi la mise en scène, la régie lumière et son. Il est question d’apprendre à connaître son corps, pour être en mesure de prendre la parole. Un·e danseur·euse qui parle avec le corps est toujours juste.

Tu as enchainé avec une autre formation, la FAI-AR ?

La FAI-AR permet d’être auteur·rice de projets en espace public. C’est une formation professionnelle qui dure deux ans et qui permet de se pencher sur les enjeux de l’espace public et de développer un projet personnel de A à Z en termes de production, de création, d’interventions, de workshops, mais aussi sur les aspects administratifs, financiers et juridiques. On aborde tous les rôles liés au spectacle vivant et aux arts plastiques, pour être en mesure de porter des projets en autonomie. Le fait de suivre la formation permet d’avoir accès au statut d’intermittent·e.
À la fin de la formation, les apprenti·es présentent des « maquettes », de petites pièces de 20 minutes qui sont comme des « crash test » publics de notre projet personnel de création. Pendant ces deux années, il faut trouver des résidences, monter une équipe, faire des stages administratifs et des stages artistiques. C’est une formation publique, pendant laquelle les cours théoriques sont dispensés à l’université d’Aix-Marseille, ce qui m’a permis de valider un master Art et scène d’aujourd’hui. Comme dans la plupart des master, il m’a fallu rédiger un mémoire lié à mon projet personnel de création. Il prenait la forme d’un cahier d’avancée du projet, organisation, étapes, échecs, intentions, aspects philosophiques et théoriques de la création.
La FAI-AR était d’une certaine façon la synthèse de l’ÉSACM et du LFTP. J’avais jusqu’ici rencontré l’espace public malgré moi, et j’ai rejoint la FAI-AR pour comprendre cet espace particulier, comprendre le public, le grand public, réfléchir à l’accueil, sortir de l’entre-soi, et aller vers l’instantané, l’instant présent, l’impromptu.

Quel était ton projet de création à la fin de ces deux années à la FAI-AR ?

Mon projet personnel de création s’intitulait « Grosse production présente Tournage en cours ». Lors de mes performances, j’ai pour habitude de partir de la grande histoire pour aller vers la petite, du réel vers la fiction. Partir de l’espace public comme terrain de jeu c’était vertigineux. J’avais besoin d’un espace restreint pour m’appuyer contre. Je me suis imposée un espace : nous avons bloqué la rue. Mon équipe artistique a privatisé cette petite portion d’espace urbain, pour en faire un espace poétique, une performance cinématographique immersive et sans caméra. La consigne était partagée avec les passant·es : tout ce qu’on va faire ensemble va faire partie du film. Cette fiction, cet antidote au réel, se met à exister grâce à de la rubalise, avec une voix diffusée dans toutes les langues par un haut-parleur.

Ce projet-là a été déclenché par une expérience précédente, lorsque je travaillais comme assistante d’un réalisateur qui m’avait chargé d’absolument tous les aspects techniques en amont et pendant le tournage d’un film : régisseuse, chargée de casting, conceptrice de décors, de costumes, habilleuse, coiffeuse, cadreuse pour les temps de répétition. J’ai inventé la casquette d’assistante artistique, et ça m’a permis de voir l’envers du décor. J’avais envie de montrer ces coulisses-là au public, d’entrer dans le « méta-cinéma », la mise en abyme, en me demandant ce que donnerait un « méta-espace public ». Ça donne une vraie matière plastique, visuelle, poétique, avec des gestes techniques très chorégraphiques, comme, par exemple, la posture du perchiste. Mon mémoire s’est alors intitulé « LE MÉTA-ESPACE PUBLIC (ou comment fabriquer du réel à vue). » Ce projet a donné lieu à des ateliers, avec des habitant·es, des personnes de tous les âges.

Que fais-tu en ce moment ?

J’ai plusieurs projets en cours avec la compagnie AlixM. Nous avons joué début juin un spectacle de théâtre de rue intitulé Brèches ou faute de révolution nous appuierons sur la ville.
Nous travaillons parallèlement à une carte blanche de trois années sur les aires d’autoroute de l’A63. Il s’agit d’une carte blanche d’écriture, d’actions artistiques pour lier les routier·es et les patrouilleur·euses, avec des enjeux sociaux et de prévention, par l’art.

Je travaille aussi avec une compagnie suisse qui s’appelle Les Trois Points de suspension. Ce sont des scientifiques de l’absurde, qui détournent le réel à travers des théories scientifiques. Parmi différentes actions, on a déjà proposé une dégustation d’huîtres de Clermont-Ferrand, par exemple, pendant laquelle un plongeur va chercher des huîtres dans les égouts pour les déguster avec les passant·es.
Mais en ce moment on travaille sur Bains publics : une pièce autour de l’eau, des thermes mobiles, bains chauds, hamams, etc. Les passant·es se changent, on leur prête des maillots, des claquettes, des peignoirs, on leur demande de pleurer, de rire, pour récolter des larmes, que l’on appelle de l’huile essentielle de festivalier·es.

Cet été, j’ai aussi été sélectionnée pour participer à la table ronde des porteur·euses de projets de la journée professionnelle du Festival du Théâtre de rue d’Aurillac.

Je travaille avec une compagnie qui s’appelle KompleX KapharnaüM, pour une carte blanche pour la Ville d’Angers. Nous jouerons les 9 et 10 septembre à 22h dans les rues d’Angers dans le cadre du festival Les accroches-cœurs.

Je joue également le 6 octobre une performance subaquatique intitulée Fantastic drama et crée pour le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur.

http://www.lesliepranal.com/

instagram : leslie_pranal

Compagnie AlixM « Aire d’un possible départ »

 

Portrait ancienne étudiante / Jade Sauvage

Jade Sauvage est plasticienne et intervenante en médiation culturelle et artistique. Diplômée du DNSEP en 2012, elle obtient ensuite un Master 2 Création et études des Arts contemporains, spécialité Arts et Existence à l’Université Lille 3, auquel elle accède par équivalence. En fondant l’association Écarts d’Arts en 2013, elle crée son activité professionnelle, spécialisée dans la mise en place d’ateliers artistiques pour tous les publics et dans l’accompagnement de lieux artistiques et culturels dans leur démarche d’accessibilité aux publics en situation de handicap.

Médiation au FRAC Franche-Comté

Pouvez-vous nous parler de votre activité ?

Je conçois et anime des ateliers artistiques pour permettre à tous les publics d’expérimenter la création et de découvrir des techniques. J’interviens dans des écoles, universités, établissements médico-sociaux et sociaux, lieux culturels, EHPAD et hôpitaux, crèches, maisons de quartier, etc. J’adapte ma proposition, ainsi que les outils, en fonction des participant·es aux ateliers et au projet, pour que chacun·e puisse s’exprimer, créer et montrer sa sensibilité. Je propose des ateliers de peinture, photo, cyanotype, gravure, tampon, dessin, vidéo, sculpture et modelage. L’idée est de permettre à tout le monde, quel que soit l’âge, les capacités ou difficultés rencontrées, de s’exprimer le temps d’un atelier à travers un médium artistique. J’interviens beaucoup auprès des publics en situation de handicap.

En parallèle, j’accompagne les lieux artistiques et culturels (musées, centres d’art, théâtres, salles de concert, cinéma, etc.) en leur proposant des outils et des actions de médiation. Je conçois des ateliers culturels et des visites guidées, des supports de visites et des outils de médiation, des guides d’exposition et de la signalétique. J’épaule les équipes dans leurs démarches pour faciliter l’accessibilité de leurs équipements et propositions.

Par exemple, j’ai travaillé en 2017 pour la fondation Louis Vuitton en formant les médiateur·ices à l’accueil et la médiation pour les publics en situation de handicap intellectuel et psychique. Lors cette formation, ils et elles ont pu acquérir des connaissances sur les besoins spécifiques de ces publics, découvrir des outils de médiation et concevoir une visite adaptée de l’exposition.

J’ai aussi travaillé pour le FRAC Franche-Comté de 2013 à 2014 sur leur accessibilité au public en situation de handicap de manière globale : accès au bâtiment, aux équipements et expositions, formation des médiateurs, amélioration de la signalétique, mise en place de maquettes d’œuvres et de livrets d’exposition, etc. Puis de 2014 à 2019, j’ai continué à travailler avec le FRAC sur la réalisation des guides d’exposition destinés aux personnes en situation de handicap intellectuel.

En 2021, j’ai accompagné le festival Chalon dans la rue autour de la sélection de spectacles adaptés aux personnes en situation de handicap, ainsi que la réalisation d’un programme en « Facile à lire et à comprendre » pour le handicap intellectuel, et la présence d’un point d’accueil et de renseignement pour les spectateur·ices en situation de handicap.

Lors des projets d’accessibilité qui nécessitent d’entrer dans des considérations très techniques, je travaille en collaboration avec d’autres prestataires, comme lors de la réalisation de guides d’exposition en braille, la fabrication de panneaux pédagogiques avec des illustrations tactiles ou bien la mise en place de visites en langue des signes française.

Signalétique au Marais Étournel

Comment votre parcours s’est-il spécialisé dans les projets de médiation ?

J’avais ce projet-là avant même d’entrer en école d’art. Au moment de choisir un cursus d’étude, j’ai envisagé l’art-thérapie, par exemple. J’avais envie de rencontrer le public avant tout. Il se trouve que j’avais vécu quelques expériences d’accompagnement de ce type, lors de jobs saisonniers ou en tant que bénévole. Je suis entrée à l’école d’art avec cette idée, et une fois mon diplôme obtenu, j’ai souhaité m’outiller davantage, en demandant une équivalence pour entrer en Master 2 Création et études des Arts contemporains, spécialité Arts et Existence à l’Université Lille 3.

En parallèle de cette année de master, j’ai fondé l’association Écart d’Arts avec une amie musicienne. Nous l’avons pensée comme une structure qui permet aux artistes de partager leurs pratiques et techniques auprès de publics variés.

J’ai poursuivi sur le terrain, avec un service civique auprès du FRAC Franche-Comté, qui m’a donné envie de poursuivre dans cette direction, et d’intégrer cette thématique au panel d’actions de l’association.

Quels sont les médiums que vous explorez et proposez en atelier ?

J’adapte mes propositions à l’infini en fonction du public, mais j’ai pu aborder autant la peinture, que le dessin, les collages, les impressions comme la gravure, le cyanotype, ou encore la vidéo. J’ai découvert la plupart de ces pratiques au sein des ateliers de l’école, et ce parcours-là m’amène à aborder ma relation au public différemment d’un·e autre intervenante.

Quels sont les outils que l’école d’art vous a apportés dans votre approche de cette activité ?

Durant les 5 années d’école j’ai pu me nourrir des cours d’histoire de l’art, des différentes conférences d’artistes, galeristes, critiques d’art, des expositions telles que les biennales à Venise, des workshops divers et variés. Cette ouverture à l’art, tant par les apports théoriques qu’à travers la pratique, me permet aujourd’hui de faire de la médiation culturelle et d’animer des ateliers afin de sensibiliser le plus grand nombre à la création contemporaine.

Vos activités prennent une nouvelle direction, pouvez-vous en dire plus ?

D’ici le mois de juillet, j’intégrerai la Direction du patrimoine de la ville de Besançon en tant que chargée de médiation culturelle. Je proposerai toujours des ateliers de pratique et des supports de médiation, de la formation et des visites guidées auprès du public scolaire, familiale et du champ social. Je vais être ainsi amenée à travailler par exemple pour le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, pour la Maison Victor Hugo, les musées des Beaux-Arts et du Temps de Besançon.

Portrait ancien étudiant / Hugo Livet

Hugo Livet a été diplômé d’un DNSEP en 2012 à l’ÉSACM. Artiste plasticien, il vit et travaille à Paris.

Dessin, objets, installations, ses propositions explorent le langage universel de la nature. Il est aussi à l’origine du projet numérique DMT vision qui croise les univers de la science-fiction et de la bande dessinée. Il a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives, en France comme à l’étranger.

-Qu’est-ce qui a motivé votre projet d’intégrer une école d’art ? Quelles étaient vos attentes ?

Si je remonte suffisamment loin, ce sont probablement les Lego et les bandes dessinées qui m’ont permis d’envisager une école d’art. Je ne connaissais rien à l’art, mais je dessinais depuis longtemps, et j’ai choisi les seules études qui pouvaient me permettre d’exercer ma pratique. J’ai participé au concours d’entrée une première fois, sans succès. J’ai passé plusieurs mois enfermé dans une chambre de Cité U à remplir les murs de dessins et j’ai réessayé l’année suivante. Il se trouve que j’ai été reçu par le même jury que l’année précédente. Ils et elles se sont souvenu·es de moi et je pense que ça a joué en ma faveur, parce que mes connaissances en art étaient très limitées. J’avais peu d’attentes précises. Je voulais simplement pouvoir dessiner et échapper au cursus classique.

-Finalement qu’y avez-vous trouvé ?

Des ami·es. Je pense que c’est le plus important car c’est avec elles et eux que j’ai appris et que j’apprends encore. Mais l’environnement de l’école était idéal et très stimulant. J’y ai construit une pensée artistique et les bases d’une éthique personnelle, acquis des connaissances en histoire de l’art et expérimenté de nombreuses techniques.

Mon parcours à l’école correspond à une période de découverte fantastique, pleine de candeur. J’étais très stimulé par l’ambiance générale, par le travail de mes camarades et par les conseils des enseignant·es, par les espaces et équipements. On avait une salle de musique avec un accès à beaucoup d’instruments, par exemple. On jouait ensemble quotidiennement, et on pouvait participer ou organiser de nombreux évènements. Ça nous a aidé à tisser des liens forts, et a commencer à former un réseau. En ce moment, par exemple, je prépare une œuvre en duo avec l’artiste Plume Ribout Martini, pour une exposition collective à Anvers sur une invitation de Luc Avargues (DNSEP 2010). 

-Comment s’est passée votre sortie de l’école ?

J’ai été assez privilégié sur ce point. J’ai reçu les félicitations et j’ai été sélectionné pour plusieurs expositions dès ma sortie. Ça m’a permis de vivre de ma pratique les premières années. Mais la réalité du monde de l’art est bien loin de ce que j’imaginais à l’école. On a découvert par nous même que Clermont-Ferrand était un microcosme protecteur et que la vie d’artiste, dans la plupart des cas, c’est aussi jongler entre le RSA et un travail alimentaire. J’ai eu de la chance au début, puis j’ai dû m’adapter. Mais à postériori je pense que c’était une bonne chose. On a été préservés et ça nous a permis de développer une démarche sans penser à la finalité, de façon sincère et désintéressée.

Peu après ma sortie de l’école, j’ai été invité à participer à quelques expositions importantes pour moi, comme la biennale de Saint Flour ou «Echo(s)))», inscrite dans le programme Résonance de la Biennale d’art contemporain de Lyon. Le salon de Montrouge m’a aussi apporté de la visibilité dans les années qui ont suivi, et j’y ai rencontré quelques ami·es.

Mais les expositions qui ont le plus fait évoluer ma pratique sont sans doute celles qui m’ont contraint à m’adapter totalement à un espace. C’était le cas par exemple de ma première exposition personnelle au centre culturel de Mulhouse. Je devais produire une pièce in situ pour un espace composé de plusieurs couloirs aux murs recouverts de lino orange. J’ai utilisé cette particularité, et j’ai fabriqué des centaines de feuilles mortes en argile rouge que j’ai disséminées dans les coins des couloirs. 

D’où viennent les porosités de votre travail avec l’univers scientifique ?

Les artistes sont des chercheur·euses, au même titre que les scientifiques. Et les processus de recherche que nous menons sont souvent très semblables. Je pense que créer, c’est une manière de participer à la complexification de l’univers. La science permet de comprendre le processus, et l’art permet de le détourner.

Quel rapport votre travail entretient avec la nature ?

Je vois ma pratique comme une exploration du langage universel de la nature à travers différents outils et matériaux. J’essaye de découvrir de nouvelles formes, comme de nouveaux mots. Je considère la création artistique comme un processus darwinien auquel nous participons collectivement, une idée ou une forme pouvant en engendrer une autre. La « nature », c’est un concept occidental qui sert à décrire le monde de façon logique. C’est un mot ambigu. Pour moi la nature traverse tout. Un algorithme ou une intelligence artificielle peuvent être naturelles au même titre qu’un organisme. Je vois la culture comme une continuation de la nature et j’essaye d’appliquer ces idées dans mon travail. Je suis aussi très attaché à ce qu’on appelle « l’environnement naturel ». J’ai grandi dans une campagne isolée et foisonnante qui nourrit encore mon imaginaire.

-Qu’est-ce que DMT Vision ?

DMT vision est un projet d’illustration et d’art numérique assez complexe que j’ai lancé il y a deux ans de façon anonyme et qui présente aujourd’hui des formes multiples. Les thèmes principaux sont les substances psychédéliques et les états modifiés de conscience. J’ai toujours aimé le dessin et l’illustration mais j’avais laissé de côté toute forme d’art représentatif car il me semblait que ça n’avait pas sa place dans mon parcours à l’école. Mes recherches dans le domaine des plantes psychotropes m’ont amené à m’intéresser à la DMT, ou Diméthyltryptamine, une molécule naturellement présente dans l’organisme et dans d’innombrables plantes. Son contact provoque des visions courtes et intenses et un état qu’on apparente souvent à celui de mort imminente. C’est en m’intéressant à ces visions que j’ai repris le dessin sous la forme d’illustrations, et plus tard sous la forme d’animations 2D et 3D. Aujourd’hui, DMT Vision réunit plusieurs projets, dont une sorte de bande dessinée animée, The Adventures of Ego, qui raconte de façon muette et en noir et blanc le voyage d’un « ego » virtuel dans un monde numérique. DMT Vision m’a permis de toucher un public plus large et d’en dégager un revenu. Ce projet me permet d’explorer des formes d’art qui trouvent difficilement leur place dans le milieu de l’art contemporain.

Site internet d’Hugo Livet

Instagram

Projet DMT Vision

«Aimant, aimant», une exposition de diplômé·es 2020 et 2021

Du 18 mai au 17 juin, dans le cadre du festival des Arts en Balade.

Dans le cadre du partenariat entre la Fondation d’entreprise Michelin et l’École supérieure d’art de Clermont Métropole, l’espace d’exposition situé dans La Canopée, le nouveau hall du siège social du Groupe Michelin, à Clermont-Ferrand, accueille une exposition de 23 artistes diplômé·es du DNSEP (master 2) de l’ÉSACM en 2020 et 2021.

Intitulée «Aimant, aimant», cette exposition propose aux artistes de révéler, littéralement, le pouvoir magnétique de leurs œuvres en jouant avec les parois métalliques qui caractérisent le lieu.

Avec : Niloofar Basiri, Antoine Beaucourt, Alexandre Boiron, Léa Bisson, Jeanne Chopy, Hortense Combret, Stefan Fereira, Lola Fontanié, Chloé Grard, Pauline Lespielle, Johanna Medyk, Clémentine Palluy, Manon Pretto, Ophélie Raffier, Gaël Salfranques, To’a Serin-Tuikalepa, Nino Spanu, Frédéric Storup, Florent Terzaghi, Robin Tornambe, Hippolyte Varin, Malak Yahfoufi.

 

VERNISSAGE LE JEUDI 19 MAI À 18H 

  • Ouverture samedi 21 et dimanche 22 mai 2022, de 10h à 17h, dans le cadre du Festival des arts en balade
  • Exposition du mercredi 18 mai au vendredi 17 juin 2022, du lundi au vendredi, de 10h à 18h
  • Une permanence assurée par les artistes les jeudis 2, 9 et 16 juin, de 12h à 14h

Espace d’exposition – La Canopée, 23 place des Carmes, Siège social du Groupe Michelin, 63000 Clermont-Ferrand

Design graphique : Ana Crews

« Promenons-nous dans les voix » Une résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers

Stefan Fereira et Elisa Villatte (diplômé·e·s en 2020) et 5 étudiant·e·s participent à une résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers du 14 au 19 mars dans le cadre du programme « L’hypothèse continue ». 

Le duo d’artistes Stefan Fereira et Elisa Villatte développera les épisodes 3 et 4 du polar La Piscine dont il avait présenté la première partie lors du festival Porny Days, à Zürich, en 2019. En résidence avec Raoul Bonnefoy, Erika Fournel, David Lennon, Célestine Munch et Tristan Robert, étudiant·e·s en 5e année à l’ÉSACM, ils et elles expérimenteront une multiplicité de formes autour de la voix. Un projet de résidence sur une proposition de Régine Cirotteau, artiste et enseignante en vidéo, cinéma et performance à l’ÉSACM.

→ Une restitution publique intitulée « Promenons-nous dans les voix » sera proposée aux Laboratoires d’Aubervilliers le 19 mars 2022, à 15 heures.

Image : La Piscine, Stefan Ferreira et Elisa Villatte, diplômé.es en 2020. Photo Vincent Blesbois © ÉSACM

Portrait de diplômé·es / Bruno Silva

Mykiss, panneaux de polycarbonate, colle vinylique et poudre de talc, transfert d’impression jet d’encre, tubes en métal, pinces, 250×300 cm, 2021 – photo Vincent Blesbois

 

As-tu passé l’intégralité de ton cursus à l’école ? Quels étaient tes sujets d’intérêt, les expériences qui ont compté, pendant ta formation à l’école ?

Le début de mon parcours à l’ÉSACM a commencé dans le cadre d’un échange via Erasmus en 2010. A ce moment-là, j’étais en 4e année à la Faculdade de Belas Artes da Universidade do Porto. Au Portugal, les licences se font en 4 ans et non pas en 3 ans comme en France. J’étais donc dans ma dernière année de licence à Porto quand je suis venu via Erasmus à l’ÉSACM. À la fin des 5 mois d’échange, la question s’est posée : est-ce que je rentre ou est-ce que je reste à Clermont ?

J’ai donc décidé de passer une commission d’équivalence pour intégrer la phase projet et passer le DNSEP à l’école d’art de Clermont.

L’ÉSACM m’a plu par son approche pédagogique qui proposait un enseignement moins théorique qu’à Porto. Les deux systèmes pédagogiques, complémentaires, ont été importants pour moi car cela m’a permis de fabriquer des croisements et rencontres que je n’aurais jamais pu faire en étant seulement à Porto. Aucun des deux systèmes n’est mieux que l’autre, je le souligne, le croisement des deux a enrichi les choses au travers d’un empilement d’expériences.

Pendant les deux années à l’école d’art de Clermont je me suis intéressé à la transformation de l’existant à travers des documents, des images, à leur archivage et à leur détournement. J’ai pris mes études comme un temps de recherche et non pas de production. Comme une sorte de moment d’errance, un temps de dérive. Cela était visible dans mon travail au travers de formes non nommées, fragiles et souvent éphémères. Comme une expérience qui amène à une autre et comme une autre encore poursuit la précédente.

 

Bruno Silva, Vitrail #1, feuille de caoutchouc, colle blanche, talc, transfert impression jet d’encre, dimensions variables / Tom Castinel, Branches, béton, 2021

 

Peux-tu dire quelques mots de ta pratique aujourd’hui, de ta façon de travailler et de ton champ d’activités ?

Ma pratique a bien sûr évolué. Je me suis plus investi dans la matérialité des formes. Cependant, la façon dont je réfléchis le travail est restée la même. Je me base sur des ressources existantes, des objets résiduels, trouvés, usagés, consommés, jetés, modifiés, les images et les résidus d’une rencontre. Je m’entoure de formes marquées par le temps qui parlent d’expériences personnelles, de traces et d’usages humains.

Une forme d’errance persiste dans le dialogue entre les corps, dérivant entre les médiums, suivant leurs flux et jouant avec la nature des choses. Comme une chorégraphie entre une idée et son image, réelle ou fictionnelle, mon travail circule entre la présence et l’absence, l’apparence et la substance, entre le mouvement et l’attente.

Depuis peu, je m’intéresse à l’alliage entre le synthétique et le naturel : une collaboration entre artefacts et phénomènes naturels. La peau, la pellicule, l’habillage, la surface, sont ainsi des éléments que je m’attache plus particulièrement à relever. Étant la première strate travaillée par le temps, la surface conserve les marques de son exposition à l’érosion provoquée par la lumière, la température ou l’usage humain.

Mon travail est double. Il parle de fonctionnement et de dysfonctionnement, il essaie de relier le vivant et l’inerte. Les formes que je produis sont des formes momifiées, voire « zombifiées », elles parlent de vie et de mort à la fois. Elles s’incrustent parfois dans l’architecture d’un lieu, influençant la façon dont on le perçoit et lui attribuant une atmosphère entropique.

 

Quelles ont été tes expériences à la sortie de l’école ? Est-ce à ce moment-là que tu as intégré les Ateliers ?

À la sortie de l’école j’ai eu une année creuse et pleine de questionnements, comme la plupart des diplômé·es. J’ai décidé de m’inscrire dans un master de médiation culturelle à l’Université Clermont Auvergne que j’ai fini par abandonner au bout d’un an. Cependant, ce master m’a été utile car j’avais un stage obligatoire à réaliser et je l’ai fait auprès de l’association Artistes en résidence. Ce stage m’a permis de me rapprocher de la scène artistique clermontoise et d’entrer au cœur des activités associatives. À ce moment-là, fin 2013, j’ai intégré le collectif Les Ateliers qui était en train de se former et de rejoindre des locaux au Brézet. Ce groupe d’artistes posait la question des ateliers d’artistes et défendait la création d’un lieu à Clermont, soutenus par les collectivités territoriales. Appuyés par le Conseil départemental du Puy-de-Dôme et l’ÉSACM, et plus tard par Clermont Auvergne Métropole, nous avons autogéré les locaux pendant 7 ans et organisé des expositions, des concerts, des performances et des rencontres. Nous y avons accueilli une cinquantaine d’artistes en rotation, chacun disposant de son atelier. L’association Les Ateliers a récemment déménagé à la Diode, pôle d’arts visuels municipal, dans des locaux entièrement neufs et équipés dont la réalisation et le financement sont portés par Clermont Auvergne Métropole.

Cette expérience a été très importante pour ma pratique artistique, ainsi que dans la fabrication des outils et expériences qui m’ont amené à une pensée collective et à travailler avec les autres. Sans forcément intégrer constamment le collectif dans ma pratique artistique, je trouve ma place avec les autres en proposant des formes de rencontre, en invitant d’autres artistes à exposer, à collaborer.

En tant qu’artiste, je pense que nous ne sommes pas obligés de tout mélanger, nous pouvons avoir plusieurs activités artistiques, personnelles et/ou collectives.

 

Ossos, support de bidet en métal, fil métallique, feuille artificielle, 50x60x33cm, 2020

 

Peux-tu parler de ton implication dans Artistes en résidence ?

Artistes en résidence a peut-être été le moment le plus important jusqu’à présent dans mon parcours.

Comme je l’évoquais précédemment, j’ai commencé par être en stage, puis bénévole pendant quelques années jusqu’à devenir salarié de l’association il y a 3 ans. Martial Déflacieux, le fondateur d’Artistes en résidence, a été un excellent « formateur » car nous avons beaucoup échangé autour de ce qu’est « être dans l’art ». Il m’a permis de connaître la réalité du fonctionnement associatif dans les arts visuels. Et j’ai pu rencontrer une centaine d’artistes, avec des pratiques très différentes, avec des points de vue très différents sur la place d’un artiste dans l’art et dans la société. Cela m’a forcément enrichi et forgé. Je suis actuellement chargé de la co-coordination de l’association Artistes en résidence avec Isabelle Henrion qui en est la directrice.

Employé à mi-temps, je bénéficie d’un revenu minimum stable, j’ai du temps pour ma pratique artistique et en même temps, je reste dans le milieu et je continue à m’enrichir avec de belles rencontres.

Dixie, terre cuite, colle vinylique et poudre de talc, 50x36x27cm, 2021 – photo Vincent Blesbois

 

Peux-tu parler de la création de « home alonE » ?

home alonE est né dans le but de créer un lieu d’exposition dans un espace domestique — chez moi et Romane Domas, à l’époque —, au départ principalement pour y inviter des artistes clermontois. En 2014, année de création de home alonE, il existait très peu d’espaces de diffusion pour les artistes à Clermont-Ferrand. Disons que la scène clermontoise de l’époque se faisait voir ailleurs, donnant rarement l’occasion de voir ce que chacun de nous faisait. Les artistes partaient plus souvent qu’aujourd’hui car ils avaient peu d’opportunités pour partager leur travail à Clermont.

Le projet est donc né dans ce sens-là : donner un petit coup de visibilité aux artistes du territoire et leur donner la possibilité de s’implanter localement.

Nous recevons le soutien de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes depuis quelques années ce qui nous permet de soutenir économiquement les artistes, à notre échelle, dans leurs productions.

Parallèlement, j’étais intéressé par le fait de cohabiter avec des œuvres, de les traverser dans mon quotidien ou de boire un café devant un dessin, de faire vivre les œuvres.

Comme quand on invite quelqu’un chez nous, j’ai toujours essayé de faire en sorte que les artistes invités se sentent comme chez eux en leur proposant des cartes blanches. Ils font ce qu’ils souhaitent, que ce soit une production spécifique pour l’espace ou l’exposition d’œuvres déjà existantes.

Je vous invite à lire l’article sur home alonE dans la Belle Revue pour en savoir plus : https://www.labellerevue.org/fr/focus/2020/home-alone

Quand le projet a commencé, je n’imaginais pas qu’il durerait aussi longtemps. C’est arrivé naturellement, tant que les énergies restaient éveillées. Mais les énergies se renouvellent. Depuis sa création, je projet a évolué et de nouvelles personnes ont ouvert des espaces d’exposition dans leur maison en gardant le nom du projet home alonE.

Le premier home alonE existe toujours au 6 place Saint-Pierre avec Romane Domas, locataire de l’appartement. Il y a aussi les home alonE chez moi au 53 rue Drelon, chez Hervé Brehier à Saint-Pierre-Le-Chastel et chez Clara Puleio, qui est en train de déménager.

Une franche réussite (rires) !

 

SITES / LIENS :

www.bruno-silva.eu

www.artistesenresidence.fr

www.lesateliers.eu

www.homealone.tk

 

Portrait de diplômé·es / Camille Varenne

Tu vis entre Clermont-Ferrand et Ouagadougou. Peux-tu nous parler de ton histoire avec cette ville ?

Je viens de Brioude, mais ma mère, Rosalie Dametto, a grandi au Maroc et au Nigéria. Mes grands-parents étaient ouvriers à la SGT-E, entreprise de travaux publics rachetée par Vinci. Mon grand-père a participé à la création du premier barrage hydraulique suite à l’indépendance du Maroc. C’est une histoire familiale qui est reliée au continent africain et à l’histoire coloniale de la France. Mon enfance et mon imaginaire ont été bercés de récits sur l’Afrique.

Lors de ma 4e année à l’ÉSACM, j’ai décidé d’aller faire un stage à Manivelle Productions, une maison de production audiovisuelle basée à Ouagadougou. J’ai découvert l’effervescence des cinémas africains, rencontré les réalisateurs burkinabè et me suis immergée dans ce réseau. C’est vraiment là-bas que j’ai affirmé la vidéo comme étant mon médium de prédilection.

Faire des films étaient avant tout un moyen de rencontrer les gens, passer du temps avec elleux, partager des moments de vie. En parallèle, j’ai entamé une démarche de décolonisation de mon propre regard en m’imprégnant de références des mondes afro-diasporiques et en fréquentant de près l’émergence de la nouvelle scène artistique afrodescendante française. J’avais été très émue par les films du réalisateur burkinabè Gaston J-M Kaboré. J’ai appris qu’il avait fondé une école de cinéma, l’Institut Imagine de Ouagadougou, et j’ai demandé à intégrer sa formation.

Gaston Kaboré travaillait également au FESPACO (Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), et j’ai été à ses côtés coordinatrice des colloques du festival. Cette expérience a été une vraie école pour saisir les enjeux politiques des cinémas africains, tout en me permettant de m’intégrer dans un tissu culturel local.

En parallèle de cette expérience à Ouagadougou, tu avais entamé un parcours de DSRA (Diplôme National Supérieur de Recherche en Art) à l’ÉSACM ?

Oui je suis entrée à la Coopérative de recherche de l’ÉSACM en 2015, après mon DNSEP. La Coopérative de recherche était comme une caisse de résonance où je pouvais amplifier et partager mon expérience vécue au Burkina Faso. J’ai aussi expérimenté des pratiques de travail en collectif. C’était un moment où les pensées décoloniales prenaient de l’ampleur, et j’essayais au sein de l’école de créer des temps de rencontres entre des acteurs culturels du Burkina Faso que je côtoyais et des artistes français travaillant avec ces questions. Cette démarche a donné lieu à l’événement Surexpositions, qui s’est tenu en mai 2017 à l’ESACM.

J’ai aussi développé une recherche sur les cinémas africains comme espaces de « transculturation », avec un corpus de films de westerns africains. Je m’intéressais particulièrement à la façon dont les artistes descendants des peuples colonisés s’appropriaient les codes de la culture dominante pour en faire des espaces d’affirmation, une subversion qui affirmait une vivacité. C’est ainsi que je me suis intéressée aux westerns africains qui proposent une nouvelle cartographie du monde où les cow-boys africains quittent la marge pour devenir l’épicentre de l’émancipation des imaginaires. Chimère libératrice, les cowboys africains s’approprient le mythe américain conquérant pour questionner leur propre histoire et inventer leur devenir. Le premier western africain a été réalisé par Moustapha Alassane en 1966. « Le retour d’un aventurier » raconte sur des rythmes de blues le conflit entre cosmogonie animiste et modernité occidentale. Les personnages traversent ce tiraillement au grand galop et ont inspiré mon film « Blakata » réalisé avec des cavaliers du Burkina Faso.

Tu as toi-même réalisé un western au Burkina ?

Oui, j’ai réalisé le film « Blakata » au sein d’une communauté de cavaliers qu’on appelle « les guerriers », et qui incarnent la tradition équestre ancestrale des royaumes de la région. Cette communauté est importante à Ouagadougou. Ce sont des centaures urbains, à la présence spectaculaire qui suscitent crainte et fascination. Je vis avec les chevaux depuis mon enfance, je leur ai confié mon âme comme dirait les Guerriers… Le cheval étant l’emblème du Burkina Faso, ce fut une porte d’entrée pour moi. J’ai arpenté les artères de la capitale à cheval avec « les guerriers », participant aux grandes cérémonies et partageant leur quotidien. J’ai noué une relation intime avec cette communauté, ce qui m’a permis de faire ce film avec eux. L’idée de faire un western a été amené par Issouf Bah, protagoniste principal de mon film, plus connu sous le nom de Wayne John…

« Blakata » qui signifie en langue Bambara « lâcher prise » est une autofiction où « les guerriers » s’inventent en cowboys et jouent leur propre rôle. Devant la caméra, ils s’inventent et laissent apercevoir leurs frustrations, leurs désirs, leurs rêves.

Quel type de cinéma travailles-tu ?

Mon travail c’est de faire des films, comme des prétextes pour passer du temps avec les gens, et créer des aventures collectives pendant lesquelles on invente un petit monde ensemble, le temps du tournage. Mon projet est de pratiquer ainsi, ensemble, de nouvelles subjectivités politiques, décoloniales et féministes.

La catégorisation de mes films dépend ensuite davantage des financements et des lieux de monstration, que d’une décision personnelle. Par exemple, « Blakata » a été diffusé dans des festivals de cinéma documentaire, il a reçu le prix Jeune Public du festival Corsicadoc tout en étant présenté comme installation au Salon de Montrouge. Le film « Pedra e Poeira » est aussi un bon exemple de ce phénomène. J’ai tourné ce film à Fordlândia au Brésil en 2018, dans le cadre de mon DSRA, via une invitation du collectif Suspended spaces. Ce film a été à la fois montré comme installation à Jeune Création et diffusé sur la plateforme Tënk en tant que documentaire.

Comment as-tu exploré et développé cette pratique de la vidéo et du cinéma au sein d’une école d’art option art ?

Le fait de suivre une formation à l’école d’art m’a permis une grande liberté de forme, dans la mise en scène, en espace, dans la façon de travailler, d’expérimenter.

Je crois que j’y ai aussi acquis une méthode de travail assez décomplexée. Par exemple, « Blakata » est un film que j’ai commencé à tourner sans financement, sans matériel professionnel, et toute seule. Dans une école de cinéma on apprend davantage à travailler en équipe et à intégrer des circuits de financements qui verrouillent la forme du film. Mon parcours à l’école m’a émancipé de ces formes de narration, qui peuvent être assez inhibantes.

En revanche, ces deux dernières années je travaille à la réalisation d’un nouveau film en étant cette fois accompagnée par la maison de production The Kingdom fondée par Marie Odile Gazin et accompagnée par Julien Sallé. J’apprends à écrire un scénario. C’est intéressant aussi, et ça me permet de toucher à un autre registre.

Pendant mes études à l’école d’art, j’ai aussi participé au « Film Infini », un groupe de recherche qui travaillait sur l’articulation entre le cinéma et le travail, le travail du cinéma et le cinéma du travail, ce qui m’a permis de collaborer avec des historiens, des sociologues, d’avoir un éveil vers les sciences sociales. Ça a été mon point de départ entre travail de recherche et vidéo.

Peux-tu revenir sur ce projet de film en cours ?

Il s’agit d’un projet de documentaire-fiction, qui s’appelle « Wolobougou » et sera tourné dans une maternité au Burkina. Wolobougou veut dire en Bambara « le lieu de la naissance ». C’est le nom de la petite maternité de brousse fondée par la sage-femme Honorine Soma. Honorine veut révolutionner la place de la femme dans la société burkinabè. Pour donner un accès aux soins aux femmes de milieu rural et affirmer son indépendance, elle a créé sa propre clinique. Elle soigne les corps mais veut aussi soigner les âmes. Pour cela, elle a créé des groupes de paroles féministes qui ont donné lieu à une pièce de théâtre. Aujourd’hui, elle veut remonter sa troupe de théâtre féministe au sein même de sa clinique. Elle peut compter sur l’aide de Bawa, ancienne cantatrice du ballet national du président révolutionnaire Thomas Sankara. Honorine veut convaincre les femmes du village de l’importance de prendre la parole pour changer la société. Malgré le poids des silences et des pressions sociales, vont-elles réussir à affirmer ensemble leur puissance ? En renouant avec la cosmogonie locale et en puisant dans l’histoire politique du pays, Honorine est prête à affronter ces obstacles pour partager son chemin vers l’émancipation.

Tu es également très investie dans le tissu culturel clermontois ?

Pour l’instant, la réalisation de films n’est pas rémunératrice, et je n’ai pas le statut d’intermittent mais d’artiste-auteure. Alors en parallèle, à la fois pour des questions de rémunération et pour tisser des liens qui nourrissent ma pratique, je donne des cours à l’Université Clermont Auvergne.

Je propose depuis trois ans un cours sur le lien entre cinéma et arts plastiques, et j’anime également un atelier du Service Université Culture qui s’appelle « Ciné tract ».

Je suis aussi sélectionneuse pour le Festival du Court Métrage. Je participe donc à la sélection des films, de mai à décembre, depuis trois ans.

Tu proposes en ce moment une installation au Centre international d’art et du paysage de Vassivière.

L’exposition s’appelle « La sagesse des lianes », et est visible jusqu’au 9 janvier 2022. Elle réunit une vingtaine d’artistes des mondes afrodiasporiques, réunis par le philosophe Dénètem Touam Bona qui curate l’exposition.

J’y présente une installation vidéo intitulée « Sankara et nous » coréalisée avec Galadio Kiswendsida Parfait Kaboré.

J’ai rencontré Galadio à l’Institut Imagine, ce lieu de formation et de réflexion autour du cinéma, à Ouagadougou, où j’ai étudié. « La sagesse des lianes » a été pour nous l’occasion de travailler ensemble sur une pièce commune. Le curateur, Dénètem Touam Bona, nous a invité à produire in situ, sur le plateau de Millevaches. Une région qui a une histoire militante forte, avec un tissu associatif très dense.

Galadio Kiswendsida est membre du Balai citoyen, un mouvement militant issu de la société civile au Brukina. Nous avons souhaité travailler sur la mise en regard de ces deux histoires militantes. Nous sommes partis du constat de la méconnaissance des mouvements militants en Afrique, une méconnaissance qui relève davantage du déni que de la simple ignorance. Nous souhaitions travailler cet angle mort, interroger cette zone d’ombre.

Nous avons posé la parole de Thomas Sankara, ancien président révolutionnaire burkinabé, assassiné en 1987, pour la mettre en résonance avec le plateau. Puis nous avons interviewé plusieurs personnes du territoire, en leur proposant de réagir à ses discours.

http://www.camillevarenne.com/

Instagram : @varennecamille

Image : « Sankara et nous », extrait d’installation vidéo 4 écrans, 90 minutes, réalisée avec Galadio Kiswendsida Kaboré, pour l’exposition « La sagesse des Lianes » au Centre international d’art et du paysage de Vassivière.